
Une station balnéaire à Damour, dans le Chouf, en mai 2024. Photo Mohammad Yassine
« Dites-leur que nous allons rester. Nous refusons de mourir (…). Ta terre, tes maisons et ton peuple qui souffre sont à nous, cher Sud. » C’est sur ces paroles de la chanteuse Julia Boutros que des dizaines de baigneurs ont réagi le 2 juin, lorsque des avions de guerre israéliens ont survolé la plage publique de Tyr, comme le montre une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux.
بعرف صف جمل واكتب مقالات واحكي كلام كبير ومنمق كصحافية، بس كل صنعة الحكي ما بتقدر توازي فعلا تعبير الناس العفوي والبديهي وردة فعلهن المباشرة بعد لحظات من خرق جدار صوت هز البيوت اليوم بمدينتي الجنوبية، صور
— Malak Khaled (@Malakhaled) June 2, 2024
تفضلوا الجمال والبلاغة ووضوح الموقف. هول جزء من بيئة المقاومين اللي… pic.twitter.com/CqNwEKRby7
Synonyme de déni pour certains, signe de résilience pour d’autres, cette scène surréaliste intervient dans un contexte tendu au Liban-Sud, où le Hezbollah et Israël se bombardent quotidiennement depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023. Les propriétaires des stations balnéaires sont inquiets. Mais cela n'a pas découragé les baigneurs qui affluent sur les plages libanaises, malgré la hausse des tarifs à l’entrée cet été. Fixés en dollars, les prix, sous réserve de modification, oscillent cette année entre 5 et 60 dollars, contre 3 et 40 dollars en 2023. Comment s’annonce cette saison estivale ? Quid des variations de tarifs selon les régions ? L’Orient-Le Jour fait le point.
Les prix ont connu une « légère hausse » cet été, affirme à notre publication Jean Beyrouthi, président du syndicat des propriétaires de centres balnéaires et de plages. Il explique cette augmentation par la hausse des factures d'électricité et des salaires, ainsi que le loyer de la location du domaine maritime à l'État payé désormais en dollar frais. L’année dernière, seule une partie des frais était exigée en devise étrangère, rappelle le syndicaliste, sans plus de précisions. Selon lui, les tarifs des complexes donnant accès à la plage ne dépassent pas les 35 dollars cette saison, à l’exception de ceux qui offrent un service plus luxueux. « Ce sont les stations balnéaires prisées qui ont augmenté leurs tarifs d’entrée cette année », explique pour sa part Nagi Morkos, fondateur et directeur général de la société de conseil Hodema.
Des prix inégaux entre les régions
À Beyrouth, les prix atteignent parfois les 60 dollars, comme dans les hôtels cinq étoiles Phoenicia et Kempinski. D’autres complexes proposent des tarifs moins élevés, comme le Coral Beach (30 dollars), le Saint-Georges (35 dollars) et le Sporting Club (40 dollars). Certaines stations balnéaires de la capitale appliquent des tarifs préférentiels. À titre d’exemple, les femmes bénéficient d’une entrée à 35 dollars au Lancaster Eden Bay contre 50 dollars pour les hommes. L’hôtel propose également une offre à 60 dollars pour le couple.
Dans le Kesrouan, les prix oscillent entre 12 dollars, comme à l’hôtel Lamedina, et 30 dollars (les week-ends et jours fériés), notamment à l'Automobile et Touring Club du Liban (ATCL), à Kaslik. À Jbeil, les entrées varient entre cinq dollars, comme au C Flow Resort, et 35 dollars, notamment à Eddé Sands. Ces chiffres se rapprochent de ceux des plages du Liban-Nord, où les prix varient entre sept dollars, comme au Salacia Beach (Enfé), et 40 dollars, au Butlers Beach Club (Batroun) par exemple. Dans le Chouf, les complexes tarifent leurs entrées entre 10 dollars (Rmeilé Resort) et 30 dollars (Lazy B Beach, à Jiyé).
Inquiétude dans le Sud
Dans le sud du Liban, certains complexes offrent un accès gratuit à la plage, notamment au Hayek Beach Resort à Tyr. D’autres disent ne pas facturer l'entrée, mais imposent toutefois une consommation minimale à leurs clients de 15 dollars (Cloud 59, à Tyr), alors que certains complexes tarifent l'entrée à 20 dollars (Rest House, à Tyr aussi).
« Nous accueillons des baigneurs depuis mai, surtout le week-end. Ils profitent de leur journée sans être inquiétés par les bombardements qu’ils entendent de temps à autre », affirme sous couvert d’anonymat le propriétaire d’un complexe balnéaire. « Nous entendons parfois des avions franchir le mur du son, comme c’est le cas pour les habitants de Beyrouth. Nous savons que rien ne va se produire à proximité », assure un autre propriétaire.
Si certaines stations continuent d’opérer en dépit du conflit en cours, d’autres, plus proches de la frontière libano-israélienne, sont davantage affectées. « Nous ne savons pas si nous seront capables d'ouvrir nos portes cet été », s'inquiète l’un des gérants du complexe Rêve de la mer à Naqoura, ville frontalière ciblée à plusieurs reprises par des frappes israéliennes.
Entre-temps, le secteur s'alarme. Jean Beyrouthi se dit « inquiet ». « L'année dernière, le taux d'occupation des hôtels au mois de mai était de 70 %, contre seulement 20 % cette année », déplore-t-il. Contacté par L'Orient-Le Jour, le président du syndicat des hôteliers libanais, Pierre Achkar, n'a pas souhaité s'exprimer sur ce sujet dans l'immédiat, préférant attendre que la situation sécuritaire se clarifie. « C’est l’une des pires années qui s’annonce pour les propriétaires de stations balnéaires situées entre le sud de Beyrouth et Naqoura », déplore de son côté Nagi Morkos. « On est en pleine guerre, la situation sécuritaire est instable, et il n'y a pas de réservations à l'avance », regrette-t-il. Selon lui, il y a « peu de perspectives positives » en raison de la situation dans le Sud, où certaines maisons d'hôtes ont été contraintes de fermer leurs portes, notamment à Tyr et à Naqoura.
En tant que libanais expatrié depuis plus de 40 ans, je ne fréquente plus les plages libanaises depuis plus d'une décennie. J'ai connu gamin avec mon père, les plages gratuites et libres, et j'ai suivi avec tristesse l'évolution des constructions illégales et copieusement arrosées de ces plages, ainsi que la frustration des gens, non seulement de ne pas pouvoir y avoir accéder physiquement, mais aussi visuellement depuis la route côtière. Non. L'expatrié n'est plus une vache à lait, et beaucoup d'expatriés boycottent ces plages dont la plupart est polluée et devenue une boîte à frime.
09 h 50, le 16 juin 2024