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Économie

Les suites de la chute de la zone euro

*Nouriel Roubini est président de Roubini Global Economics, professeur d’économie à la Stern School of Business de l’Université de New York et coauteur du livre « Crisis Economics ».

Par Nouriel Roubini*

La crise de la zone euro semble avoir atteint son maximum, avec la Grèce au bord de la faillite et une sortie sans gloire de l’Union monétaire, et à présent avec l’Italie sur le point de perdre son accès au marché. Mais les problèmes de la zone euro sont bien plus préoccupants. Ils sont structurels et ils affectent gravement au moins quatre autres économies. Celles de l’Irlande, du Portugal, de Chypre et de l’Espagne.
Pendant la dernière décennie, les PIIGS (Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne) ont été des consommateurs de premier et dernier recours de la zone euro, dépensant plus que leurs revenus et affichant des déficits toujours plus importants de leurs comptes courants. Pendant ce temps, le noyau de la zone euro (l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche et la France) ont joué leur rôle de producteurs de premier et dernier recours, ont dépensé moins que leurs revenus et affiché des excédents de comptes courants toujours plus importants. Ces déséquilibres des balances des paiements sont également motivés par la force de l’euro depuis 2002 et par la divergence entre les taux de change réels et la compétitivité au sein de la zone euro. Des coûts unitaires de main-d’œuvre ont chuté en Allemagne et dans d’autres parties du noyau (puisque la croissance des salaires a retardé celle de la productivité), conduisant à une dépréciation réelle et à une augmentation des surplus de compte courant, alors que l’inverse s’est produit dans les PIIGS (et Chypre), conduisant à une réelle plus-value et à un élargissement des déficits des comptes courants. En Irlande et en Espagne, l’épargne privée s’est effondrée, et une bulle immobilière a alimenté une consommation excessive, alors qu’en Grèce, au Portugal, à Chypre et en Italie, des déficits excessifs ont exacerbé les déséquilibres des balances des paiements.
L’accumulation de dette publique et privée qui en a résulté dans les pays trop dépensiers est devenu ingérable quand les bulles immobilières ont éclaté (en Irlande et en Espagne) et quand les déficits des comptes courants, les déficits budgétaires, ou les deux sont devenus insoutenables dans toute la périphérie de la zone euro. En outre, les forts déficits des comptes courants des pays de la périphérie, alimentés comme ils l’étaient par une consommation excessive, ont été suivis de stagnation économique et de perte de compétitivité.
Que va-t-il donc se passer maintenant ? Une reflation symétrique. Cela implique un assouplissement significatif de la politique monétaire par la Banque centrale européenne, la fourniture d’un nombre illimité de prêteurs de dernier recours pour soutenir les économies illiquides mais potentiellement solvables, une forte dépréciation de l’euro, qui transformerait les déficits des comptes courants en excédents, et une relance fiscale du cœur si la périphérie est forcée à l’austérité.
Malheureusement, l’Allemagne et la BCE s’opposent à cette option, dans la perspective d’une dose temporaire d’inflation légèrement plus élevée dans le noyau par rapport à la périphérie. La pilule amère que l’Allemagne et la BCE veulent imposer à la périphérie – la deuxième option – est la récession-déflation : l’austérité budgétaire, des réformes structurelles pour stimuler la croissance de la productivité et réduire les coûts unitaires de main-d’œuvre, et une dépréciation réelle par l’ajustement des prix, contrairement à l’ajustement sur les taux de change nominaux. Les problèmes relatifs à cette option sont nombreux. L’austérité budgétaire, bien que nécessaire, signifie une récession plus forte à court terme. Même une réforme structurelle réduit la production à court terme, car elle nécessite de licencier des employés, de fermer les entreprises déficitaires et de procéder à une réaffectation progressive du travail et du capital vers les nouvelles industries émergentes. Ainsi, pour éviter de sombrer dans une spirale de récession de plus en plus grave, la périphérie a besoin d’une dépréciation réelle pour améliorer son déficit extérieur. Mais même si les prix et les salaires devaient diminuer de 30 % dans les prochaines années (ce qui serait probablement insoutenable sur le plan social et politique), la valeur réelle de la dette augmenterait alors fortement, en aggravant l’insolvabilité des gouvernements et des débiteurs privés.
En bref, la périphérie de la zone euro est maintenant soumise au paradoxe de l’épargne : une trop forte augmentation de l’épargne conduit trop vite conduit à une nouvelle récession et engendre des dettes encore plus insoutenables. Et ce paradoxe affecte aujourd’hui le noyau lui-même.
Si les pays de la périphérie restent empêtrés dans un piège déflationniste de dette élevée, dans une chute de production, une faible compétitivité et dans des déficits structurels extérieurs, ils pourraient alors être tentés finalement par une troisième option : la cessation de paiement et une sortie de la zone euro. Cela leur permettrait de relancer la croissance économique et la compétitivité grâce à une dépréciation des nouvelles devises nationales.
Bien entendu, une zone euro dans un tel désordre de rupture serait un choc aussi sévère que l’effondrement de Lehman Brothers en 2008, si ce n’est pire. Vouloir l’éviter obligerait les économies du cœur de la zone euro à embrasser la quatrième et dernière option : soudoyer la périphérie pour qu’elle reste dans un état non compétitif de la faible croissance. Il faudrait accepter des pertes massives sur la dette publique et privée, ainsi que des paiements de transfert énormes pour relancer les revenus de la périphérie, pendant que sa production stagne. L’Italie procède un peu de cette manière depuis des décennies, avec ses régions du Nord qui ont subventionné les régions plus pauvres du Mezzogiorno. Mais de tels transferts fiscaux permanents sont politiquement irréalisables au sein de la zone euro, où les Allemands sont des Allemands et où les Grecs sont des Grecs.
Cela signifie également que l’Allemagne et la BCE ont moins de pouvoir qu’elles veulent bien le croire. À moins d’abandonner l’ajustement asymétrique (récession-déflation), qui concentre toutes les douleurs dans la périphérie, en faveur d’une approche plus symétrique (austérité et réformes structurelles sur la périphérie, combinées à la reflation de l’échelle de la zone euro), épave du train de l’Union monétaire, au développement ralenti, accélérera pendant que les pays de la périphérie se mettront en cessation de paiement et sortiront de la zone euro.
Le chaos récent en Grèce et en Italie peut constituer la première étape de ce processus. En clair, il n’y a plus aucun moyen pour sortir la zone euro du pétrin. À moins que la zone euro n’évolue vers une plus forte intégration économique, budgétaire et politique (sur une trajectoire compatible à court terme avec une restauration de la croissance, avec la compétitivité et la viabilité de la dette, nécessaires pour résoudre la dette insoutenable et pour réduire les déficits budgétaires et externes chroniques), la déflation-récession va certainement conduire à une rupture désordonnée. Avec l’Italie trop grande pour échouer, et maintenant au point de non-retour, la fin de la partie a maintenant commencé pour la zone euro. Viendront d’abord les restructurations séquentielles et coercitives de dette, puis les sorties de l’Union monétaire, qui mèneront à la désintégration de la zone euro.

