Rechercher
Rechercher

À La Une - Syrie

Alep, future martyre ?

Washington craint un nouveau massacre dans la deuxième plus grande ville de la Syrie ; les opposants appellent à manifester aujourd’hui malgré les 145 morts de jeudi.

Face aux combats entre soldats syriens et rebelles, une famille fuit Alep le 26 juillet 2012. AFP/BULENT KILIC

L’armée syrienne massait hier d’importantes troupes autour d’Alep pour lancer une offensive majeure et reprendre le contrôle de cette métropole, en proie depuis une semaine à de violents combats et devenue un enjeu décisif du conflit. « Les forces spéciales se sont déployées mercredi et jeudi sur le flanc est de la ville et d’autres troupes sont arrivées en vue de participer à une contre-offensive généralisée vendredi ou samedi », a ainsi indiqué une source de sécurité. Dans le même temps, 1 500 à 2 000 rebelles sont arrivés de l’extérieur pour prêter main forte à quelque 2 000 de leurs camarades, a ajouté cette source, selon qui les insurgés se trouvent surtout dans les quartiers périphériques du sud et de l’est et tiennent les routes menant à l’aéroport. L’imminence de la contre-offensive a également été confirmée par les rebelles. « Des renforts militaires sont arrivés à Alep et nous nous attendons à tout moment à une offensive majeure », a affirmé le porte-parole de l’Armée syrienne libre (ASL) à Alep, le colonel Abdel Jabbar al-Okaidi, joint depuis Beyrouth via Skype. Selon lui, environ 100 chars et de nombreux autres véhicules militaires sont arrivés. Le journal al-Watan, proche du régime, titrait hier : « Alep, la mère des batailles. »


Selon un correspondant de l’AFP, les combattants de l’ASL se sont emparés mercredi du commissariat du quartier Chaar, arrêtant des policiers, en blessant certains et en tuant d’autres. Un camion chargé de cartons portant les inscriptions en arabe « masques à gaz » a d’autre part été vu devant une base des rebelles dans Alep, selon ce correspondant.

Survivre ?
Dans le quartier Salaheddine, des centaines de rebelles se préparent à l’offensive. Beaucoup sont convaincus qu’ils n’y survivront pas, mais pas question pour autant de succomber à la peur. Ces derniers ont installé des centres de soins dans les sous-sols des écoles et des mosquées. Un enfant de dix ans est transporté dans l’un d’eux, blessé dans son sommeil à la jambe par un éclat d’obus. Il succombera quelques minutes plus tard. Les bombes n’empêchent pas les rebelles de prendre ensemble leur iftar. À l’un de ces repas, ils donnent de la nourriture à deux jeunes hommes, yeux bandés et mains attachées dans le dos. Ce sont des chabbiha, assurent leurs gardiens. Plus tard dans la nuit, ils sont tous deux exécutés dans la rue, d’une balle dans la tête pour chacun. Le lendemain, les rebelles sont à pied d’œuvre : il faut se préparer à l’arrivée imminente des renforts de l’armée. Des barricades sont érigées avec des sacs de sable, un autobus est disposé en travers d’une rue pour la bloquer. Plusieurs hélicoptères tournent au-dessus des habitations et mitraillent le sol. Les habitants du quartier, eux, fuient en masse, les femmes et les enfants surtout, le plus souvent à bord de camionnettes.

De tout cœur
Suite à ces informations, les États-Unis ont dit craindre que les forces loyales ne commettent un massacre à Alep. Selon le département d’État américain, des informations crédibles sur le déploiement en renfort d’une colonne blindée marquent une « escalade préoccupante » de la répression orchestrée par le régime. « Voici ce que nous craignons : de voir un massacre à Alep et c’est ce que le régime semble être sur le point de faire », a ainsi déclaré la porte-parole du département d’État, Victoria Nuland. « Nous sommes de tout cœur avec les habitants d’Alep. Il s’agit d’une nouvelle tentative désespérée d’un régime qui s’abaisse pour conserver le pouvoir et nous sommes vivement préoccupés par ce qu’il est capable de faire. » Les États-Unis ne prévoient toutefois pas d’intervention militaire en Syrie sans avoir obtenu au préalable un mandat en ce sens du Conseil de sécurité.
La directrice générale de l’Unesco Irina Bokova a demandé quant à elle à « toutes les parties impliquées dans le conflit » en Syrie d’ « assurer la protection de l’héritage culturel exceptionnel » de la ville.

