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À La Une - Révolte

Question et /sans réponses autour du jihadisme en Syrie

Nouvelle réunion de l’opposition à Doha ; l’armée de l’air intensifie ses frappes ; au moins 170 morts hier.

Un rebelle a pris position à Harem, près de la frontière turque, pour combattre les troupes loyalistes. John Cantlie/AFP

Le chef du Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l’opposition syrienne, a imputé hier la montée des islamistes radicaux en Syrie au manque d’appui de la communauté internationale à la rébellion contre le régime du président Bachar el-Assad. « La communauté internationale est responsable, en raison de son manque de soutien au peuple syrien, de la croissance de l’extrémisme en Syrie », a ainsi affirmé Abdel Basset Saida, en réponse aux propos de la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, qui a réclamé une opposition élargie capable de « résister aux extrémistes » islamistes. « Dans les zones qui ont échappé au contrôle du régime, c’est le chaos et le désespoir, car le régime poursuit ses attaques. Dans une telle atmosphère, il est naturel que se développe l’extrémisme, qui est la conséquence de l’inaction de la communauté internationale et non la cause », a-t-il ajouté. Critiquant la déclaration américaine, M. Saida a lancé : « La communauté internationale devrait s’en prendre à elle-même : qu’a-t-elle donné au peuple syrien ? Comment a-t-elle aidé les Syriens à stopper la folie meurtrière du régime ? »


Mme Clinton avait indiqué mercredi à Zagreb être en possession « d’informations inquiétantes sur des extrémistes qui se rendent en Syrie et tentent de détourner à leurs fins ce qui était jusqu’ici une révolution légitime contre un régime oppressif ». Cependant, M. Saida a estimé que « la révolution restait sur ses rails. Elle a pour objectif d’instaurer la liberté, la dignité, la justice sociale pour le peuple syrien. La Syrie est une société multiple (au niveau ethnique et religieux), donc à terme le projet de l’islam radical ne pourra pas s’implanter dans le pays.
Les Arabes représentent 90 % de la population alors que le reste sont des Kurdes, Turcomans et Tcherkesses. En matière communautaire, les sunnites sont largement majoritaires avec 80 % de la population, contre 10 % de alaouites, 5 % de chrétiens et 2 % de druzes.


Répondant à la responsable américaine pour qui « le CNS ne peut plus être considéré comme le dirigeant visible de l’opposition », son chef a expliqué que son organisation était prête à agir avec des groupes se trouvant hors du Conseil. « Nous sommes prêts à travailler avec tous les groupes patriotiques ayant les mêmes objectifs que les nôtres : la chute de ce régime criminel », a-t-il ainsi affirmé. Mais pour lui, si le CNS est faible, c’est parce qu’il n’a pas le soutien nécessaire de la communauté internationale. « Bien que nous essayions de nous assurer que l’islamisme radical n’aura pas d’impact, le manque de soutien matériel au CNS fait que notre marge d’action est plus limitée que nous le voudrions », s’est-il plaint.


À ce propos, il a indiqué que son organisation tiendrait une réunion élargie le 4 novembre à Doha. « Le CNS représente tous les courants de la société syrienne, dont les islamistes, les libéraux et les laïques. Seront aussi présents à Doha des groupes kurdes ainsi que de nouveaux groupes militaires et civils », a-t-il souligné. Concernant les rumeurs sur la nomination de l’opposant de longue date Riad Seif comme chef du gouvernement en exil, M. Saida a répondu : « Je crois que nous devons attendre la tenue de notre réunion afin de décider quel est le meilleur candidat pour la phase transitoire. Nous allons brûler les étapes si nous proposons des noms sans consultation des acteurs » sur le terrain.

Acceptés et dénoncés
Les jihadistes sont désormais présents sur la quasi-totalité des fronts. Le Front al-Nosra, un groupe islamiste inconnu avant le début de la révolte en mars 2011, a ainsi revendiqué la plupart des attentats et, selon des militants, les jihadistes sont devenus la première force d’opposition armée dans le nord du pays grâce au financement du Golfe. Leur nombre pourrait atteindre désormais plus de 10 000 combattants.
À Alep, un des principaux champs de bataille, le colonel Abdel Jabbar al-Oqaidi, chef du conseil militaire rebelle, confirme : « Nous combattons ensemble au front, leur présence ne nous pose aucun problème. » Plusieurs chefs rebelles ont toutefois assuré qu’ils demanderaient aux jihadistes internationaux de quitter le pays dès la fin de la révolution.
Par ailleurs, le CNS a annoncé hier soir avoir reçu des aides internationales d’un montant de 40,4 millions de dollars, dont la moitié venus de Libye.

« Je jure au nom de Dieu que je n’ai pas tiré »
Parallèlement, les rebelles ont multiplié hier les opérations coups de poing contre les soldats du régime. Les violences à travers le pays ont encore fait au moins 170 morts, selon un bilan provisoire de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), qui a recensé plus de 36 000 tués depuis le début de la révolte en mars 2011.
Parmi les victimes, au moins 28 soldats de l’armée loyaliste ont été tués au combat ou froidement exécutés dans des attaques rebelles sur trois barrages militaires près de Saraqeb, dans le nord-ouest de du pays. Une vidéo diffusée par des militants montre des combattants rebelles frappant une dizaine de soldats blessés avant de les aligner sur le sol et de les achever en les traitant de « chiens de chabbiha d’Assad ». Avant d’exécuter un prisonnier, un rebelle lui lance : « Ne sais-tu pas que nous appartenons au peuple de ce pays ? » Terrorisé, le soldat lui répond : « Je jure au nom de Dieu que je n’ai pas tiré. »
« Au même titre que l’OSDH dénonce les exécutions dans les prisons du régime, elle refuse celles de prisonniers de guerre par les rebelles », a dénoncé le directeur de l’organisation, Rami Abdel Rahmane. Amnesty International a de son côté dénoncé dans un communiqué des images « choquantes d’un crime de guerre potentiel en train de se produire, qui démontrent le mépris absolu du groupe armé en question pour le droit humanitaire international ». L’organisation de défense des droits de l’homme « n’a pour l’instant pas pu confirmer l’identité du groupe armé qui a commis ces exécutions sommaires, et aucun groupe ne les a encore revendiquées. Mais nous allons continuer à enquêter ».
Cinq rebelles ont également péri dans les attaques contre ces barrages installés sur la route internationale entre Damas et Alep.


Outre les lourdes pertes infligées aux troupes régulières, affaiblies par la multiplication des fronts à travers le pays, les insurgés ont saisi des véhicules blindés. L’OSDH cite également des témoins qui ont vu des cadavres de soldats autour des barrages.


Récemment, les insurgés ont détruit plusieurs positions militaires dans la province d’Idleb. Ils cherchent à prendre le contrôle de l’autoroute qui relie la capitale à Alep, passage obligé des renforts militaires vers la métropole dont armée et rebelles se disputent le contrôle depuis plus de trois mois.
Affaiblies par la multiplication des fronts à travers le pays, les troupes régulières ont subi de lourdes pertes, avec plus de 9 000 soldats tués entre près de 20 mois de soulèvement contre le régime, a rappelé l’OSDH.

Inverser la tendance
Face aux rebelles extrêmement mobiles, c’est surtout l’armée de l’air qui est à la manœuvre. Hier, l’aviation a bombardé Damas et ses environs. Des hélicoptères militaires ont mitraillé Hajar el-Aswad, dans le sud de la capitale, faisant des blessés, tandis qu’un avion militaire a largué des bombes sur Harasta, dans la banlieue nord-est de Damas, selon la même source.


À Deir ez-Zor, un citoyen journaliste a par ailleurs été tué alors qu’il couvrait les combats aux côtés des rebelles. Et selon la télévision officielle, une explosion a fait deux morts et des blessés à Hama.


L’intensité sans précédent des frappes aériennes menées par l’armée syrienne est une tentative désespérée du régime pour inverser la tendance après les récentes victoires enregistrées par les rebelles, selon analystes et rebelles. Mais les raids ne cherchent pas tant à frapper les positions rebelles qu’à provoquer assez de peur et de colère parmi les populations pour qu’elles finissent par lâcher les rebelles, estiment-ils. « Les combattants rebelles ont marqué des points significatifs ces dernières semaines, particulièrement dans le nord, et l’armée de l’air voit ça comme une grande menace », indique Charles Lister, analyste au IHS Jane’s Terrorism and Insurgency Centre, basé à Londres, ajoutant que « l’augmentation des frappes est motivée par ces gains militaires relativement significatifs “des rebelles”. Le fait que le régime ait recours à des frappes aériennes d’une telle intensité est un signe qu’il perd la bataille », a déclaré pour sa part le chef de l’ASL, le colonel Abdel Jabbar el-Oqaidi.


Enfin, une voiture a explosé hier devant une caserne de l’armée dans une ville située dans le sud de la Turquie près de la frontière syrienne, faisant quatre blessés, a indiqué l’agence turque Anatolie.

 

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