En première ligne face au flot des réfugiés syriens, la Turquie presse l’ONU de mettre en place des « zones tampons » sur le territoire syrien pour tenter de le contenir. Juste avant de s’envoler pour New York, le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu a remis hier la question controversée de la protection des populations toujours plus nombreuses qui fuient les combats entre l’armée fidèle au régime du président Bachar el-Assad et la rébellion au cœur de la réunion aujourd’hui du Conseil de sécurité. « Nous attendons des Nations unies qu’elles agissent pour la protection des réfugiés en Syrie en les hébergeant, si possible, dans des camps là-bas en Syrie. Il faudrait que les modalités, les méthodes propices à un tel accueil puissent être développées afin que cette question ne soit plus un problème exporté en dehors des frontières de la Syrie » aux pays limitrophes comme le Turquie, le Liban et la Jordanie, a insisté le ministre.
Débordée par cet exode, Ankara a suggéré à plusieurs reprises la création, dans l’extrême nord du territoire syrien, le long de la frontière turque, de « zones de protection » gérées par le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) et susceptible d’accueillir les réfugiés syriens.
Soutenu par la Turquie, ce scénario n’est jusque-là que prudemment étudié par les pays qui réclament la fin du régime syrien. Le président français François Hollande a confirmé lundi que Paris « travaillait » avec ses partenaires sur une création de zones tampons. Mais son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a reconnu hier que la mise en œuvre d’un tel projet était « très compliquée » et nécessitait notamment une zone d’exclusion aérienne partielle.
Au sens strict du terme, une « zone tampon » (« buffer zone » en anglais) est normalement créée après accord entre les parties. En cas de pénétration dans la zone sans autorisation préalable, un système d’alerte se déclenche, explique une source militaro-industrielle. Laurent Fabius a admis qu’une « zone tampon, sans zone d’exclusion aérienne, c’est impossible ». « Pour assurer la protection (des réfugiés), il faut avoir des moyens antiaériens et des moyens aériens », a-t-il dit évoquant aussi des forces au sol.
Mais une telle décision, qui nécessite la mise en place d’une coalition militaire susceptible de la faire respecter, n’a pour l’heure aucune chance d’être votée par le Conseil de sécurité, où la Russie et la Chine bloquent toute résolution s’ingérant dans les affaires syriennes.
« Vu le flot de réfugiés, les héberger tous en Turquie sera bientôt matériellement impossible. Une zone tampon pourrait s’avérer indispensable », plaide Deniz Ulke Aribogan, spécialiste des affaires internationales à l’université Bilgi d’Istanbul. « Damas ne laissera jamais faire », tranche un autre expert, Ilter Turan.
Même s’il a encore répété hier que son pays ne leur fermerait pas la porte, M. Davutoglu a prévenu que son pays ne pourrait pas accueillir plus de 100 000 Syriens sur son territoire.
Le gouvernement turc a par ailleurs annoncé sa décision d’entrouvrir aux parlementaires le camp de réfugiés du sud du pays qui accueille les déserteurs de l’armée syrienne pour tordre le cou aux rumeurs qui assurent qu’il sert de base d’entraînement aux rebelles.