Rechercher
Rechercher

Couverture spéciale de la révolte en Syrie - Répression

Hama terrifiée mais galvanisée

Trente ans plus tard, Fawaz se souvient encore des horreurs du massacre de sa ville natale de Hama, devenue symbole de la brutalité du régime du clan Assad. Comme d’autres survivants, il a l’espoir que la répression d’aujourd’hui ne passera pas sans châtiment.
« À l’époque, on était massacrés en silence, c’est ça la différence », affirme-t-il au téléphone depuis sa résidence dans un pays arabe. Ce Syrien avait 19 ans au moment de la répression d’un soulèvement armé mené par les Frères musulmans contre les forces du président Hafez el-Assad. Pendant quatre semaines, Hama a été bombardée par les forces du régime, faisant selon les estimations de 10 000 à 40 000 morts, ce qui a été décrit comme le pire crime commis dans l’histoire moderne de la Syrie. Il garde en mémoire « les cadavres boursouflés traînés par les chiens dans la rue », les « corps calcinés dans les commerces incendiés » et surtout la peur au ventre, la même qu’il a ressentie lorsque l’armée est entrée une nouvelle fois à Hama pour mater les manifestations en 2011.
Fawaz se souvient également d’un matin froid et pluvieux, le 3 février 1982, quand l’armée a rassemblé sur une place tous les hommes de plus de 15 ans de son quartier. « Ils nous ont abreuvés d’insultes : “traîtres”, “agents d’Israël”. Puis ils nous ont dit “nous allons vous massacrer tous” », raconte-t-il, la voix émue. L’horreur qui s’ensuivit restera à jamais marquée dans sa mémoire. « Ils ont obligé un homme à s’agenouiller et plaqué sa tête au sol, puis ils nous ont dit “vous allez avouer où se trouvent les Frères musulmans ou on tue celui-là en premier”. Nous ne savions rien du tout. Ils ont alors fait passer un char sur son crâne. C’était comme un fruit écrasé. Le sang giclait de partout. » Par la suite, un officier a ordonné à un homme âgé de plus de 80 ans de s’agenouiller. « Je ne m’agenouille que pour Dieu, a-t-il répliqué. Ils l’ont mitraillé devant mes yeux. » « Nous étions tétanisés, nous pensions à chaque seconde “ça y est, nous allons mourir” », raconte-t-il. Il aura la « chance » d’être emmené avec d’autres en prison pour interrogatoire, avant d’en sortir quelques jours plus tard grâce à des « connaissances ».
À la tête de la brutale campagne, les redoutables Brigades de la défense, une force paramilitaire menée alors par le frère du président, Rifaat, qui faisait trembler les Syriens.
Abou Khaled, autre survivant qui avait 16 ans à l’époque, se souvient, lui, des forces de sécurité qui tiraient sur les habitants. « Avant de les tuer, ils leur ont pris leurs montres et leurs chaussures. » Il a réussi à s’échapper en se réfugiant « de toit en toit », puis a marché pendant trois jours vers la ville de Homs.
Même si le nombre de victimes est de loin supérieur à celui de la répression actuelle de la contestation, pour les survivants du massacre, la brutalité est la même. « C’est la même sauvagerie, le même aveuglement », assure Fawaz. Alors que les Syriens et l’étranger n’ont eu vent du massacre que trois mois après les faits, les choses ont changé pour la révolte de 2011, avec une large couverture par les médias arabes et occidentaux et des réseaux sociaux mobilisés 24 heures sur 24.
D’autres témoins parlent d’une partie de l’histoire, beaucoup moins évoquée. « Les tueries de Hama sont intervenues après que des membres du Baas eurent été tués avec leurs familles », raconte Robert Fisk, journaliste au quotidien britannique The Independent, qui était sur place au moment des faits. « Ce n’est pas une excuse pour tuer des milliers de civils, mais l’histoire doit noter (...) qu’il y a eu une série d’attaques sanglantes contre les propres officiers de Hafez el-Assad. Ils ont même assassiné son médecin. »
Pour les militants qui écrivent une nouvelle page de l’histoire, les choses vont changer, inéluctablement.
« Ils essaient de nous faire revivre la même peur, mais on ne se laissera pas faire », martèle ainsi Anouar el-Bounni, célèbre opposant également témoin des tueries de 1982.
© AFP
Trente ans plus tard, Fawaz se souvient encore des horreurs du massacre de sa ville natale de Hama, devenue symbole de la brutalité du régime du clan Assad. Comme d’autres survivants, il a l’espoir que la répression d’aujourd’hui ne passera pas sans châtiment.« À l’époque, on était massacrés en silence, c’est ça la différence », affirme-t-il au téléphone...