Le Conseil des ministres réuni hier à Baabda. Photo Dalati et Nohra
À l’issue de deux jours de discussions (précédées ces derniers mois par toute une série de réunions), le Conseil des ministres réuni au palais de Baabda a approuvé jeudi le projet de réévaluation de la grille des salaires des employés du secteur public, rapporte l’Agence nationale d’information (ANI, officielle).
C’est finalement la proposition de la commission ministérielle, chargée d’examiner l’échelle des salaires, qui a été adoptée, sans être soumise à un vote, précise l’ANI. La commission proposait la mise en vigueur des nouvelles majorations à partir du 1er juillet, des majorations qui ne seront effectivement encaissées que dans plusieurs mois, selon le directeur général du ministère des Finances Alain Bifani interrogé par L’Orient-Le Jour.
L’annonce rendue officielle lors d’une conférence de presse du ministre des Affaires sociales et ministre de l’Information par intérim, Waël Bou Faour, a été précédée, quelques minutes plus tôt, par un certain cafouillage au niveau de la communication gouvernementale.
Dans un premier temps, le Premier ministre Nagib Mikati a affirmé que « la grille des salaires a été approuvée conformément à la proposition de la commission ministérielle ». « Nous avons approuvé une partie des propositions des sources de financement et nous avons chargé le ministre des Finances d’examiner les autres », a poursuivi M. Mikati, cité par l’Agence nationale d’Information (ANI, officielle). Il a souligné que « la rétroactivité de la grille des salaires remonte au 1er juillet 2012 » et ajouté que « l’idée de l’augmentation de la TVA est définitivement écartée ».
Quelques minutes plus tard, le ministre des Finances, Mohammad Safadi, déclarait que la grille n’avait pas été adoptée. Un peu plus tard encore, les déclarations du chef du gouvernement ont été confirmées par un Waël Bou Faour catégorique lors de sa conférence de presse à l’issue de la réunion du cabinet : « L’échelle des salaires a bel et bien été entièrement approuvée. Une partie des propositions concernant les sources de financement a également été approuvée, le reste fera l’objet de plus de discussions. »
Le ministre a insisté sur le fait que tout le débat se concentrait sur les sources de financement et non sur l’approbation ou non de l’échelle des salaires. Dans ce contexte, M. Bou Faour a annoncé la tenue d’une prochaine séance du gouvernement le 12 septembre prochain.
Selon certaines sources, cette augmentation, en raison de son ampleur (évaluée à un milliard de dollars), serait échelonnée sur quatre ans ; une proposition qui doit encore attendre le prochain Conseil des ministres. Ce qui pourrait poser problème, puisque le président de l’Union des enseignants du secondaire, Hanna Gharib, avait averti hier matin qu’un échelonnement serait refusé.
En soirée, M. Gharib a déclaré que le comité de coordination syndicale tiendra une réunion aujourd’hui dans l’après-midi afin de discuter de la position à adopter après la décision du gouvernement.
La question de l’échelle salariale est au cœur d’un bras de fer entre le gouvernement et les syndicats depuis des semaines. Mercredi soir, le comité de coordination syndicale avait opté pour l’escalade en annonçant une grève générale des institutions publiques jeudi, alors que le gouvernement, également réuni mercredi, avait annoncé le report des discussions sur le dossier des salaires.
Quid des ressources ?
Les discussions vont pourtant bon train quant aux moyens de financer cette hausse, certains ministres allant jusqu’à proposer que le projet ne soit approuvé qu’après avoir finalisé les discussions autour des moyens de financement. Selon le ministre Bou Faour, les moyens de financer cette hausse devraient être discutés lors du Conseil des ministres du 12 septembre.
De leur côté, les ministres proches du président de la République (Nazem Khoury, Samir Mokbel et Marwan Charbel) ont exprimé des réserves et proposé une réduction de 15 % des nouvelles révisions de salaires. Selon le ministre Bou Faour, cette proposition n’a pas été votée en Conseil des ministres ni totalement enrayée mais les ministres devront attendre le prochain Conseil des ministres pour être fixés sur cette affaire. Selon les premières estimations, l’État doit assurer la somme de 1 295 milliards de livres pour pallier la hausse des salaires des fonctionnaires.
L’approbation des salaires en Conseil des ministres attendra donc un plan de financement avant d’être ratifiée au Parlement, au même titre que le projet de budget 2013.
Des sources ministérielles ont toutefois affirmé qu’il faudrait plusieurs séances de discussions pour se mettre d’accord sur les moyens de financer ce coût supplémentaire.
Parallèlement, plusieurs nouvelles taxes ont été approuvées, notamment un impôt sur les biens maritimes, une taxe sur les intérêts bancaires et de nouveaux impôts sur les biens immobiliers.
Les organismes économiques s’insurgent
Suite à l’annonce hier de l’adoption de la grille des salaires des fonctionnaires, les organismes économiques ont tenu une réunion d’urgence sur « les répercussions de cet accord sur l’économie nationale à l’ombre d’une croissance faible et des crises politiques et sécuritaires à répétition ».
Dans un communiqué, les organismes économiques font donc part de leur refus « à toute décision du Conseil des ministres concernant la grille des salaires ». Ils affirment que les moyens de couvrir les coûts de cette nouvelle hausse salariale ne sont pas réalistes. « Elle infligera aux secteurs public et privé des pertes énormes qui auront des conséquences dramatiques sur le Trésor public, souffrant déjà d’un déficit colossal. » Les organismes économiques se sont donc dit fermement opposés à ce que les ressources financières soient puisées aux dépens des institutions économiques privées. Ils ont donc appelé le gouvernement à ne « toucher, ni de près ni de loin, à la sécurité économique qui est garante de stabilité et paix civile ». Selon eux, l’unique solution acceptable dans ce dossier réside dans « la mise en œuvre d’une augmentation progressive et d’un financement par la lutte contre le gaspillage sans impliquer des charges supplémentaires à l’économie ».
Les organismes économiques ont assuré qu’ils ne resteraient pas les bras croisés et ont décidé de garder leurs réunions ouvertes « afin d’inciter les responsables à trouver des solutions appropriées à l’économie nationale à l’ombre de la situation difficile du pays ».
Pour mémoire
Et maintenant on va où... ?, la tribune de Fouad ZMOKHOL, président du Rassemblement des dirigeants et chefs d’entreprise libanais (RDCL)
Lire aussi
Liban : le dramatique cri d'alarme des organismes économiques
C’est finalement la proposition de la commission ministérielle, chargée d’examiner l’échelle des salaires, qui a été adoptée, sans être soumise à un vote, précise l’ANI. La commission proposait la mise en vigueur des nouvelles majorations à partir du 1er juillet, des majorations qui ne seront effectivement encaissées que dans plusieurs mois, selon le directeur général du ministère des Finances Alain Bifani interrogé par L’Orient-Le Jour.L’annonce rendue officielle lors d’une...