Une vie chaotique, un courage digne
L’écrivaine est elle-même passée par les tourments existentiels de ces deux femmes pour s’affranchir à travers l’écriture. C’est en effet très jeune que Jana s’enthousiasme pour la plume, alors que sa mère décède prématurément. « Elle rêvait de devenir journaliste, mais la guerre civile l’a forcée à renoncer à cette ambition. J’ai grandi dans l’idée qu’elle écrivait bien, et lorsque son existence fut fauchée à mes 7 ans, j’ai passé la grande partie de mon temps à ressusciter sa plume dans la mienne, en écrivant des poèmes et des nouvelles, m’exprimant souvent de manière autobiographique », affirme la jeune femme.
Jana s’inscrit en licence de littérature anglaise à l’Université libanaise, mais ses rêves d’émancipation et d’écriture s’émoussent vite à la suite d’un mariage aussi malheureux que forcé. « J’ai cessé d’écrire quand je me suis mariée. Mon époux ne voulait pas d’une femme écrivaine. Dans mon village, Btertij, au Liban-Nord, on considère que ce n’est pas digne de mon sexe d’écrire. »
C’est l’année précédant son divorce que Jana puise en elle et dans sa souffrance assez de mots et d’images pour reprendre la plume et se lance dans des publications en ligne qui l’encouragent à poursuivre et à envisager une éventuelle publication. « J’ai travaillé à Beyrouth, où l’ambiance et le milieu culturel m’ont encouragée à produire », précise-t-elle. Elle termine alors son premier livre, un roman qui constitue un refuge pour elle et qui lui permet de traverser ses soubresauts affectifs avec plus de force et de témérité. Publiée en 2009 par Jarrous Presse, elle reçoit le prix local Simon Hayeck à Batroun pour son livre Raghabate mouharrama (désirs interdits). Dès lors, Jana prend confiance et ambitionne d’écrire un second roman.
Écrire la peur de soi et des autres
« Je n’aime pas mon premier livre car j’y suis nue. Le nouveau, au contraire, correspond davantage à ce que j’attendais de moi-même, avec cette toute juste distance de l’autobiographique », explique Jana. Elle ne craint pas l’exposition et la critique, au contraire. « La publication m’a donné une plateforme et m’a permis de parler des choses dont j’avais envie », poursuit-elle.
Pour exorciser sa peur, l’auteure a choisi les mots. « J’écris la peur d’être soi car mon enfance était celle d’une enfant de père alcoolique. La peur m’est familière ainsi que le sentiment d’insécurité qu’elle génère et l’écriture, ce doudou où je me sens en paix ». Travaillant actuellement sur son master en littérature anglaise à l’Université libanaise, Jana ne manque pas de projets, et travaille à la fois dans le milieu journalistique et la traduction.
Maya SOURATI