D’abord, le souffle du couteau qui étête un gros oignon. Puis le glissement d’une lame dans la chair d’une tomate bien rouge, suivi du vrombissement du hachoir électrique. Vient alors le staccato du couteau/hachoir local, sorte de coupe-coupe qui tiendrait son rang au cœur de la jungle amazonienne, tenu par deux puissantes mains, alors qu’une autre paire de mains marque la cadence. Pause. Pluie de sel sur la viande hachée. Raclement du métal sur une planche en bois. Reprise du staccato.
Dans la boulangerie/boucherie de la Tour du soleil, à Baalbeck (Liban-Est), la préparation des sfihas baalbackieh est une composition pour percussions.
La sfiha baalbackieh, spécialité de la capitale de la Békaa, est une bouchée carrée garnie d’un mélange de viande de mouton, d’oignons, de tomates et d’épices. Un petit carré croustillant mais également fondant, quand les jus de la viande et des tomates viennent imbiber la pâte après passage au four. D’où l’alliance pour le moins appropriée de la boulangerie et de la boucherie.
Selon certaines sources, l’origine de la sfiha est liée à une famille irakienne, les Haïdar, venus sur ce qui correspondait à l’actuel Liban en 1400.
Selon Ali Chabchoul, propriétaire de la boulangerie/boucherie de la Tour du soleil, la sfiha baalbakieh est unique et ne peut être trouvée nulle part ailleurs. « Des gens viennent chez nous de différentes régions juste pour cette sfiha spéciale », assure ce boucher qui pourrait vanter les mérites de sa viande des heures durant. « C’est notre viande fraîche qui rend la sfiha si particulière, de même que le fait qu’elle soit préparée sur commande », ajoute-t-il.
Au-dessus de sa tête tournent les pales d’un ventilateur qui tente de lutter contre les ardeurs du soleil. Un soleil très présent dans cette ville qui porta aussi le nom d’Héliopolis, la cité du soleil des Romains, avant d’être rebaptisée d’après le dieu phénicien Baal.
Après s’être rassasié de sfihas, le visiteur pourra aller étancher sa soif dans les jardins du Palmyra, l’un des plus anciens hôtels du Liban puisque construit en 1874. Dans ses jardins sont passés des empereurs européens, des commandants de l’Empire ottoman, des politiciens libanais et européens, des peintres, des artistes, des chanteurs et des écrivains...
Puis viendra l’heure de traverser la rue et de découvrir les temples de Baalbeck, témoins de l’histoire millénaire de la ville la journée, scène pour les plus grands artistes les soirs de festival estival.
En repartant, le visiteur ne manquera pas, à l’est de l’entrée du grand temple, les ruines d’une mosquée datant de l’époque des Omeyyades ainsi que le sanctuaire, à l’entrée sud, de sayyeda Khawla, la fille de l’imam Hussein.
En repartant, le visiteur, pour peu qu’il ferme les yeux et se laisser porter par le roulis de la voiture, pourra tenter de se rêver dans le compartiment d’un train, puisque c’est à Baalbek que se trouve également la plus ancienne gare construite par les Français dans les années trente.
Préparation de la sfiha baalbakieh
Pour la pâte, il faut 3 kilos de farine normale, une cuillère à café de sel, une autre de levure boulangère et de l’eau tiède.
Pour la farce, prévoir 1 kilo de viande d’agneau hachée, trois tomates, un oignon moyen, une cuillère à café de sel et une gamme d’épices selon le goût.
Pour faire la pâte, verser la farine et la levure dans un saladier, ajouter le sel et de l’eau tiède. Pétrir jusqu’à obtention d’une pâte lisse. Couvrir avec un torchon et laisser reposer une demi-heure.
En attendant, préparer la farce. À l’aide d’un hachoir électrique, réduire grossièrement en purée les tomates et l’oignon.
Verser le tout dans un bol.
Ajouter le sel, les épices et la viande hachée puis mélanger.
Fariner une planche et former des petites boules avec la pâte. Aplatir les boules pour former des disques.
Déposer une cuillère à soupe de farce au milieu de chaque disque de pâte.
Pincer les 4 côtés de la pâte afin d’obtenir une forme
carrée.
Déposer les sfihas en les espaçant un peu sur une plaque allant au four.
Enfourner à température modérée pendant 5 à 10
minutes.
Les sfihas peuvent être consommées avec du citron ou du laban (yaourt).
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