La modeste industrie libanaise abrite diverses usines d’assemblage de produits étrangers, surtout des instruments électroménagers. En des temps plus sereins, notre petit mais boulimique marché eût pu rêver de plus prestigieux que frigos, téléviseurs et autres climatiseurs avec la création, par exemple, de quelque chaîne de montage d’automobiles. Par la grâce du Hezbollah, ce sont plutôt des drones militaires, expertement assemblés sur place à partir de pièces fabriquées en Iran, qui éclosent désormais dans notre doux pays. C’est d’ailleurs un de ces petits avions sans pilote, baptisé Ayoub (Job), qui s’en est allé survoler Israël il y a quelques jours, avant d’être abattu.
Il y en aura d’autres, promettait l’autre soir Hassan Nasrallah, retraçant à la télévision le glorieux itinéraire de l’engin et soulignant la portée proprement historique, selon lui, de cet exploit. Sans être un expert militaire, on se doute bien cependant que cette première, pour spectaculaire et importante qu’elle soit, a peu de chances de modifier sensiblement la balance des forces, à moins... À moins que le job confié au prochain Job relève non plus de la patrouille de reconnaissance mais de la mission de bombardement, auquel cas ce serait évidemment la guerre : sans évidemment la moindre garantie que la victoire divine, déterrée on ne sait trop comment des ruines de l’été 2006, sera, cette fois, au rendez-vous.
D’autant plus préoccupant paraît tant d’aventurisme que le Hezbollah est déjà fort occupé à faire la guerre – en Syrie , aux côtés des forces fidèles à Bachar el-Assad – même si, jouant sur les mots sans trop d’égard pour l’intelligence des citoyens, il affirme contribuer seulement à la défense de localités situées en territoire syrien mais peuplées de Libanais ! Non moins sidérante d’incongruité, soit dit en passant, est la prétention brandie par Nasrallah, au lendemain de l’explosion d’une cache de munitions à Nabichit, de disperser aux quatre coins du sol libanais l’arsenal de sa milice, sans souci cette fois de la sécurité des populations.
En déclarant que l’équipée du drone rend plus que jamais nécessaire et urgente l’adoption d’une stratégie de défense, en soulignant que les capacités de la milice sont tenues d’être en conformité avec les plans de l’armée régulière et à l’intérêt bien compris du Liban, le chef de l’État a répondu, calmement mais fermement, à un double défi. Le premier visait ses propres efforts en vue de relancer la conférence de dialogue, et dont a fait bien peu de cas le Hezbollah ; c’est à l’ONU et à la résolution 1701 de l’ONU qui mit fin à la dévastatrice guerre de l’été 2006 que s’adressait le second.
Alors que se multiplient et croissent en gravité les retombées régionales de la crise syrienne, un consensus sur la défense paraît toujours utopique, du moment que c’est avec l’Iran, et non le Liban, que le parti de Dieu a, de la plus éclatante des manières, fait vœu de fidélité stratégique. Reste tout de même la réconfortante constatation que dans cette rocambolesque histoire de drone vadrouilleur, il y a un pilote, Michel Sleiman, à bord du coucou étatique.
Issa GORAIEB
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OLJ / le 14 octobre 2012 à 00h57