Dans le quotidien morose qui est celui des Libanais, l’élection hier d’un nouveau patriarche grec-orthodoxe apparaît comme une espèce de sourire de Dieu. Mais par-delà sa belle signification religieuse, cette élection devrait servir de leçon à la classe politique dans son ensemble.
Voici en effet une alternance qui se déroule dans l’ordre, dans les délais prévus et selon la procédure arrêtée. Elle devrait pousser les responsables du 14 Mars à faire preuve d’imagination et à trouver le moyen d’examiner, avec le camp d’en face, une nouvelle loi électorale qui permette au scrutin de juin de se dérouler dans les temps.
Des conseils insistants sont en train de parvenir aux responsables, à ce sujet, de plus d’une direction internationale. Par ailleurs, c’est tout le sens du conseil qu’un autre homme d’Église, le patriarche Raï, a donné hier à ceux qui ont des oreilles pour entendre. Très sagement, et en tout bon sens, le patriarche a affirmé que la paralysie des institutions contredit la définition chrétienne de la politique, qui est la recherche du bien commun.
Bien entendu, il ne s’agit ni d’oublier que les assassins rôdent ni le sang précieux qui coule depuis 2005. Il s’agit cependant de concilier ce devoir de mémoire, de justice et de prudence, avec une sorte d’élan vers l’avenir qui ne priverait pas les Libanais de leur espoir, de leurs saisons commerciales, de leur amour du pays.
Ruse politique
Car il ne s’agit pas d’être dupe des propos de Hassan Nasrallah. « Faites des élections, et que la majorité forme le prochain gouvernement ! » a affirmé libéralement dimanche le secrétaire général du Hezbollah, passé maître dans la ruse politique. Oui, emportez les élections, formez le gouvernement, nous nous chargerons ensuite de démissionner collectivement, et de crier haut et fort que ce gouvernement contredit le préambule de la Constitution, qui déclare illégitime tout ce qui contredit le pacte de la vie en commun. Du reste, l’explosion de Teir Harfa est venu rappeler aux Libanais que ce parti a son agenda propre. Saad Hariri a dénoncé hier la ruse d’un homme « qui a transformé sa résistance en un projet de pouvoir, en une spoliation du pouvoir en place ».
(Pour mémoire : Nasrallah : Je conseille au 14 Mars de cesser de miser sur de fausses données)
Non, si le 14 Mars ne doit plus s’enfermer dans une espèce d’autisme politique, s’il ne doit pas poursuivre aveuglément sa campagne de boycottage du gouvernement, s’il doit coopérer avec le chef de l’État, ce n’est pas par candeur politique, mais parce que les développements en Syrie sont trop graves pour que l’on se contente de communiqués de protestations et de déclarations cinglantes. L’impact économique et social de la guerre en Syrie commence à peser très lourd sur le Liban sans parler de l’impact politique et militaire qui a déjà fauché de jeunes vies inutiles à Tripoli.
Le ministre des Affaires sociales, Waël Bou Faour, a haussé le ton hier dans la réunion consacrée aux réfugiés syriens et palestiniens qui affluent au Liban. Il ne s’agit pas seulement de sucre et de farine, de matelas, de couvertures et de réchauds. Il s’agit aussi d’éducation, puisque 30 000 élèves, soit 10 % des effectifs des écoles publiques, sont des élèves syriens. Il s’agit aussi de criminalité et de « promiscuité » entre deux sociétés qui n’ont pas les mêmes mœurs ni les mêmes valeurs. Il s’agit enfin de santé, avec l’apparition de cas de tuberculose parmi les réfugiés. On ne peut se croiser les bras et assister, passivement, à un phénomène qui réveille, chez beaucoup, toutes sortes de craintes, y compris les craintes des années 70, celle de voir « des étrangers » s’armer et sans que personne n’écoute ces cris d’alarme.
À l’impact de la crise syrienne sur le Liban, on pourrait même ajouter un volet juridique, avec le mandat d’arrêt lancé par la Syrie contre Okab Sakr, via Interpol. Un mandat « politisé » auquel l’organisation internationale a jugé qu’il ne fallait pas donner de suite, mais qui, hélas, au Liban, a été endossé par des individus ayant perdu tout sens national. Fort heureusement, le Premier ministre s’est désolidarisé avec éclat de cette ignominie, et il faudrait le mettre à son crédit, quoi qu’on en pense.
Un signal positif est venu hier du parti Kataëb, qui a appelé à la formation d’une cellule de crise, pour faire face à la montée des périls. Un autre signal positif s’est reflété dans l’annonce que le parti de M. Amine Gemayel retrouvera sa place au sein du secrétariat du 14 Mars, mais à partir de 2013. Encore qu’on se demande : pourquoi ce retard ? A-t-on vraiment autant de temps à perdre ? Et l’union ne fait-elle donc plus la force, pour que le Bloc national et le Renouveau démocratique s’excluent de ces concertations ? Non, aujourd’hui plus que jamais, il faut brandir le slogan « Liban d’abord ». On mangera la dinde après.
Voici en effet une alternance qui se déroule dans l’ordre, dans les délais prévus et selon la...
L'Urgence devrait réveiller les UNS de leur Léthargie profonde et les AUTRES de leur obsession de supériorité proverbiale et trompeuse...
08 h 43, le 18 décembre 2012