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Nos Lecteurs ont la Parole

Vers un démembrement de la Syrie ?

Par Joseph W. ZOGHBI
Tous les indicateurs de la crise syrienne montrent un sérieux danger de partition du pays. Les pressions internes, arabes et internationales sur la Syrie visant à l’isoler et les actions brutales du pouvoir en place s’inscrivent dans une logique d’escalade et de jusqu’auboutisme. Aller jusqu’au bout signifie principalement l’usage intensif des armes, avec tout ce qui en découle de massacres, tueries, destruction et déplacement de populations. Le pouvoir possède des armes et n’est pas prêt à y renoncer ni à composer avec « les oppositions » qui veulent sa tête. Une certaine opposition n’a jamais caché son intention de mener une lutte armée en vue d’abattre le pouvoir en place. Nous ignorons encore son identité, ses contours, mais elle risque d’être extrémiste. Avec les armes qui sont et seront acheminées vers ses groupes armés tout s’embrasera et sera incontrôlable. Une guerre civile n’est pas à écarter. Une guerre entre l’armée alaouite et l’opposition sunnite extrémiste, dont les conséquences sont difficiles à évaluer, et qui risque de pousser chaque partie dans ses retranchements et dans ses quartiers où elle se sent la mieux protégée, d’où les risques à terme de démembrement du pays.
Avec toutes ces armes qui s’amoncellent, il n’est pas impossible que le résultat soit similaire à celui de l’Irak, divisé déjà en trois régions, le Kurdistan au nord, une région à prédominance sunnite au centre et une région à prédominance chiite au sud, et des minorités qui disparaissent dans les méandres de ce brassage religieux et ethnique. En Syrie, ce sera pareil ; une région côtière alaouite, une région centrale sunnite et une région au nord-est kurde, et pourquoi pas une région au sud-ouest druze. Et les chrétiens dans l’une ou l’autre des régions qui voudrait bien les accueillir.
Les accords Sykes-Picot concernant la Syrie seraient dépassés. Ils auraient vécu.
Pourquoi ne pas être optimistes en se disant que la démocratie sera au rendez-vous plutôt que la violence et la partition ? Tout simplement parce qu’il y a une volonté d’abattre le pouvoir actuel sans aucun ménagement et que celui-ci est sourd à toute solution pour laisser sa place. Le sang a beaucoup coulé depuis 1970 pour laisser place à une compassion possible de la part de « l’opposition armée » et la volonté de survie du pouvoir en tant que pouvoir fait qu’il n’est pas tenté de déposer les armes.
N’existe-t-il aucune solution pacifique concertée de cette crise ? Peut-être qu’il en existe, mais celui qui doit la donner est celui qui fournit les armes et l’argent à « l’opposition armée ». C’est lui seul qui peut pousser vers une solution pacifique. Malheureusement, il y a les intérêts stratégiques des États-Unis et d’Israël qui font que la crise ne sera résolue que par un démantèlement de la Syrie, en dépit de la résistance russe et iranienne pour sauvegarder le statu quo.
L’on se demande si cette confrontation armée sera confinée à la Syrie, si elle ne débordera pas sur toutes les frontières ? Dans tous les cas, elle aura des répercussions et des conséquences désastreuses sur la région. La Syrie est une charnière et toute déstabilisation de ce pays déstabilisera les voisins. Le grand perdant d’un changement de régime et de statut est bien sûr la Syrie mais aussi l’Iran, et celui qui en profitera est le pays qui a toujours souhaité voir affaiblir les États de la région pour survivre : Israël.
La Syrie rejoindra l’Irak, qui fut le premier dans la série des pays démembrés et affaiblis. Mais attention, la contagion de démembrement pourra toucher les autres pays hétérogènes de la région : Turquie, Bahreïn, Arabie saoudite, Égypte, Yémen... La carte de la région continuera d’évoluer irrémédiablement, jusqu’à ce que tous les pays soient malheureusement homogénéisés. Ce qui est peut-être le but recherché.
Tous les indicateurs de la crise syrienne montrent un sérieux danger de partition du pays. Les pressions internes, arabes et internationales sur la Syrie visant à l’isoler et les actions brutales du pouvoir en place s’inscrivent dans une logique d’escalade et de jusqu’auboutisme. Aller jusqu’au bout signifie principalement l’usage intensif des armes, avec tout ce qui en...

commentaires (4)

Ms Aoun, Tout dépend de l'entente nationale, de l'honnêteté des parties en présence, de leur allégeance à la nation, de leur acceptation du droit à la différence, du rapport de force entre les personnes modérées et des personnes extrémistes, du niveau de préparation des forces de sécurité et de l'armée tendant à empêcher les personnes voulant imposer leur loi moyenageuse ................

Joseph Zoghbi

05 h 43, le 23 novembre 2011

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Commentaires (4)

  • Ms Aoun, Tout dépend de l'entente nationale, de l'honnêteté des parties en présence, de leur allégeance à la nation, de leur acceptation du droit à la différence, du rapport de force entre les personnes modérées et des personnes extrémistes, du niveau de préparation des forces de sécurité et de l'armée tendant à empêcher les personnes voulant imposer leur loi moyenageuse ................

    Joseph Zoghbi

    05 h 43, le 23 novembre 2011

  • Quid du Liban?

    Michele Aoun

    04 h 16, le 23 novembre 2011

  • Merci pour vos remarques M. Dahdah. vous avez raison de souligner la nécessité de mener une réflexion sur notre avenir dans cet environnement qui nous tourmente. les changements ne seront certainement pas sans danger et les débordements vont nous atteindre, car les violences sont menées par des extrémistes, de part et d'autre, qui ne s'arrêteront pas à une seule victoire...... et une seule conquête....

    Joseph Zoghbi

    13 h 51, le 22 novembre 2011

  • J'avais écrit, les 21&22 octobre 2011 dans ce mêmes colonnes, un article sous le titre:" Quel Liban après la fin du régime alaouite en Syrie?" dans lequel j'avais décrit les différentes alternatives possibles, l'une de celles qui me paraissait et me paraît toujours la plus probable, malgré les nombreuses réactions choquées de certains lecteurs à l'occasion de cette analyse, rejoint le contenu de cette article. J'avais d'ailleurs adressé une réflexion plus globale au Annahar quelques jours après ces deux articles sous le titre:"Est-ce-que le temps du démembrement régional a sonné?", ma réponse là aussi est certainement positive. Merci donc pour cette analyse qui mérite d"être suivie par une réflexion approfondie sur l'avenir de notre pays si un tel tournant venait à se concrétiser.

    Salim Dahdah

    05 h 09, le 22 novembre 2011

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