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Liban: nouvelle génération «hypersexualisée»?

Du côté des gays...

L’homosexualité est interdite au Liban par l’article 534 du code pénal.

Si une vague de changement a atteint la vie sexuelle d’au moins une partie des jeunes du Liban, celle de leurs frères homosexuels a tout autant évolué. Grâce aux sites de rencontre Internet et à une prolifération des boîtes de nuit gays entre Hamra, Gemmayzé et Sin el-Fil, les jeunes se rencontrent plus facilement, même si les pubs gays locaux ne sont pas encore dotés de «backroom» pour le sexe comme ceux des États-Unis.
En quittant son petit village de la montagne pour s’installer à Beyrouth près de son université il y a quelques années, Ghazi (24 ans) ne s’attendait pas à un mode de vie aussi libéré. «Je viens d’un environnement très conservateur, mon père est un religieux, et j’ai été élevé sans rien savoir du monde gay, indique-t-il. À 15 ans, j’ai eu mon premier rapport sexuel, mais ce n’est qu’à 18 ans, en débarquant à Beyrouth, que j’ai associé mon cas à l’homosexualité. Un ami à moi m’a appris à utiliser les sites gays, m’a emmené veiller dans les pubs, m’a promené dans les rues gays, et m’a fait comprendre que nous étions des gens différents, au mode de vie particulier. Un nouveau monde s’ouvrait à moi; je n’avais qu’une envie, me satisfaire sexuellement. Mes rapports sexuels étaient nombreux, 6 à 7 fois par semaine. Autour de moi, j’ai vu qu’il y avait des gens qui vivaient en couple, je n’y croyais pas trop. Après un certain temps, je suis tombé amoureux et ma vie sexuelle est devenue plus stable, plus saine.»
Pour Ghazi, le monde gay est tout aussi diversifié que le monde hétéro. «J’ai des amis qui sont en couple depuis sept ans, explique-t-il, d’autres qui attendent l’amour pour avoir leur premier rapport sexuel. Certains couples se permettent d’avoir une relation sexuelle à trois de temps en temps pour briser la routine. Quelques-uns se sont mariés mais gardent toujours le contact avec une vie qui leur manque.»

L’association « Helem »
Psychologue ayant côtoyé pendant plus de six ans les jeunes homosexuels à l’association «Helem» qui œuvre pour la défense des homosexuels, Dr Maha Rabbath remarque un grand changement. «Non seulement la vie nocturne a évolué, dit Rabbath, mais les jeunes gays osent de plus en plus crier haut et fort leur homosexualité, phénomène communément appelé “outing”. Cela était inconcevable il y a quelques années, mais aujourd’hui, la nouvelle génération est plus apte à accepter les gays. On sent qu’un mouvement est amorcé, mais il reste beaucoup à faire, surtout en dehors de la capitale où les mentalités sont plus rigides.»
Si pour beaucoup les homosexuels sont hypersexualisés, Rabbath refuse cette stigmatisation: «Il est vrai que pour être gay on a déjà brisé un tabou et qu’il est par conséquent plus facile d’en briser un autre, mais on ne peut pas faire une telle généralisation. De plus, la société pousse les gays à de tels comportements. Quand on ne peut pas avoir une vie de couple entre gays, on est réduit à vivre des relations sexuelles passagères, puisqu’une relation se cache difficilement. En Europe, il y a 20 ans, les gays vivaient une situation semblable. Mais avec la diminution de la pression sociale, ils s’orientent aujourd’hui vers une vie de couple, une vie plus humaine. Par ailleurs, on ne peut pas former une opinion sur les homosexuels en se basant sur les gays qu’on voit, c’est-à-dire ceux de la vie nocturne. Et les autres? On ne les voit pas mais ils existent. Ils sont partout.»
Défenseur des homosexuels, Dr Rabbath estime que «la normalité de la sexualité, c’est qu’elle est diverse». «Mais la diversité fait peur, surtout dans une société hétérosexiste, qui dénigre toute forme de comportement non hétérosexuel, relève-t-elle. Ici, la discrimination est normale, même au sein de la communauté gay. Certains homosexuels refusent de marcher dans la rue en compagnie d’un homosexuel trop flagrant, trop efféminé.»
«Aujourd’hui, poursuit Rabbath, je reçois plus rarement de jeunes homosexuels qui sont persuadés qu’ils sont malades et qui veulent changer d’orientation sexuelle. Mais beaucoup encore ne s’aiment pas et tombent dans la culpabilité et la haine de soi. Certains vont vers la provocation. D’autres mènent une vie double et pratiquent leur homosexualité en cachette.»
Souvent désignée comme la capitale gay du Moyen-Orient, Beyrouth recèle en elle beaucoup de problèmes, et l’ombre de l’article 534 du code pénal libanais qui punit les rapports sexuels contre nature assombrit le tableau «gai» de la capitale. Pour «Helem», il y a encore du pain sur la planche.
Si une vague de changement a atteint la vie sexuelle d’au moins une partie des jeunes du Liban, celle de leurs frères homosexuels a tout autant évolué. Grâce aux sites de rencontre Internet et à une prolifération des boîtes de nuit gays entre Hamra, Gemmayzé et Sin el-Fil, les jeunes se rencontrent plus facilement, même si les pubs gays locaux ne sont pas encore dotés de «backroom»...