Rechercher
Rechercher

À La Une - Le point

Ian Fleming, réveille-toi

Dans ce grand-guignolesque complot pour l’assassinat de l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Washington, Croquignol, Filochard et Ribouldingue auraient-ils fait mieux – ou pire ? Difficile en effet d’aligner une telle succession de bourdes ayant débouché sur les ahurissantes révélations auxquelles nous avons droit depuis une semaine.
Récapitulons. Quand Mansour Arbabsiar avait été arrêté à l’aéroport Kennedy, il venait d’être refoulé par les autorités mexicaines sans être parvenu à finaliser, avec un membre du cartel de la drogue Los Zetas, les ultimes modalités de son projet, élaboré à la faveur de plusieurs séjours à Téhéran où l’avait recruté un cousin, Abdel Reza Shahlaï, présenté aujourd’hui comme un membre de haut rang de la force al-Qods, très vite relayé en tant qu’intermédiaire par son adjoint, Ali Gholam Shakouri. À Mexico, il s’agissait de confier la mission de tuer le diplomate saoudien Adel al-Joubeir à un homme du groupe ayant la haute main sur le trafic de marijuana moyennant la somme de 1,5 million de dollars. Hélas pour lui, son contact s’était avéré être un informateur de la Drug Enforcement Agency (DEA) qui l’avait « donné » au FBI.
Dès les premières fuites soigneusement filtrées par la justice, les médias américains se sont montrés plutôt circonspects. Titre de l’International Herald Tribune : « In Alleged Plot, an Unlikely Suspect ». Les quotidiens s’interrogent sur les éléments recueillis à ce jour et « qui ne cadrent pas avec l’image que nous nous faisons de la République islamique », note un autre quotidien. Et il y a en effet de quoi douter, de la manière à tout le moins, dont sont présentés les faits et les héros malgré eux de ce feuilleton. À commencer par la personnalité de l’étrange Monsieur Arbabsiar. Débarqué il y a une trentaine d’années aux USA, l’homme avait fondé à Corpus Christi (Texas), après maintes tribulations débouchant sur une avalanchee de dettes et un mariage raté, une entreprise de vente de voitures d’occasion. Surnommé Scarface en raison d’une balafre à la joue, séquelle d’un tabassage subi à Houston il y a trois décennies, il représentait l’antithèse des héros d’espionnage. Pour ses connaissances, il était Jack, en raison d’une nette faiblesse pour le whisky Jack Daniel’s, sorte de Gaston la Gaffe, constamment à la recherche de ses clés, de son téléphone portable ou même d’un porte-documents oubliés quelque part. Avec cela, incapable de s’occuper de la paperasserie comptable et administrative de son entreprise, une tâche confiée à sa seconde épouse. Benjamin Bighamian, un Irano-Américain proche de lui, confie à un journal que lors de l’incident de Houston, il avait reçu des coups sur la tête résultant en un trauma dont il ne s’était jamais remis. Ce qui, au vu de l’amateurisme qui a présidé à la conduite de l’opération ratée, expliquerait bien des choses...
En attendant de plus amples détails sur l’affaire, les chancelleries s’astreignent au « wait and see » de rigueur – « Trop tôt pour parler de complot », affirme-t-on à Ankara – et certains hommes politiques versent, eux, dans des interprétations de prime abord délirantes –, mais sait-on jamais ? Exemple : à en croire Mike Rogers, représentant républicain du Michigan et président de la commission des Renseignements de la Chambre, Adel el-Joubeir s’est retrouvé dans le collimateur iranien dès le moment (c’était le 21 avril 2008) où, s’adressant à des interlocuteurs US qui l’interrogeaient au lendemain de la petite phrase du roi Abdallah sur la nécessité de « couper la tête du serpent », il avait répondu : « Cela signifie qu’il faut attaquer le programme nucléaire de la République islamique. »
Mais foin d’explications hasardeuses et de questions appelées à demeurer longtemps sans réponses. Du genre : pourquoi les Iraniens iraient-ils chercher la tête d’un diplomate saoudien, et dans une capitale fédérale ultraprotégée qui plus est, quand ils disposent au Proche-Orient d’organisations dévouées à leur cause, bénéficiant d’une meilleure logistique et ayant fait leurs preuves dans un passé récent ou lointain ?
Le mystère se dissipe, partiellement à tout le moins, quand on note que, depuis le « printemps arabe », le conflit Iran-Amérique est entré dans une nouvelle phase, plus âpre, marquée par une violence principalement sectaire à Bahreïn (où la population est majoritairement chiite), au Yémen (avec les houthis), en Syrie (où les alaouites sont issus du chiisme) et dans les provinces orientales du royaume wahhabite lui-même. Sur le plan interne iranien, rien n’interdit, au contraire, de situer le différend dans le cadre du conflit entre l’autorité religieuse incarnée par le guide de la révolution dont relèvent les pasdarans et dont la force el-Qods n’est que l’une des émanations, et la présidence de la République, reflet du pouvoir civil. Dès lors, la dernière bévue, que l’on devrait ainsi aux organismes relevant du clan Mahmoud Ahmadinejad, viserait à jeter le discrédit sur la wilayet el-faqih. Sans compter que le scandale permettrait de donner un souffle nouveau à des sanctions économiques dont la communauté internationale semble se désinteresser depuis quelques mois
Tortueux ? Dans l’univers glauque des apprentis James Bond, on en a vu d’autres.
Dans ce grand-guignolesque complot pour l’assassinat de l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Washington, Croquignol, Filochard et Ribouldingue auraient-ils fait mieux – ou pire ? Difficile en effet d’aligner une telle succession de bourdes ayant débouché sur les ahurissantes révélations auxquelles nous avons droit depuis une semaine.Récapitulons. Quand Mansour Arbabsiar...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut