Ce qui est beau dans l’usage populaire, c’est que souvent il a plus de sens que le nom de la rue elle-même. Et puis il a une véritable petite histoire libanaise et commune au lieu de n’appartenir qu’à une famille ou à un petit bout de l’histoire avec un grand H. Comment ferait-on sans Dfouni? Où irait-on ? Que ferait-on sans la SNA (place Gebran Tuéni), sans Cola, sans l’ex-KO la BDthèque, sans Soulier Gérard, sans Sodeco (rue Petro Trad) ? Des sociétés de construction, des traiteurs, des assurances qui ont prêté leur nom à des quartiers ou à des rues. Comment ferait-on pour indiquer son immeuble sans dire Mozart Chahine, Lebanese Canadian Bank, Sleep Comfort, La Cigale, Crepaway, beit’l’Hariri, quelle que soit la région où l’on se trouve ? Tu vois où est bineyét Bachir ? Tu continues et tu vas tout droit, j’habite à Mar Mitr. Ce ne doit pas être très drôle d’habiter (pour l’éternité) à Mar Mitr. Y a plus glam quand même qu’un cimetière ou le nom d’un martyr. Parce que pendant la guerre, on a souvent donné le nom de personnes tombées pour le Liban. Noms qu’on a effacés par la suite. Plus glam qu’un cimetière donc, il y a la France : Verdun, Clemenceau, Foch, Pasteur, De Gaulle, les fondateurs et enseignants de l’USJ, Monnot et Huvelin, le fondateur de l’AUB, Bliss. Il y a les villes européennes à Hamra : Madrid, Vienne, Londres (qui se prend à gauche comme dans la capitale éponyme). Il y a l’Amérique latine : Uruguay, Paraguay, Argentine. Il y a les familles Sursock, Joumblatt. Les présidents : Charles Hélou, Camille Chamoun, Béchara el-Khoury ou Élias Sarkis. Il y a la place de l’Étoile comme là-bas dans l’Hexagone. Il y a cette rue du Liban qu’on aurait pu penser immense et large telle une avenue ou un boulevard. Une rue qui porte le nom de son pays et qui, étroite, va dans deux sens, dont l’un vers le Zaroub el-Haramiyé. Les rues changent souvent de sens d’ailleurs. Un coup elle monte, un autre elle devient descente : Pharmacie Berty direction Sassine/ABC. On aime les montées et les descentes au Liban, tal3 el-Alexandre, nazlet Hôtel-Dieu, Basta Ta7ta, Basta Faou2a. Et puis il y a les jolies zones colorées, les bleues, les vertes, les roses et les rues 12, 5 ou 7 quand on sort de Beyrouth. Il y a aussi l’orthographe, une fois française, une autre anglo-saxonne. Achrafieh, Ashrafieh, Achrafié.
Et cette question assez intéressante. Pourquoi certains grands hommes n’ont-ils pas de rue en leur nom, alors que d’autres bien vivants et bien plus petits ont une avenue ou une place ? Allez savoir...
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