©Project Syndicate, 2011.
www.project-syndicate.org
Par Nouriel Roubini* La crise de la zone euro semble avoir atteint son maximum, avec la Grèce au bord de la faillite et une sortie sans gloire de l’Union monétaire, et à présent avec l’Italie sur le point de perdre son accès au marché. Mais les problèmes de la zone euro sont bien plus préoccupants. Ils sont structurels et ils affectent gravement au moins quatre autres économies....

commentaires (5)

Prière lire : l'Allemagne, après la réunification etc... Anastase Tsiris

Anastase Tsiris

10 h 27, le 21 novembre 2011

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Commentaires (5)

  • Prière lire : l'Allemagne, après la réunification etc... Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    10 h 27, le 21 novembre 2011

  • Malheureusement c'est la dernière des options qui est en mouvement actuellement. La désintégration de la zone euro, l'euro lui-même, et, l'Europe. L'Allemagne, du jour où ses deux parties s'unirent, malignement le souhaite. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    10 h 09, le 21 novembre 2011

  • Tout ce que l'on peut souhaiter pour le moment est un résultat probant et positif des efforts fournis par les Européens pour éviter la faillite. Sans vouloir être pessimiste, nous sommes malheureusement encore dans la courbe descendante et je crains que l'on ne rebondisse pas avant une longue phase de stagnation. Nous entrons dans une période très difficile de cinq à dix ans, temps nécessaire pour reconstruire un nouveau modèle économique sans précipitation et sans reproduire les erreurs commises lors de la création de la zone Euro.

    Robert Malek

    07 h 46, le 21 novembre 2011

  • Bravo,M. Antonios pour votre analyse...la zonr euro est la première économie et la première démocratie du monde...ils s'en sortiront en respectant leurs peuples...c'est en cours...la nouvelle révolution sociale a commencé,en catimini...c'est le début de la fin de la liberté de trabsfert des capitaux,et des délocalisations sauvages...l'Europe va reprendre sa place,la première...autour de l'axe franco-.allemand.Liberté,Egalité,Fraternité!Et Deutschland über allës aussi.....

    GEDEON Christian

    07 h 00, le 21 novembre 2011

  • M. Roubini est un oiseau de mauvaise augure qui n'a cessé de prévoir des catastrophes financières ces dernières années, ces prédictions se sont avérés un certain temps exactes. Il peut avoir parfois raison mais nul ne peut avoir tout le temps raison. Quant à l'Europe, tous ces membres font des efforts importants comme on peut l'observer et d'autres zones monétaires devraient en faire autant.

    Emile Antonios

    06 h 00, le 21 novembre 2011

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