Rechercher
Rechercher

À La Une - La situation

Loi électorale : un accouchement dans la douleur et une armée de mécontents

Dans ce qui semble être désormais une tentative effrénée d’évacuer les dossiers accumulés en vue de pallier les longs mois d’atermoiements et d’inaction, le gouvernement empile ainsi les réalisations à la va-vite sans pour autant en garantir la portée définitive ou s’assurer des effets bénéfiques qu’ils pourraient avoir sur le citoyen. Il en est ainsi avec l’adoption récente par l’exécutif d’une loi électorale qui a fait plus d’un mécontent non seulement dans les milieux de l’opposition, mais également au sein de la société civile.
Dans une véritable fuite en avant, et comme pour remédier aux multiples bévues commises en d’autres endroits – le couac des otages chiites en Syrie en est une dernière –, l’exécutif a fini par accoucher dans la douleur d’un projet de loi venu avec plusieurs mois de retard puisque le texte devait être prêt en juillet dernier. Dès à présent, les critiques fusent de partout, principalement en provenance des forces du 14 Mars qui reprochent au texte le fait qu’il ne sert que ses auteurs et leurs intérêts et qui affirment à qui veut l’entendre que la loi ne passera pas le test de l’Assemblée.
C’est ce qui fera dire à certains au sein de l’opposition que le nouveau projet de loi « est fait sur mesure » et à d’autres qu’il vient consolider l’axe irano-syrien par vote interposé. Des arguments qui ne seraient pas tous dénués de fondement puisque les experts prévoient déjà une nette avancée des forces du 8 Mars si cette mouture du texte était appliquée.
Cependant, si aux yeux des pourfendeurs du nouveau texte celui-ci est contestable à plus d’un égard, la question qui se pose est de savoir quel sera donc son avenir lorsque l’on sait qu’il « tombera inéluctablement sous la guillotine du Parlement », comme l’a si bien exprimé le ministre joumblattiste, Waël Bou Faour.
Autrement dit, à quoi sert-il – et la question s’adresse à toutes les forces politiques et non seulement à la majorité – de poursuivre la fuite en avant en perdant plusieurs mois en commissions et navettes pour voir le texte officiellement condamné au Parlement, surtout que l’on connaît d’avance les positions respectives des uns et des autres ?
C’est précisément contre ces tergiversations qu’entendait mettre en garde hier la LADE (Association pour la démocratie des élections) qui, dans un communiqué virulent, a dénoncé « le coup de théâtre » mis en place. L’association pointe du doigt ainsi non seulement le découpage électoral – qu’elle voudrait voir élargi à au moins 20 circonscriptions – mais également l’occultation de plusieurs des réformes escomptées : le principe du quota féminin a été dénaturé (10 % de sièges au lieu de 30 %), la commission indépendante écartée, pour laisser la place à une commission relevant du ministère de l’Intérieur et au mandat encore plus court que lors des dernières élections (trois mois seulement), le vote des émigrés énoncé mais sans son mécanisme, l’abaissement de l’âge de vote (à 18 ans) oublié, le principe du vote des militaires altéré puisque ces derniers ont besoin d’une autorisation pour exercer leur droit, etc. Bref autant de réformes escamotées qui laissent planer de sérieux doutes sur le caractère démocratique de l’opération électorale dont se prévalent les responsables. Mais les craintes de la LADE ne s’arrêtent pas là.
« Nous avons peur que le scénario, qui avait eu lieu en 2010 à la veille des élections municipales, ne se réitère », commente le secrétaire général de l’association, Adnane Melki, qui rappelle comment, de commission en commission, le texte de loi avait fini par être vidé de ses réformes et de son sens.
Nous n’en sommes certes pas là encore, mais le cas de figure qui est à craindre est de voir le peu de réformes acquises, telles que le bulletin préalablement imprimé, le vote des émigrés, ou même le principe du scrutin proportionnel réclamé à cor et à cri par la société civile, s’évaporer dans le contexte des tiraillements politiques en présence. La LADE stigmatise ainsi le manque de « sérieux » qui transparaît dans le nouveau texte et met en garde contre une « éventuelle connivence des forces politiques qui œuvreraient suivant un accord implicite à faire avorter le texte en dernière minute ».
D’où le principe défendu par l’association : sauvez ce qui peut l’être. Autrement dit, et en attendant que les différentes forces politiques s’entendent sur le nombre ou la grandeur de la circonscription ce qui n’est pas de sitôt, les responsables devraient faire en sorte d’entériner dans des textes de loi les quelques maigres réformes adoptées au moins, quitte à régler le contentieux du mode du scrutin plus tard. L’on s’attend d’ailleurs que ce dernier fasse l’objet d’une joute verbale entre les forces chrétiennes dans les jours à venir, après que le chef des FL eut déjà annoncé la couleur hier en s’en prenant au CPL à qui il reproche son manquement à l’entente convenue à Bkerké au sujet de la loi électorale.
Le député Nabil Nicolas défend sa formation en rappelant à L’Orient-Le Jour que le CPL s’était engagé à avaliser toute entente conclue autour de la loi. « Pour nous, ce texte est le meilleur des possibles », confie-t-il tout en affirmant que la porte est ouverte à toute discussion ou proposition d’amendement que le CPL lui-même pourrait apporter au texte actuel, « comme par exemple la contestation du découpage de Jezzine ou de Zahlé », laisse-t-il entendre.
Il reste donc à attendre la réaction de Bkerké, dont le comité ad hoc se dirige probablement vers l’adoption d’un projet préconisant le scrutin majoritaire sur base de 48 circonscriptions à raison de 2 ou 3 sièges par circonscription.
On est donc bien loin d’avoir réglé le contentieux de la loi électorale qui « sans consensus national ne peut aboutir », dira une source proche du dossier, laquelle craint fort un retour forcé à la loi de 1960.
Dans ce qui semble être désormais une tentative effrénée d’évacuer les dossiers accumulés en vue de pallier les longs mois d’atermoiements et d’inaction, le gouvernement empile ainsi les réalisations à la va-vite sans pour autant en garantir la portée définitive ou s’assurer des effets bénéfiques qu’ils pourraient avoir sur le citoyen. Il en est ainsi avec...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut