«Ma carrière de saxophoniste est mon seul bouclier contre les Israéliens, qui auraient tôt fait de me liquider si le prix musical à payer n’était trop cher», répond Gilad Atzmon avec humour.
À l’occasion de la sortie de son livre Quel Juif errant? en langue arabe, l’auteur a été invité par la chaîne télévisée al-Mayadine à une rencontre avec des Libanais, lui qui revient au Liban après 21 ans. Seule différence: celui qui en 1982 participait à l’invasion israélienne en soldat dévoué revient aujourd’hui pour affirmer un désistement total de la cause sioniste. Sur la scène du théâtre Tournesol, à Beyrouth, et avant de s’adonner au jeu du saxophone, Gilad Atzmon a voulu présenter ses récentes trouvailles dans ce qu’il appelle «la réflexion sur l’identité juive». «C’est la première fois que je visite votre pays en tant que touriste, dit-il. La dernière fois, j’étais soldat israélien, et cela est très embarrassant. Pourtant, c’est précisément cette guerre révélatrice de 1982, au Liban, qui a planté les premières graines de révolte dans mon esprit. Aujourd’hui, et après 15 ans d’analyse, je commence à comprendre le fondement de l’identité juive.»
Refouler l’histoire
Gilad Atzmon explique: «Notre connaissance du passé et de l’histoire n’est jamais très claire, puisqu’elle repose sur les faits que nous désirons nous rappeler. L’histoire est une série d’événements que nous pouvons comprendre, ou d’événements qui nous rendent fiers, même si on ne peut les comprendre. En fait, l’histoire n’est autre qu’une forme de dissimulation des éléments qui contredisent qui nous sommes, que nous ne voulons pas incorporer dans notre identité et que nous passons sous silence. Cela ressemble un peu, au niveau personnel, à une personne qui ressent des désirs sexuels non communs et qui ne peut en parler à ses parents. Dans l’histoire juive, il est très clair que les Juifs sont fiers d’avoir par exemple fleuri le désert, d’avoir un pouvoir suprême, une armée infaillible, mais ils cachent d’autre part de nombreuses petites choses. Comment est-il possible que, où ils aillent, les Juifs rencontrent des problèmes? Comment est-il possible que l’histoire juive soit une série de génocides et que les Juifs aient fait en sorte de devenir le peuple le plus haï de la région? Ces questions sont bien évidemment des questions qu’ils ne se posent jamais.»
«Nous sommes tous pareils en tout cas, ajoute M. Atzmon. Les Palestiniens ne se sont jamais interrogés pourquoi les Juifs ont afflué en Palestine à la fin du XIXe siècle et ont commencé à s’armer massivement. Par ailleurs, ce n’est qu’après la guerre de 2006 qu’ils ont réalisé que la plupart des ONG palestiniennes sont financées par des Israéliens libres. C’est une honte, mais nous n’en parlons pas. La narration collective comprend ce processus d’oubli. Et pour maintenir cette répression collective, on a recours à l’idéologie, comme l’affirme si bien un proverbe russe: “Si les faits ne correspondent pas à l’idéologie, on change les faits.” Aussi, on a recours à un leader charismatique, et les Juifs en ont eu beaucoup depuis Moïse. Mais le problème surgit quand le leader meurt, une distance se creusant entre l’inconscient et la réalité. C’est alors que la confusion commence. On commence à entendre des menaces. Il est interdit de parler de beaucoup de choses. Pourquoi? On ne sait plus. On a oublié pourquoi. Ceci est juste politiquement incorrect. Et c’est ainsi que fonctionne l’endoctrinement juif.»
Une théorie que Gilad Atzmon développe en long et en large dans son récent ouvrage, où il appelle à gratter la couverture qui cache les vrais faits de l’histoire pour mettre au grand jour la réalité. «C’est en entamant ce processus que les gens découvriront que les Israéliens ne sont que des trouillards, précise-t-il. Leurs soldats ne mènent plus de combats sur terre; ils n’ont recours qu’aux avions, et leur faiblesse a été dévoilée au monde dans la guerre de 2006 au Liban. Il faut gratter l’histoire et se poser les bonnes questions. Parler du lobby juif qui a poussé à la guerre en Irak et qui pousse au quotidien les États-Unis à la guerre contre l’Iran. L’identité juive politique est la plus dangereuse aujourd’hui. Elle menace même l’Europe, et l’arrêter est urgent.»
Un Juif antisémite ?
Critiqué pour son antisémitisme, Gilad Atzmon souligne qu’il ne s’en «prend pas aux Juifs ni au judaïsme, ni même au sionisme». «Ceux qui sont juifs parce qu’ils croient en la Torah ou parce qu’ils ont des ancêtres juifs sont innocents. Ce sont ceux qui voient dans la doctrine politique juive une priorité distinctive qui sont coupables, et malheureusement, Israël est une démocratie. Les tyrans criminels qui dirigent cet État sont choisis par le peuple, ce qui prouve que le peuple en entier est endoctriné dans cette politique», ajoute M. Atzmon.
Gilad Atzmon est confiant en l’avenir. «On assiste à un éveil en Occident. On sent que quelque chose ne tourne pas rond. En Occident, on n’a pas le droit de parler de Juifs car cela est politiquement incorrect. Le lobby juif et les organisations politiques juives sont sécurisés au nom de l’antisémitisme. Mais les choses changent, confie-t-il à l’OLJ. Les Juifs font tout leur possible pour maintenir l’inconscient collectif qu’ils désirent. Ils écrivent l’histoire alors qu’ils ne l’ont jamais fait pour plus de 16 siècles. Quand j’étais enfant, à Tel-Aviv, ma famille était très éduquée. Pourtant, je n’avais jamais entendu parler de la naqba, ni des refugiés palestiniens. Ce sont des choses interdites. On critique le nazisme, mais nazisme et idéologie juive sont très semblables. Le nazisme était même meilleur par son côté socialiste. »
Enfin, Gilad Atzmon raconte qu’il a été reçu dans le bunker du Hezbollah à Khiam la veille. Pour lui, un jour, la Palestine triomphera et la solution d’un seul État sera établie, pour de simples raisons démographiques. Lui poursuivra sa réflexion sur la question juive, de manière tout à fait indépendante, en bon « self-hating Jew ». « La haine de soi est commune à beaucoup de Juifs, en passant par Jésus, Spinoza et Freud. Ces derniers ont transformé cette haine en vérité universelle pour le monde», dit-il avec un sourire, comme voulant inscrire son nom sur la liste d’honneur. Le jazzman ne verrait-il pas trop grand?