Avant de cultiver une amitié à laquelle rien dans nos parcours respectifs ne nous prédestinait, Fouad Boustany m’avait conquis – comme tant d’autres – par l’esprit et par le cœur
Le professeur génial de médecine qu’il était avait en effet radiographié la société libanaise en même temps que ses patients. Je l’ai d’abord rencontré chez Moussa el-Sadr, revu chez Kamal Joumblatt, retrouvé chez Fouad Boutros, accompagné chez Rafic Hariri.
Familier des « déshérités » jusqu’à jeûner avec l’imam contre la guerre, attentif aux socialistes, sensible au nationalisme libanais, adulé par les libéraux, ce grand homme faisait de la politique sans le savoir, ou plutôt sans le vouloir. Mais la cause était immanquablement présente, le mot toujours à sa place, la pointe sans cesse aiguisée.
Fouad, l’homme aux mille facettes, n’avait qu’un seul visage et qu’une même vérité. Taquin et enjoué, entier et parfois grognon, il excellait dans le franc-parler et le juste-écrit.
Il a ainsi jalonné son parcours des tâches les plus dures, des défis les plus coriaces, exerçant la médecine sans frontières avec Bernard Kouchner, pratiquant la médecine de l’ordre avec ses pairs de la profession et inspirant la médecine de l’éthique sous les coupoles de l’Unesco, de l’OMS et de la Ligue arabe.
Que de lois, de codes, de règlements, de campagnes, de certificats, de colloques et de conférences nous devons à Fouad Boustany. Personnellement, je lui dois de m’avoir inspiré, soutenu et guidé à la Santé dans un Liban qui s’en refaisait une après la guerre. Il me fera un peu médecin alors que j’en faisais mon maître à penser.
Le cœur, hier, a lâché. D’ailleurs s’il a tenu jusque-là, c’est bien grâce à Mona, Carine, Nathalie et les petits-enfants... Mais le trop-plein d’affection n’évacue pas toujours le trop-plein de peine.
Aujourd’hui toute une « école » est de nouveau en deuil.
Un peu comme Nassib Lahoud et Ghassan Tuéni, ses amis, Fouad Boustany est surtout mort de voir son Liban mourir.
Marwan HAMADÉ
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