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À La Une - Sécurité

Liban : l'armée impose le calme, l'opposition maintient les sit-in

« Des indices importants en passe d’être révélés sur l’attentat d’Achrafieh », assure le ministre de l’Intérieur.

L'armée libanaise s'est dit déterminée, lundi 22 octobre 2012, à rétablir le calme à Beyrouth, dont certains quartiers ont été le théâtre de tirs par des miliciens armés après l'assassinat, vendredi, du chef des renseignements de la police dans un attentat à la voiture piégée place Sassine. AFP/ANWAR AMRO

Les tensions entre le 8 et le 14 Mars sur fond d’assassinat politique se sont exacerbées hier dans la rue, notamment sur les fronts de Beyrouth et de Tripoli. Alors que la situation dans la capitale semble contenue après une nuit tumultueuse, les accrochages entre les quartiers chauds de Bab el-Tebbané et Baal Mohsen se poursuivent, en dépit d’une décision politique de rétablir le calme par le déploiement de l’armée.


D’abord, Beyrouth a laissé s’exprimer, dans la nuit de dimanche à lundi, la violence d’éléments sunnites armés non identifiés. Les routes de Tarik Jdidé et Kaskas, bloquées par des pneus brûlés après les obsèques à la place des Martyrs, ont constitué le terrain de tirs d’armes légères et de mortier. Mais l’armée a pu rétablir le calme. Mettant en œuvre son plan sécuritaire à l’aube, elle s’est déployée dans les quartiers chauds : la troupe a ainsi encerclé l’entrée de Barbour avant de pénétrer à Tarik Jdidé ; des unités de blindés ont également débloqué l’axe allant du carrefour de Bourj Abi Haïdar jusqu’à la mosquée Abdel Nasser à l’entrée de corniche Mazraa. En plus des deux quartiers mentionnés, les commandos de l’armée ont effectué des perquisitions à Barbour, corniche Mazraa, Omar Beyhum, Béchara el-Khoury, Cola, la Cité sportive et Sélim Salam.

 

L’intransigeance de l’armée

Le commandement de l’armée s’est montré ferme. « La sécurité est une ligne rouge, dans les faits et non dans les paroles », déclare un communiqué de l’armée, mettant en garde contre « toute atteinte aux institutions et toute attaque contre les biens publics et privés ». « L’armée gère la situation sagement et sans laxisme », ajoute le communiqué, précisant que son commandement « a entamé des contacts avec tous les hauts responsables concernés ». Si l’armée a exprimé « sa douleur après la perte du général martyr Wissam el-Hassan, laissant aux citoyens exprimer eux aussi leur peine, les manifestants doivent, pour leur part, respecter la paix civile. Nous ne permettrons pas de transformer le Liban en scène de règlements de comptes régionaux (...) ». Au début de la journée, le calme se rétablissait au fur et à mesure que l’armée reprenait le contrôle des quartiers chauds et procédait à l’arrestation d’éléments armés. Pourtant, la mise en œuvre de ce plan (qui a amené le commandant en chef de l’armée à se rendre sur les lieux) n’a pas eu lieu sans résistance de la part de certains éléments armés, parmi lesquels des Palestiniens du camp de Chatila. Alors que des échos de tirs intenses continuaient à se faire entendre en début de journée, deux Palestiniens, Ahmad et Abed Koueider, ont tiré « avec des armes de guerre légères » en direction d’une patrouille de l’armée à Kaskas, qui a alors riposté, tuant Ahmad, comme le souligne un communiqué militaire. La troupe a réaffirmé qu’elle « tiendrait tête avec fermeté et force à ceux qui troublent la sécurité des citoyens ». Mais les organisations palestiniennes ont démenti dans un communiqué toute implication dans les violences à Beyrouth, assurant maintenir leur « neutralité » face aux événements.

