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À La Une - Liban - Enquête

Loi antitabac : le chiffre d’affaires des restaurateurs partira-t-il en fumée ?

Depuis le mois d’août, il est désormais interdit de fumer dans les endroits publics fermés comme les écoles, les hôpitaux ou les transports en commun. Pour les cafés et les restaurants, la loi entrera en vigueur l’année prochaine. Dans un pays où cigarette et narguilé font partie intégrante des habitudes de consommation, les professionnels du secteur s’interrogent sur les conséquences financières de la mesure.

Selon certaines estimations, le chiffre d’affaires de certains restaurants pourrait reculer de 50 % en raison de cette loi.


À Beyrouth, difficile d’imaginer les restaurants et les bars sans ces odeurs de tabac ou de miel d’acacia et d’eau de rose qui se dégagent des narguilés. Ce sera pourtant le cas dès l’année prochaine avec l’entrée en vigueur de la loi antitabac interdisant de fumer dans les lieux publics fermés y compris les bars, restaurants et pubs de la capitale. Mario Haddad, un des propriétaires du Falamanki à Monnot, se dit très inquiet des conséquences économiques d’une telle mesure. « Chez nous, les ventes de narguilés représentent 30 % du chiffre d’affaires. Les gens viennent ici pour boire un verre, très souvent accompagné d’une cigarette ou d’une chicha », indique-t-il. Avec une terrasse de 800 m2 et une capacité de 280 places assises à l’extérieur, Mario Haddad s’estime tout de même « chanceux », même si la mesure est, selon lui, beaucoup trop radicale.
« La loi n’est pas assez nuancée (...). Il aurait fallu créer une licence particulière pour des endroits comme le Falamanki ou certains pubs de Gemmayzé. » Le propriétaire de ce restaurant largement convoité prévoit une perte d’au moins 50 % de son chiffre d’affaires durant les cinq mois d’hiver, faute d’exploitation de la terrasse, et une baisse de 50 % de la fréquentation en été pour les personnes qui déserteront l’intérieur, en raison de l’interdiction de fumer. « La diminution de nos revenus risque d’être significative, d’autant que nous conservons une masse salariale quasi identique, hiver comme été », ajoute-il. Pour s’adapter à la mesure, le propriétaire entend développer une épicerie fine où seraient vendus des produits de la marque Falamanki, tels que le labneh, le zaatar (thym) où des mélanges d’épices, tout en axant sa communication sur la carte du restaurant. Toujours à Monnot, certains bars et restaurants ont déjà testé l’expérience des soirées sans tabac. « C’était désastreux, se souvient Sébastien Soubra, manager du restaurant Pacifico. Personne n’est resté, ni en terrasse ni à l’intérieur. » Malgré cette tentative avortée au milieu d’une clientèle à 90 % fumeuse, les propriétaires des lieux, Michel Saïdah et Camille Chehwan, ont souhaité tenter l’expérience à nouveau dans un autre établissement : le Dragonfly, un pub à Gemmayzé. « Cette fois-ci, nous avons testé les soirées sans tabac sur un mois à raison d’une fois par semaine, précise Sébastien Soubra. Les résultats n’étaient guère meilleurs. Habituellement, le Dragonfly compte 50 à 60 couverts par soir contre une dizaine au grand maximum les jours sans tabac. »
Les chiffres auraient de quoi affoler le manager. Pourtant, il n’est pas inquiet de l’entrée en vigueur de la loi. « À partir de l’année prochaine, tous les bars et restaurants seront dans le même cas, analyse-t-il. Si les gens veulent continuer à sortir, ils devront bien s’y faire ! »
Pas d’inquiétude non plus au Pints, un pub anglais situé dans le même quartier. Le propriétaire, qui a préféré garder l’anonymat, ne mâche pas ses mots : « Si j’appliquais cette loi, je perdrais la quasi-totalité de mes clients, s’insurge-t-il. Cette mesure est impossible à faire appliquer à moins de faire surveiller tous les cafés de Beyrouth par des policiers ! »
Rappelons que la loi prévoit une amende de 150 000 livres pour toute personne fumant dans un endroit public fermé et variera entre un et trois millions de livres pour le propriétaire du lieu où l’infraction a été commise. Reste à savoir si les amendes suffiront à dissuader les habitués. Pour Sébastien Soubra, le manager du Pacifico, « l’interdiction de fumer dans les bars et les restaurants sera un peu comme le code de la route, il n’existe qu’en théorie... ».

Des soirées non fumeurs qui font un tabac...
Au CaféSho, à Monnot, le tabac est d’ores et déjà proscrit trois jours par semaine. Contrairement à ses pairs, Sibylle Hijazi, la propriétaire, attend depuis longtemps l’application de la nouvelle loi. « Pour moi, l’interdiction de fumer dans les bars et les restaurants est une excellente surprise ! Quand j’ai créé les lundis sans tabac en 2007, les gens ont tout de suite paniqué, mais avec le temps, ils se sont fait à l’idée. Une nouvelle clientèle s’est mise à fréquenter l’établissement : des femmes enceintes, des enfants ou simplement des personnes qui souhaitent apprécier un bon repas sans l’odeur de la fumée », raconte-t-elle. Convaincue, Sibylle Hijazi a rapidement développé le concept en ajoutant les jeudis et dimanches sans tabac. « Je vous assure que ces trois jours ne m’ont pas fait perdre ma clientèle. Il m’arrive même d’avoir plus de monde un jeudi soir qu’un vendredi. » Face à l’interdiction de fumer dans les bars et restaurants, la propriétaire est ainsi sereine. Elle compte d’ailleurs bientôt ajouter les mardis à sa liste des jours sans tabac. Les conséquences économiques de la loi ? « Un faux débat, insiste Sibylle Hijazi. Quand tout Beyrouth a envie de sortir, c’est complet partout ! »
À Beyrouth, difficile d’imaginer les restaurants et les bars sans ces odeurs de tabac ou de miel d’acacia et d’eau de rose qui se dégagent des narguilés. Ce sera pourtant le cas dès l’année prochaine avec l’entrée en vigueur de la loi antitabac interdisant de fumer dans les lieux publics fermés y compris les bars, restaurants et pubs de la capitale. Mario Haddad, un des...
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