Le pianiste turc mondialement connu et bête noire des islamistes, Fazil Say, a comparu jeudi devant un tribunal d'Istanbul où il a rejeté les accusations d'atteintes aux valeurs religieuses des musulmans, a constaté l'AFP.
La justice turque l'avait inculpé au début de l'été pour "insulte aux valeurs de la religion musulmane" après qu'il a publié sur son compte Twitter quelques tirades provocatrices.
"Je rejette toutes les accusations", a dit le compositeur habillé tout en noir et visiblement énervé lors d'une brève intervention à la barre, avant de remettre aux juges sa défense écrite.
Ses avocats ont réclamé l'acquittement immédiat de leur client ce qui a été refusé par la Cour qui a fixé la prochaine audience au 18 février.
Une centaine de militants des droits de l'Homme, dont des artistes et journalistes, ont manifesté dans le calme devant le palais de justice avant le début du procès.
"Fazil Say n'est pas seul", pouvait-on lire sur l'une des pancartes brandies par les manifestants.
L'ouverture de ce procès relance la controverse sur une islamisation de la société turque, un sujet qui divise profondément les tenants de la laïcité, une institution républicaine, et les partisans du pouvoir islamo-conservateur.
Le virtuose, âgé de 42 ans, est accusé notamment d'avoir "insulté les valeurs religieuses d'une partie de la population" avec des messages diffusés sur Twitter dans lesquels il s'est moqué des musulmans pieux.
Il encourt une peine d'un an et demi de prison.
Mardi soir sur son compte Twitter, le musicien qui affiche son athéisme, a une nouvelle fois rejeté les charges pesant à son encontre, selon les journaux, a dit sa "stupéfaction" de devoir comparaître devant des juges.
"J'ai représenté le visage moderne de la Turquie par mon art à travers le monde (...) et maintenant je dois être jugé. Je me sens très étrange", a-t-il dit, affirmant n'avoir rien à se reprocher.
Dans l'acte d'accusation, il est reproché au pianiste d'avoir envoyé des messages tels que : "Je ne sais pas si vous vous en êtes aperçus, mais s'il y a un pou, un médiocre, un magasinier, un voleur, un bouffon, c'est toujours un islamiste".
Des particuliers avaient saisi la justice, s'estimant lésés par ses propos sur les réseaux sociaux.
L'un d'eux, Ali Emre Bukagili, présent à l'ouverture du procès, a estimé que l'accusé avait "insulté les valeurs religieuses" dans un pays où officiellement 99% de la population est musulmane.
Une avocate de la partie civile, Me Ayfer Bayar, a rétorqué en affirmant que le musicien a "insulté les 3 grandes religions".
Laïc convaincu et fils d'un intellectuel engagé, Fazil Say a régulièrement suscité la polémique en critiquant vertement le gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP), issu de la mouvance islamiste et que les milieux défendant la laïcité accusent de vouloir islamiser la Turquie en catimini.
Des militants islamistes l'attaquent régulièrement sur les réseaux sociaux ou sur les plateaux de télévision, l'accusant de bafouer la religion. En avril, un député de l'AKP, Samil Tayyar, s'était demandé, lui aussi sur Twitter, si ce n'était pas la mère de Fazil Say qui sortait "d'une maison close".
En 2007, son "Requiem pour Metin Altiok", dédié au poète turc mort avec 36 autres intellectuels laïcs à Sivas (centre) en 1993 dans l'incendie volontaire de leur hôtel par une foule d'islamistes intégristes, avait été censuré par le ministère turc de la Culture.
"Si je suis condamné à la prison, ma carrière sera terminée", a insisté le musicien qui remplit des salles entières de Tokyo à Berlin, Paris, Londres ou Salzbourg. Il est connu pour ses interprétations très personnelles des grands classiques.
Le musicien qui s'est éloigné des réseaux sociaux depuis son inculpation, menace de s'exiler au Japon si nécessaire.
La justice turque l'avait inculpé au début de l'été pour "insulte aux valeurs de la religion musulmane" après qu'il a publié sur son compte Twitter...
commentaires (5)
Qu'qttend-t-il pour aller vivre au Japon ou ailleurs, mais à condition qu'il n'y ait ni Islamistes ni autres zigotos de la même espèce datant de l'âge de Bronze...
Georges MELKI
05 h 03, le 19 octobre 2012