 Iqlim el-Kharroub
Il reste que l’armée maintient sa présence à Beyrouth, malgré le retour au calme. Les violences, dont l’origine est toujours floue, auront fait un mort et neuf blessés (parmi lesquels Ahmad Arifi, 25 ans ; Maher Solako, 40 ans ; Taleb Ahmad al-Sabeh, 38 ans ; Mohammad Nahili, 35 ans ; Ahmad Mohammad Khaled Audi, palestinien, 25 ans ; Ismaïl Ahmad el-Cheikh, syrien, 46 ans, tous soignés à l’hôpital des Makassed. Un calme similaire a été rétabli dans la Békaa, après le blocage des routes la veille. L’axe Sibline-Katermaya a également été rouvert, après son blocage par des jeunes furieux après la mort du jeune Ali Bassam Taffach, tué par des tirs inconnus à son retour de la manifestation de dimanche. Ses obsèques se sont déroulées hier à midi à Katermaya, dans une indignation contenue. La circulation presque nulle dans l’Iqlim el-Kharroub a été entièrement suspendue lorsque des jeunes ont bloqué temporairement l’autoroute maritime au niveau de Barja-Iqlim el-Kharroub, avec des pneus enflammés, en début d’après-midi. Dans ce cadre, la députée de Saïda Bahia Hariri a contacté notamment le mufti de Saïda, le mohafez, le commandant des Forces de sécurité intérieure et le responsable des services de renseignements de l’armée au Liban-Sud, ainsi que les directeurs d’hôpitaux et d’écoles, afin de s’assurer de la maîtrise de la situation dans la région.

 Tripoli
À Tripoli, la scène est tout aussi tragique. Non seulement les accrochages se poursuivent, malgré la décision politique de rétablir le calme et le déploiement de l’armée dans la rue de Syrie, ligne de démarcation entre Bab el-Tebbané et Jabal Mohsen, mais le même scénario des précédents accrochages se répète. Hier en fin de soirée en effet, les cadres du quartier sunnite ont affirmé se conformer au cessez-le-feu, renvoyant la responsabilité d’éventuels tirs aux alaouites de Jabal Mohsen. Ces derniers, en la personne de leur chef Rifaat Ali Eid, ont fait une déclaration similaire.

 

(Pour mémoire : À Tripoli, des salafistes essaient de semer la peur)

 

Entre les deux camps, ce sont des citoyens innocents qui périssent, victimes des tirs arbitraires de snipers des deux bords. Les accrochages d’hier ont fait au moins quatre tués et vingt blessés, parmi lesquels quatre sont dans un état grave, et tous victimes de francs-tireurs en poste au niveau de la rue de Syrie, entre les deux quartiers rivaux ; sur l’autoroute Tripoli-Akkar, longeant Bab el-Tebbané ; dans les zones de Haret Braniyé, Haret Saydé, Bkar, Rifa, Chaarani, Mankoubin et Maloula. La circulation est paralysée, d’autant que les tireurs embusqués ne chôment pas.

Sit-in et enquête en cours
Mais le mécontentement après l’attentat d’Achrafieh trouve également une expression non violente, par l’organisation de sit-ins parallèles à Beyrouth (place Riad el-Solh, devant le Grand Sérail) et à Tripoli. Au Nord, des figures politiques du 14 Mars, notamment le député Mouïne Merhebi, ainsi que des organisations civiles de Tripoli campent depuis deux jours devant la demeure du Premier ministre Nagib Mikati. « L’enjeu n’est pas la chute du gouvernement, mais le dépouillement des armes du Hezbollah », a précisé le député du bloc du Futur. Les députés de la ville, réunis au domicile du député Mohammad Kabbara, ont exprimé leur appui au sit-in, refusant toutefois la désobéissance civile à laquelle les manifestants appellent. « La sécurité de la ville est une ligne rouge », rappelle un communiqué à l’issue de la réunion.

 

(Lire aussi : Place Riad el-Solh, les jeunes du 14 Mars poursuivent leur sit-in)


Parallèlement, l’enquête sur l’assassinat du général Wissam el-Hassan se poursuit discrètement. Le bureau du ministre de l’Intérieur Marwan Charbel a précisé dans un communiqué que « des indices importants sont en passe d’être révélés après l’identification de la voiture piégée, à l’origine de l’attentat, et qui s’est avérée avoir été volée ». « L’enquête judiciaire s’effectue rapidement et sérieusement », a encore assuré le communiqué.

 

 

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