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À La Une - Peine de mort

Cortbaoui : Si, au nom de la justice, nous tuons un assassin, quelle différence y aurait-il entre lui et nous ?

À l’occasion de la 10e Journée internationale pour l’abolition de la peine de mort, une table ronde s’est tenue hier à l’Institut français. Les intervenants réclament une abolition définitive de la peine capitale.

Malgré la tendance internationale qui tend à abolir la peine de mort, le Liban observe depuis 2004 un moratoire « de facto » sur ce plan. Ce moratoire ne concerne cependant que les exécutions. Des condamnations sont toujours prononcées par les juges. Ainsi, en 2011, onze condamnations à mort ont été prononcées. Ce régime demeure à bien des égards discutable. Hier, une table ronde a été organisée dans ce cadre à l’Institut français, rue de Damas. Étaient présents la chef de la Délégation de l’Union européenne, Angelina Eichhorst, le ministre de la Justice, Chakib Cortbaoui, l’ambassadeur de France, Patrice Paoli, ainsi que le codirecteur du Centre de droit pénal et de criminologie de Nanterre, M. Pascal Beauvais, la professeur de droit à l’USJ, Marie-Claude Najm, et le secrétaire général du Centre libanais des droits humains, Wadih el-Asmar. Tous ont condamné unanimement le recours à la peine de mort.
Devant une assemblée mobilisée pour l’événement, l’ambassadeur de France ouvre le débat. Optimiste, le diplomate souligne que « l’abolition universelle de la peine de mort est un combat à long terme, mais les progrès sont visibles année après année ».


Prenant ensuite la parole, la chef de la Délégation de l’Union européenne Angelina Eichhorst a jugé que « la peine de mort est inhumaine et inutile ».


La conférence s’articulera autour de ces deux arguments. Témoignant de son fort attachement aux droits de l’homme, Mme Eichhorst tient à rappeler que l’abolition universelle reste un objectif crucial pour l’UE. Elle manifeste son soutien, à la fois politique et financier, à la société civile et aux ONG œuvrant dans ce sens.

Peine de mort, inefficacité avérée ?
À l’argument « pragmatique » selon lequel la peine de mort a un effet dissuasif évident, le ministre Cortbaoui répond par la négative. Il réfute cette affirmation, souvent utilisée par les défenseurs de la peine de mort. L’effet « spectaculaire de la peine de mort » n’est en rien dissuasif, dit-il.
Le ministre insiste sur la fait que « la peine capitale reflète l’échec de la justice ». « Si, au nom de la justice, nous tuons un assassin, quelle différence entre lui et nous ? » s’interroge t-il. Le ministre Cortbaoui affirme « qu’on ne peut que souhaiter l’abolition juridique de la peine de mort ». Applaudi, il ajoute « qu’il n’aimerait pas avoir à signer un arrêté de condamnation, et qu’il ne le fera certainement pas ».


Selon le codirecteur du Centre de droit pénal et de criminologie de Nanterre, M. Pascal Beauvais, la peine de mort est un choix plus philosophique et moral qui reflète un système de valeurs. Selon lui, cette question dépasse la simple considération juridique.

Pas d’effet dissuasif
Le professeur de droit, Marie-Claude Najm, dénonce les violations flagrantes des droits fondamentaux au Liban. Selon elle, le Liban ne respecte pas ses engagements internationaux, tel que le pacte onusien de 1966 sur les « droits civils et politiques ». La peine de mort bafoue l’ensemble des droits inhérents à l’être humain. Elle déplore l’abstention libanaise lors du vote de la résolution onusienne sur le moratoire sur l’application de la peine de mort.


La juriste poursuit en rejetant la « théorie de la spécificité culturelle libanaise ». Il s’agit, selon l’intervenante, d’un faux débat, les exigences et les spécificités internes au Liban ne justifient pas pour autant la négation des droits fondamentaux. Par exemple, la justification du maintien de la peine capitale par l’argument religieux est complètement déplacée, souligne Marie-Claude Najm. Les lois pénales au Liban ne sont pas liées à une religion. Les lois pénales sont « séculières », note t-elle. La professeur explique que des peines de prison fermes et efficaces peuvent tout à fait se substituer à la peine capitale, dans le système judiciaire. « Les peines privatives de liberté ont l’avantage de laisser le temps faire son œuvre », conclut-elle.


Le secrétaire général du Centre libanais des droits humains, Wadih el Asmar, réfute lui aussi la théorie selon laquelle la peine capitale a un effet dissuasif. « C’est de l’ordre du fantasme de croire que la peine de mort empêche la criminalité », ironise t-il. À l’appui de son propos, le militant donne l’exemple des quatre dernières exécutions du 17 janvier 2004. Il rappelle que quelques heures après les exécutions, un meurtre a été commis. L’inefficacité est « flagrante », l’expérience prouve son inefficacité. « Il n’existe absolument pas une corrélation entre le taux de criminalité et la condamnation à mort des criminels ». Wadih el-Asmar expose le cas de la France, où aucune recrudescence de la courbe de criminalité n’a été observée suite à la loi du 9 octobre 1981 portant sur l’abolition de la peine de mort en France.
Enfin, M. Wadih el Asmar a déploré aussi l’immobilisme juridique dans lequel est plongé le Liban. Cette inertie conduit à une violation évidente des droits humains. Il donne l’exemple de ces nombreux prisonniers libanais qui ont été condamnés à mort, et qui attendent depuis de nombreuses années une décision de justice définitive. « Dans le respect du moratoire, leur exécution est temporairement levée », explique t-il.


Autant d’arguments convaincants pour encourager le Liban à suivre la voie abolitionniste empruntée par déjà 139 pays. Cette mobilisation témoigne de l’implication européenne. Elle s’inscrit dans le cadre d’une vaste campagne de sensibilisation menée conjointement par l’Union européenne et par le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius dans les pays partenaires.

 

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