À Damas...
À Damas, où l’armée a reconquis la plupart des quartiers, des affrontements se poursuivaient, notamment dans le quartier Hajar el-Aswad où sont regroupés les rebelles, après des violences dans le camp palestinien de Yarmouk, selon des habitants et des militants. Au moins 145 personnes, en majorité des civils, ont à nouveau péri à travers le pays, selon la chaîne satellitaires al-Arabiya. Des tirs de roquettes ont par ailleurs tué au moins 16 personnes, dont des femmes et des enfants, au cours d’une offensive de l’armée dans le quartier de Yalda, dans le sud de la capitale. En outre, les corps de 12 insurgés, tués par un bombardement mercredi alors qu’ils aidaient des civils à fuir, ont été retrouvés à al-Ajami près de la frontière avec la Jordanie, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Mais les violences ne semblent pas décourager les militants antirégime qui appellent sur leur page Facebook à de nouvelles manifestations aujourd’hui, comme toutes les semaines, avec pour mot d’ordre « soulèvement des deux capitales » et « la guerre de libération continue ».


Avec la recrudescence des violences, la crise humanitaire s’est considérablement aggravée ces « quatre ou cinq derniers jours », ont affirmé des experts de l’Union européenne. Le nombre de réfugiés entrant en Jordanie est passé cette semaine à 1 300 par jour, contre 400 à 500 il y a quelques semaines. « Les choses vont encore s’aggraver », a affirmé l’un d’eux. « Nous devons passer à la vitesse supérieure, il n’y a pas assez d’argent », a-t-il ajouté.

« Abominable »
Sur le plan diplomatique, l’Arabie saoudite, qui soutient l’opposition, a confirmé qu’elle proposera dans les prochains jours à l’Assemblée générale de l’ONU une résolution qui fera référence à la menace de Damas d’utiliser ses armes chimiques, selon l’ambassadeur saoudien à l’ONU. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a dénoncé de son côté un « carnage » et fustigé la communauté internationale pour ne pas protéger les civils, lors d’une visite à Srebrenica (Bosnie). Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius s’est déclaré pour sa part convaincu que « tôt ou tard », Bachar el-Assad « tombera », fustigeant son « comportement abominable ». Il a en outre demandé à Moscou et Pékin d’agir face aux violences à Alep.
Par ailleurs, la Grèce a annoncé la fermeture de son ambassade à Damas « en raison de l’aggravation de la situation » en Syrie. Le ministère des Affaires étrangères précise que les consulats dans les villes d’Alep, de Lattaquié et de Tartous resteront ouverts afin de prêter assistance aux ressortissants grecs restés dans le pays. L’Ukraine a pour sa part commencé à évacuer ses ressortissants.
Damas a de son côté confirmé les défections de trois diplomates syriens en poste à Chypre, aux Émirats arabes unis et au sultanat d’Oman, en minimisant leur importance et a accusé implicitement le Qatar d’encourager de telles désertions.
Mohammad Reza Rahimi, premier vice-président iranien, a affirmé de son côté que le gouvernement syrien bénéficiait du soutien « immuable » de Téhéran.

La feuille de route de Tlass
Sur le plan politique, le général dissident Manaf Tlass a dit préparer une feuille de route pour une sortie de crise impliquant d’ « honnêtes » gens au sein du régime mais sans M. Assad, dans un entretien au quotidien arabe Asharq al-Awsat. Il a ajouté qu’il était prêt à coopérer avec le Conseil national syrien (CNS) et l’ASL, sans exclure les « honnêtes » du régime. « Ils sont nombreux au sein du régime à ne pas avoir du sang sur les mains », a-t-il ajouté dans l’entretien réalisé en Arabie saoudite où il a effectué les rites de la Omra à La Mecque, en excluant une implication de Bachar el-Assad. « Je ne vois pas la Syrie avec Bachar el-Assad », a-t-il dit en réponse à une question sur un futur rôle de l’actuel chef de l’État, dont il était un proche, affirmant par ailleurs qu’il n’avait pas l’intention de diriger la Syrie post-Assad. Il s’est prononcé pour une direction collégiale : « Il est difficile pour une personne d’assumer la responsabilité de la phase actuelle. Il faudrait qu’une équipe de l’intérieur et de l’extérieur coopère pour gérer cette phase », a-t-il indiqué, appelant à éviter à la Syrie « l’éclatement, le conflit confessionnel ».

 

(Lire aussi : Manaf Tlass, futur homme fort de la Syrie ?)


Enfin, des dissidents syriens ont signé à Rome un appel conjoint en faveur d’une solution politique au conflit, demandant en particulier un cessez-le-feu, la libération des prisonniers et la réconciliation nationale. « Nous ne pouvons pas accepter que la Syrie soit transformée en un terrain de bataille régional et international », ont déclaré les 17 signataires de cet appel, parmi lesquels des dirigeants du Mouvement de coordination nationale et du Forum démocratique.

Reportages

En Syrie, l’inédite et tactique union des combattants arabes et kurdes

 

Des jihadistes viennent en Syrie combattre un régime « apostat »

L’armée syrienne massait hier d’importantes troupes autour d’Alep pour lancer une offensive majeure et reprendre le contrôle de cette métropole, en proie depuis une semaine à de violents combats et devenue un enjeu décisif du conflit. « Les forces spéciales se sont déployées mercredi et jeudi sur le flanc est de la ville et d’autres troupes sont arrivées en vue de...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut