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À La Une - Égypte

Après la dictature de Moubarak, celle de Morsi ?

Des manifestants incendient des locaux des Frères musulmans lors de protestations contre les dérives du président.

Le président égyptien, Mohamed Morsi, s'adressant à ses supporters, au Caire le 23 novembre 2012, après s'être arrogé par décret des pouvoirs renforcés. REUTERS/Egyptian Presidency/Handout

Le président Mohammad Morsi a promis hier devant ses partisans islamistes au Caire que l’Égypte était sur la voie de « la liberté et la démocratie », malgré les accusations de dérive dictatoriale lancées par des opposants laïques manifestant sur la place Tahrir. « La stabilité politique, la stabilité sociale et la stabilité économique, c’est ce que je souhaite et ce pourquoi je travaille », a déclaré M. Morsi dans un long discours devant ses partisans rassemblés près du palais présidentiel, au lendemain de l’annonce d’un renforcement considérable de ses pouvoirs. « J’ai toujours été, je le suis encore et je le serai toujours, si Dieu le veut, avec le peuple, ce que veut le peuple, avec une claire légitimité », a-t-il insisté. « Personne ne peut arrêter notre marche en avant (...). Je remplis mes fonctions au service de Dieu et de la nation, et je prends des décisions après avoir consulté tout le monde », avait-il auparavant déclaré dans des propos rapportés par l’agence officielle MENA.


Jeudi donc, M. Morsi a ainsi demandé « de nouveaux jugements » dans les procès sur les meurtres de centaines de manifestants durant la révolte, faisant planer une menace sur de hauts responsables militaires ou policiers, et pourrait entraîner un nouveau procès pour M. Moubarak, condamné à la prison à perpétuité. Le président a aussi limogé le procureur général, Abdel Meguid Mahmoud, nommé du temps de Hosni Moubarak, et décidé qu’aucune instance judiciaire ne pouvait dissoudre la commission chargée de rédiger la future Constitution, empêchant ainsi la Haute Cour constitutionnelle d’examiner un appel contre la composition de cette commission dominée par les islamistes. Ces décisions visent à « nettoyer les institutions » et à « détruire les infrastructures de l’ancien régime », a expliqué le porte-parole de la présidence, Yasser Ali.


Elu en juin, M. Morsi, le premier président civil et islamiste du pays le plus peuplé du monde arabe, s’était déjà arrogé jeudi dans une « déclaration constitutionnelle » le droit de « prendre toute décision ou mesure pour protéger la révolution » de 2011. « Les déclarations constitutionnelles, décisions et lois émises par le président sont définitives et ne sont pas sujettes à appel » tant que ne sera pas achevée la nouvelle Constitution, qui doit être rédigée avant la mi-février, selon cette déclaration, puis approuvée par référendum. M. Morsi cumule déjà les pouvoirs exécutif et législatif – la Chambre des députés ayant été dissoute en juin –, et entretient des relations tendues avec une grande partie de l’appareil judiciaire. En août, il avait renforcé son pouvoir en écartant l’ancien ministre de la Défense, Hussein Tantaoui.


L’opposition a en conséquent parlé de « coup d’État contre la légalité » et appelé à des manifestations à travers le pays. Après la prière hebdomadaire musulmane hier en début d’après-midi, des opposants, en majorité des libéraux et des laïques, étaient regroupés sur la place al-Tahrir, épicentre de la révolte ayant provoqué la chute du président Hosni Moubarak en février 2011. Ils devaient être rejoints par Amr Moussa, un ancien chef de la Ligue arabe, et par Mohammad el-Baradei, un ancien chef de l’agence nucléaire de l’ONU qui a accusé jeudi M. Morsi de s’être « proclamé nouveau pharaon ». Pour eux, les pouvoirs élargis de M. Morsi remettent en cause les acquis de 2011. « Morsi, dictateur temporaire », a titré de son côté le journal indépendant al-Masri el-yom.
Au cours de la journée, des manifestants ont incendié des locaux du parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), la branche politique de la confrérie des Frères musulmans, à Ismaïlia et Port Saïd, dans l’est du pays, selon la télévision publique. Des locaux du PLJ, dont M. Morsi est issu, ont été aussi pris d’assaut à Alexandrie, où des accrochages ont éclaté entre manifestants des deux camps, selon un responsable du parti islamiste.
Et hier soir, des opposants à M. Morsi ont entamé un sit-in place al-Tahrir au Caire pour lui demander de revenir sur sa décision de renforcer ses pouvoirs.

Réactions
De même, la communauté internationale n’a pas tardé à réagir, l’Union européenne appelant hier le président Morsi à respecter le processus démocratique en Égypte. « Il est de la plus haute importance que le processus démocratique se déroule dans le respect des engagements pris par les autorités égyptiennes », a déclaré un porte-parole de Catherine Ashton, haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité. Ces engagements portaient sur « la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, la protection des libertés fondamentales et la tenue dès que possible d’élections législatives démocratiques », a-t-il ajouté.


La France estime de son côté que les décisions prises par le président Morsi ne vont pas « dans la bonne direction », selon le ministère des Affaires étrangères hier.


Les États-Unis, eux, ont souligné hier que le renforcement des pouvoirs du président égyptien jeudi « suscitait des inquiétudes » et appelé les différentes parties à résoudre leurs différends « pacifiquement et par le dialogue démocratique », d’après la porte-parole du département d’État américain Victoria Nuland. Rappelant qu’une « des aspirations de la révolution était de s’assurer que le pouvoir ne serait pas trop concentré entre les mains d’une seule personne ou d’une institution », les États-Unis prône l’adoption d’une « Constitution qui comporte des contre-pouvoirs, qui respecte les libertés fondamentales et les droits individuels, avec un droit qui soit conforme aux engagements internationaux de l’Égypte », ajoute Mme Nuland.

Le président Mohammad Morsi a promis hier devant ses partisans islamistes au Caire que l’Égypte était sur la voie de « la liberté et la démocratie », malgré les accusations de dérive dictatoriale lancées par des opposants laïques manifestant sur la place Tahrir. « La stabilité politique, la stabilité sociale et la stabilité économique, c’est ce que je souhaite et ce...
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