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Couverture spéciale de la révolte en Égypte - Révolte

L’inflexible place Tahrir

De violents affrontements opposaient hier pour le cinquième jour d’affilée la police égyptienne à des milliers de manifestants réclamant le départ des militaires au pouvoir. Dans le centre du Caire, autour de la place Tahrir, la police antiémeute, derrière des barricades, tirait des grenailles et du gaz lacrymogène sur les manifestants, qui brandissaient d’imposants drapeaux égyptiens, tandis que des ambulances allaient et venaient pour transporter de nombreux blessés. Ailleurs, des affrontements ont été notamment signalés dans les villes d’Alexandrie et Port-Saïd (Nord), Suez, Qena (centre), Assiout et Assouan (Sud), dans le delta du Nil et à Marsa Matrouh (Ouest).
Dans une prise de position d’une fermeté inédite, le grand imam d’al-Azhar, la plus haute institution de l’islam sunnite qui siège au Caire, a appelé la police à ne pas tirer sur les manifestants et l’armée à éviter les affrontements « au sein d’un même peuple ». Ces déclarations interviennent quelques heures après que des médecins ont pour la première fois fait état de décès par balles réelles au cours de violences qui ont officiellement fait 35 morts depuis samedi.
Le Parti de la liberté et de la justice, organe politique des Frères musulmans, a demandé au Conseil suprême des forces armées (CSFA) de « présenter ses excuses au peuple égyptien », alors que Amr Moussa, ancien chef de la Ligue arabe et candidat déclaré à la présidentielle, a exhorté le CSFA à faire cesser « immédiatement » les violences et à en juger les responsables. Les États-Unis ont condamné « l’usage excessif de la force » par la police et demandé au gouvernement de protéger le droit de manifester, tandis que trois Américains ont été arrêtés « en relation avec les manifestations », selon le département d’État. Berlin a également condamné ces violences, et Londres a dénoncé une « violence inacceptable » et « disproportionnée » contre les manifestants avec des « balles réelles et des gaz dangereux ». L’Organisation de la coopération islamique (OCI) a pour sa part appelé « à la retenue ». La haut-commissaire de l’ONU aux Droits de l’homme, Navi Pillay, a réclamé une enquête « rapide, impartiale et indépendante » sur les violences, tandis que les militants égyptiens accusent les policiers de viser les manifestants au visage, plusieurs d’entre eux ayant perdu l’usage d’un œil.

L’armée lâche du lest
Sous la pression des manifestants, le maréchal Hussein Tantaoui, chef d’État de fait, s’est engagé mardi soir à organiser une présidentielle avant fin juin 2012, se disant prêt à remettre le pouvoir immédiatement si un éventuel référendum en décidait ainsi. Mais les protestataires disent ne pas croire un mot des paroles du maréchal, ministre de la Défense sous le régime de Hosni Moubarak. Selon un sondage annuel de l’Université américaine du Maryland, 43 % des Égyptiens pensent que l’armée « travaille à ralentir ou à remettre en cause » les acquis de la révolution.
La détermination de la rue, qui a déjà provoqué la démission du gouvernement mis en place par le pouvoir militaire, laisse présager un bras de fer de longue durée, alors que les premières législatives depuis la chute de M. Moubarak doivent débuter lundi. « Le discours (de Tantaoui) montre que l’armée ne cède sur rien et en même temps la violence renforce la détermination des protestataires », a estimé Heba Morayef, chercheuse pour Human Rights Watch au Caire. Si les manifestants de Tahrir ne représentent pas la majorité de la société égyptienne, ils ont une véritable influence, pour les analystes. « L’effusion de sang a un effet. Des jeunes de la classe moyenne sont tués et cela mobilise du monde dans les villes et les provinces », estime Nabil Abdel Fatah, chercheur au Centre al-Ahram d’études politiques et stratégiques. « Une seconde révolution », titrait hier le quotidien al-Akhbar, tandis qu’al-Ahram notait : « Plus la période de transition se prolonge, plus la crise de confiance s’approfondit. » « Le Conseil (militaire) est le problème et pas la solution », avançait dans un éditorial le quotidien indépendant al-Masri al-yom.
Ce contexte de crise fait craindre que les législatives ne soient émaillées de violences. À ce titre, les parties en présence doivent « faire tout leur possible » pour assurer le bon déroulement des élections, a affirmé hier à l’agence de presse Misna, Mgr Michael Fitzgerald, nonce apostolique en Égypte.
(Source : agences)
De violents affrontements opposaient hier pour le cinquième jour d’affilée la police égyptienne à des milliers de manifestants réclamant le départ des militaires au pouvoir. Dans le centre du Caire, autour de la place Tahrir, la police antiémeute, derrière des barricades, tirait des grenailles et du gaz lacrymogène sur les manifestants, qui brandissaient d’imposants drapeaux...