Comment Poutine a perdu son aura d’intouchable

Cela a commencé avec une star du rock russe qui l’a interpellé publiquement sur la démocratie. Puis les images maladroites d’une plongée en mer Noire et celles le montrant hué dans un stade, relayées par Internet, ont fini de briser le statut d’intouchable de Vladimir Poutine.
20 novembre 2011, Stade olympique de Moscou : l’ex-agent du KGB, amateur affiché d’arts martiaux et ceinture noire de judo, monte sur le ring à l’issue d’un combat pour féliciter le vainqueur, le poids lourd russe Fedor Emelyanenko, devant 20 000 spectateurs. Mais il est accueilli par un concert de sifflets et de huées émanant des tribunes, qui dure plusieurs minutes. « Oukhodi ! » (Va-t’en ! ), crie un homme, dans un des enregistrements amateurs qui sont aussitôt visionnés des centaines de milliers de fois sur la toile russe. http ://www.youtube.com/watch ? v=KMW-k_x_pGk
Un tabou est tombé. « C’est la première fois dans sa carrière politique que Poutine est sifflé par le public », observe le quotidien en ligne gazeta.ru, malgré les dénégations du porte-parole du Premier ministre qui affirme que sifflets et huées visaient le perdant du match, un lutteur américain. La présidentielle est alors encore loin, et les législatives du 4 décembre, dont les résultats contestés ont suscité une mobilisation sans précédent de l’opposition dans le pays, n’ont pas encore eu lieu. Mais Vladimir Poutine a déjà annoncé son intention de revenir au Kremlin.
Depuis, l’ex-agent du KGB ne s’est guère risqué à des apparitions publiques devant un public non sélectionné, les manifestations d’opposition ont vu fleurir les pancartes exigeant une « Russie sans Poutine » et le langage s’est durci à l’égard du Premier ministre dans les médias d’opposition. Blogueurs et réalisateurs de vidéos politiques se sont déchaînés sur le web, comme les auteurs de la chanson Notre asile de fous vote Poutine, ou ceux d’un montage vidéo le montrant jugé pour « terrorisme » dans un tribunal de Moscou.
Un reportage montrant le Premier ministre sortant d’une plongée en mer Noire avec deux amphores, prétendument vieilles de 15 siècles et pourtant comme neuves, a été abondamment raillé sur le web, jusqu’à ce que le porte-parole du Premier ministre reconnaisse qu’il s’agissait d’une mauvaise mise en scène.
En mai 2010, Iouri Chevtchouk, leader du mythique groupe de rock DDT qui accompagna à Leningrad (nom soviétique de St-Pétersbourg) la chute du régime communiste, avait donné le premier coup de canif dans le statut d’intouchable du chef du gouvernement russe. « Vladimir Vladimirovitch, je peux ? (...) J’ai des questions, honnêtement, ça s’accumule depuis longtemps – la première, c’est sur la liberté, la liberté de la presse, la liberté de l’information, parce nous n’en avons pas. Il y a un journal et demi et la moitié d’une télévision... », avait lancé Chevtchouk, assis en bout de table lors d’une rencontre d’artistes avec M. Poutine. Les autres participants, dont des acteurs célèbres, regardaient leur assiette. Vladimir Poutine avait bu nerveusement une gorgée de thé. « La protestation monte, il y a beaucoup de mécontents », avait poursuivi Chevtchouk, réclamant que « les associations ne soient plus étouffées, que l’on cesse d’avoir peur des policiers... ». Il faut, « pour nos enfants », que la Russie ne soit plus un pays « sinistre, corrompu, totalitaire, autoritaire, avec un parti, un hymne et une idée... », avait fini le chanteur, dans une tirade visionnée au moins deux millions de fois sur Internet. http :/www.youtube.com/watch ? v=Oaxf7txb-l4&feature=related

              (Source : AFP)