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À La Une - Les hommes de la semaine

Ansar Dine, ces intégristes qui détruisent l'histoire de l'islam

"Aujourd'hui, cela se passe au Mali et demain, où cela se passera-t-il?".

Des islamistes armés rassemblés devant un lieu de culte à Tombouctou.

Les rebelles islamistes maliens qui, depuis trois jours, détruisent à coups de pioches, de pelles et de marteaux, les mausolées et les tombeaux de saints musulmans à Tombouctou, affirment œuvrer au nom du respect d'Allah qui, seul à leur yeux, mérite d'être vénéré.


Les militants de l'organisation Ansar Dine expliquent ces destructions qui ont consterné la communauté internationale par une application orthodoxe de la foi: révérer une figure sainte équivaut à porter atteinte à l'idée que Dieu est unique et le seul objet de culte.


Mais pour les historiens, ces attaques contre des lieux de culte appartenant au patrimoine mondial de l'Unesco ont une toute autre signification: elles se résument à une éradication de l'histoire de l'islam en Afrique, porteuse depuis des siècles d'un message de tolérance.
"Ils frappent Tombouctou au cœur même de ce que la ville représente pour le Mali et le monde est en train de perdre énormément", note Souleymane Bachir Diagne, professeur à l'Université de Columbia et spécialiste de la philosophie islamique en Afrique.


Au cours des trois derniers jours, les militants d'Ansar Dine qui ont pris avec l'aide de rebelles touaregs le contrôle du nord du Mali ont détruit au moins huit mausolées et plusieurs tombeaux dans cette ville considérée comme celle des "333 saints" et qui demeure le berceau de l'islam soufiste.


Salafisme contre soufisme


Pendant des siècles, Tombouctou, ancien comptoir d'échanges du sel, de l'or et des esclaves, fut un creuset de l'enseignement de l'islam. Les habitants de la vile y ont développé un culte spirituel qui fut capable de résister aux invasions des touaregs, des Marocains et des Français.


Pour les intégristes d'Ansar Dine (les défenseurs de la foi), cette ancienne tradition du soufisme constitue un sujet d'anathème. Eux, revendiquent une appartenance au salafisme, version puritaine wahhabite de l'islam sunnite fondée en Arabie saoudite.
"Pour un salafiste, la création d'une culture des saints est l'expression d'une vénération des idoles", résume Souleymane Bachir Diagne.


Comme l'expliquait Sanda Ould Boumama, porte-parole d'Ansar Dine interrogé par Radio France Internationale ce week-end, les destructions en cours sont cohérentes avec la volonté d'imposer la charia (la loi coranique) dans un pays divisé.
"Les êtres humains ne peuvent être placés au-dessus de Dieu. Lorsque le prophète est entré à La Mecque, il a exigé que tous les mausolées soient détruits. Et c'est ce que nous reproduisons ici", explique Boumama.


Pour la ministre malienne de la Culture, Diallo Fadima Touré, qui appelait "du fond du cœur" à l'aide internationale lors d'une réunion d'une commission de l'Unesco dimanche à Moscou, ces destructions "n'ont rien à voir avec l'islam, une religion de paix et de tolérance". "Allons-nous rester là à regarder et ne rien faire ? Aujourd'hui, cela se passe au Mali et demain, où cela se passera-t-il ?" a-t-elle lancé.


Les spécialistes de l'islam font remarquer que les salafistes ont déjà mené des attaques similaires contre des lieux de culte soufistes, notamment en Egypte et en Libye, au cours de l'année écoulée.
Ces destructions rappellent également celles orchestrées par el Qaëda contre des lieux de culte chiites en Irak lors de la décennie précédente ou encore celles des trois bouddhas de Bâmiyan, statues sculptées dans la paroi d'une falaise, par les taliban afghans en 2001.


"Cela vise tout le monde et toute chose", juge le professeur Shamil Jeppie de l'Université du Cap, spécialiste de la ville de Tombouctou.

 


Absence d'explication


Le gouvernement malien, installé à Bamako à un millier de kilomètres au sud, a condamné ces destructions mais il est impuissant à les empêcher dans une région dont il a perdu le contrôle depuis le mois d'avril, après le coup d'Etat du 22 mars.
Certains avancent l'hypothèse que les déprédations en cours sont la conséquence de la décision de l'Unesco d'accéder à la demande des autorités maliennes de placer Tombouctou sur la liste des sites mondiaux en péril.


Pour Shamil Jeppie, cette explication ne tient pas. "Cela n'a pas de sens pour Ansar Dine. Qu'est-ce que l'Unesco pour eux ? Ce ne sont pas des érudits, ce sont des combattants", note Jeppie.
Selon lui, les intégristes d'Ansar Dine ne savaient même pas qu'il existait plusieurs traditions islamiques qui se sont formées par sédimentation au cours des siècles.
"Tombouctou a été pillée à de nombreuses reprises dans l'histoire. Mais nous n'avons pas de cas de destruction de monuments, de mosquées et de tombeaux. Cela ne s'était jamais produit auparavant", rappelle-t-il.


Comme le rappelle Diagne, les mausolées de Tombouctou sont des structures de boue et de pisé et ne constituent pas des constructions architecturales d'une exceptionnelle splendeur.
Mais au-delà de leur apparence, elles incarnent l'histoire de l'Afrique et en particulier l'histoire de l'islam en Afrique à laquelle sont attachés les historiens et les universitaires attirés en particulier par des milliers de manuscrits conservés dans des bibliothèques et des collections privées, mais également par les populations locales.


Les experts demeurent hésitants sur les motifs qui ont pu pousser les intégristes d'Ansar Dine à se lancer dans une action qui ne pouvait qu'attirer la consternation et la critique.
"Peut-être sont-ils plus préoccupés par la pureté (religieuse) que par le fait d'être impopulaires", résume Diagne.

Les rebelles islamistes maliens qui, depuis trois jours, détruisent à coups de pioches, de pelles et de marteaux, les mausolées et les tombeaux de saints musulmans à Tombouctou, affirment œuvrer au nom du respect d'Allah qui, seul à leur yeux, mérite d'être vénéré.
Les militants de l'organisation Ansar Dine expliquent ces destructions qui ont consterné la communauté...

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