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Lifestyle - Parution

Le rêve américain d’Anthony Shadid : « Bayt » Marjeyoun

Le livre d’Anthony Shadid « House of Stone », rédigé en anglais, s’ouvre sur un chapitre comportant sciemment un titre arabe, « Bayt », ou cette maison ancestrale libanaise, constructrice d’identité.

Anthony Shadid devant sa maison terminée avec, dans les bras, son jeune fils Malik.

Anthony Shadid (43 ans), grand reporter américain, deux fois lauréat du prestigieux prix Pulitzer pour son travail au Proche-Orient, est décédé en février dernier des suites d’une crise d’asthme alors qu’il couvrait les événements en Syrie pour le New York Times.

 

Aujourd’hui, un mois plus tard, vient de sortir son dernier ouvrage, House of Stone, A Memoir of Home, Family and A Lost Middle East, qui lui tenait tant à cœur. Car il y raconte comment il a expérimenté son environnement originel, le village de Marjeyoun, où il n’avait jamais eu l’occasion de vivre, tout en continuant à capter professionnellement un Moyen-Orient à la dérive.

 

Ce journaliste de grand renom fait partie de la troisième génération d’émigrés libanais. Son grand-père Abdallah (devenu Albert) avait quitté Marjeyoun dans les années 20 et s’était établi à Oklahoma City où il avait rencontré sa future épouse, Raïfa Samara, émigrée libanaise du Mexique. Ils se marient, eurent plusieurs enfants, dont Buddy, qui épousera Randa Shadid. Ces derniers auront trois enfants, dont Anthony Shadid.

 

Lors d’une interview donnée à L’Orient- Le Jour en 2004, il nous avait confié qu’il connaissait Beyrouth en tant que journaliste et qu’il n’avait pas encore été à Marjeyoun, car pour lui «cela doit être un moment très spécial et je veux prendre le temps de le vivre pleinement. Peut-être avec ma fille Leila (alors âgée de deux ans), la seule du clan d’Oklahoma City à avoir un nom arabe».

Le parler vrai de « mouallem Abou Jean », Chebel et les autres
C’est en 2006, après l’attaque d’Israël contre le Liban, qu’il se rend pour la première fois à son village d’origine, Marjeyoun, et qu’il y voit la maison de sa grand-mère maternelle détruite. L’année suivante, il décide de la reconstruire pour en faire «a home», un foyer.

 

Cette opération-restauration lui permettra de vivre son rêve: entrer en immersion totale avec la culture et le mode de vie de ce lieu, avec ses habitants et sa spécificité. Il fera vivre tout ce monde au fil des 300 pages où il ouvre également de très intéressantes parenthèses sur les missions journalistiques qu’il accomplit dans la région durant les périodes de travaux. Ses interactions avec les «Marjeyounais» constituent le point d’orgue du récit. Après avoir jaugé d’un regard ironique cet «Américain et ses idées!», ils ont tout de suite pactisé avec lui. À commencer par le contremaître, «moallem Abou Jean», qui marchande à quelques cents près avec le menuisier, lequel promet de livrer lundi ou mardi, peut-être mercredi, le peintre daltonien... Et lui-même obsédé de trouver une tuile nommée «Cemento», utilisée en Europe avant la Première Guerre mondiale et importée au Levant: le Levant, un terme qu’il élaborera en parallèle.


En surveillant, ou plutôt en se mêlant du chantier, il a appris «l’élégance d’une voûte, l’importance de l’angle d’une tuile, l’éternité des pierres et le pouvoir de la patience». Il tissera aussi plus d’une amitié qui l’enchante, notamment avec un médecin retraité, Khairallah Madi, que ses patients payent avec six œufs, ou de la «labneh». Du cancer, ils disent «al marad al khabiss». Le Dr Khairallah est aussi un excellent fabricant de «oud» et un collectionneur de bonzaïs. Shadid les fait parler tous, comme ils ont l’habitude de parler, telle cette scène avec le compère Chebel qui, lorsque l’électricité est coupée, s’écrie: «la p..., elle est partie!» Et une fois le courant rétabli: «la p... est revenue.»


Bien sûr, rien de la grande histoire de ce coin du Liban, depuis les Ottomans jusqu’aux problèmes frontaliers avec Israël, n’est négligé. Il s’intercale entre les pages du quotidien actuel, politique et social. De même que l’histoire de sa famille et des autres familles de Marjeyoun, que l’on aime qualifier de «mastourin». Une fois la maison remise à neuf, avec pierres apparentes à l’intérieur, il a une pensée pour sa grand-mère qui n’en a pas connu l’esprit pour avoir émigré très jeune: «Elle n’avait que douze ans lorsqu’elle l’avait quittée et avait été construire sa maison ailleurs...»

 

Lui-même ne connaîtra pas le succès de son livre. Il pourrait dire « qu’importe!», puisqu’il a précisé qu’il le considère «comme un testament à notre clan étendu d’Oklahoma City dont les membres resteront toujours unis: mes grands-parents Albert, Raïfa, Georges, Onie Dee, mes oncles et mes tantes Nabih, Nabiha, Nijiba, Nanette, Adiba, Elva, Charlie, Edward...». La liste dépasse la centaine. Il ajoute les nouveaux amis de Marjeyoun qui «l’ont aidé à comprendre la portée de l’imagination et les liens solides qu’elle peut créer».


Pour lui, le rêve américain aura été «Bayt» Marjeyoun.

Anthony Shadid (43 ans), grand reporter américain, deux fois lauréat du prestigieux prix Pulitzer pour son travail au Proche-Orient, est décédé en février dernier des suites d’une crise d’asthme alors qu’il couvrait les événements en Syrie pour le New York Times.
 
Aujourd’hui, un mois plus tard, vient de sortir son dernier ouvrage, House of Stone, A Memoir of Home, Family and A...

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