Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

Le butô, danse de la mort, à travers pinceaux et caméra...

Minimalisme, poésie et lenteur des gestes pour le butô, cette danse de la mort et du corps obscur, à travers plus d’une vingtaine d’œuvres photographiques et picturales où se croisent la caméra de Roger Moukarzel et les pinceaux de Takayoshi Sakabe, deux poulains de la galerie Alice Mogabgab*.

Un jeune tailleur de pierre fait émerger un cheval du marbre.

Sous le titre «Du Proche à l’Extrême: les Orients se rencontrent...», la seconde exposition d’une série de créations, dédiées aux jumelages des cultures et au dépassement des frontières, illustre avec éclat le travail des ateliers où la communication humaine est d’une étonnante vitalité.
Pour l’occasion, le butô, danse des ténèbres et appel aux forces de l’au-delà, née en guise de protestation contre le modernisme après les horreurs d’Hiroshima et de Nagasaki, est au feu des cimaises d’une galerie qui a toujours tablé sur des événements pointus et avant-gardistes. Roger Moukarzel photographie le butô de Takayoshi Sakabe. Du Liban au Japon, l’art prend la voie royale des impénétrables sentiers de la création...
Plus d’une vingtaine d’œuvres pour cette corrélation de l’œil d’une caméra et le frémissement d’un pinceau pour piéger l’espace, le temps, l’épaisseur et la fragilité de la matière, le mystère du vivant qui enferme la mort.
Pour cette correspondance entre images captées par une caméra et les toiles de lin aux dessins complices des formes discrètes et comme se fondant dans une brume, voilà un chant visuel d’une modulation élégiaque et au lyrisme d’une sobre élégance.
Quinze photographies pour Roger Moukarzel et sept toiles pour Takayoshi Sakabe, avec en partage, zone de commune appartenance, à part le monde du butô, des dimensions qui vont de 1m45 x 1m45 à 35 cm x 35 cm.
Surgit alors un monde fait de silence, de transe, de folie blanche, d’extase, de lucidité, de voyage, de lenteur. Entre la vie et la mort, dans une extrême économie de mouvements, comme pour ne pas froisser une eau sur laquelle on marche, évocation et invocation incantatoires d’un cérémonial attestant des liens intenses du corps du danseur avec la nature omniprésente, mais toujours mystérieuse.
Les artistes captent ces moments où l’on sonde les instances de l’esprit, la relation avec le cosmos, l’inscription d’un être au cœur de l’univers.
Pour cette danse venue du Japon, un décor tout en blanc. Le peintre Sakabe danse le butô, visage enfariné, pieds nus, bandelettes sur le corps, cheveux lisses, tache rouge sang au coin des yeux, pour une introspection imprégnée sans doute de bouddhisme et de croyances shintos... Sa danse est tissée de mouvements piétinant le sol et se frayant, dans l’air, un chemin du coude. Le regard rivé au ciel comme pour éprouver sa disponibilité au monde, le danseur est ce voyageur à petite mallette noire qui traque le sens d’une traversée humaine.
Et ce sont ces instantanés de quête et d’expression, sur fond blanc ou noir, qui font la tessiture éloquente et sensuelle des photographies de Roger Moukarzel, qui prouve, une fois de plus si besoin, toute la beauté d’un talent fait de netteté et d’une perception sensible et intelligente de l’objet visé.
Quant à l’œuvre de Takayoshi Sakabe, d’une radieuse simplicité avec des profondeurs et des vides qui sécurisent beaucoup plus qu’ils n’inquiètent, elle est dominée par des ombres bienveillantes, presque palpables. Après un stage de danse butô (démonstration à l’appui avec ces photographies), le peintre (considéré comme un véritable trésor national, tout comme les sumos, par un grand magazine de l’art), rompu à la tâche du pinceau et de la truelle depuis 1983, confie: «Après mon stage butô, ma peinture a changé. C’est formidable de s’exprimer avec le corps, car la réaction de la pensée est immédiate. Les personnages et les animaux que je peins dansent tous le butô. Il n’y a pas d’issue, ils portent la mort tout en vivant. Ils dansent entre la vie et la mort très doucement et très vite comme la feuille qui tombe.»
Pour s’en convaincre, on n’a qu’à regarder cette grande et saisissante toile où un jeune tailleur de pierre, torse nu, fait émerger un cheval du marbre. Un cheval à mi-seuil entre la vibration de la chair et la froide inertie de la pierre...

* L’exposition « Roger Moukarzel photographie le butô de Takayoshi Sakabe » se poursuit à la galerie Alice Mogabgab jusqu’au 25 octobre.
Sous le titre «Du Proche à l’Extrême: les Orients se rencontrent...», la seconde exposition d’une série de créations, dédiées aux jumelages des cultures et au dépassement des frontières, illustre avec éclat le travail des ateliers où la communication humaine est d’une étonnante vitalité.Pour l’occasion, le butô, danse des ténèbres et appel aux forces de l’au-delà, née...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut