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À La Une - France

Libanais en eaux troubles

Imad Lahoud, Ziad Takieddine, Robert Bourgi ... dans le collimateur de la justice française.

Sur les 10 à 12 millions de Libanais de la diaspora, l’immense majorité ne fait pas parler d'elle.

Certains Libanais installés hors des frontières portent haut les couleurs de leur pays d’origine dans des domaines très variés : science, musique, industrie... La revue Arabian Business faisait ainsi figurer 83 Libanais sur la liste 2011 des 500 personnalités arabes les plus influentes dans le monde.

Mais certains Libanais se font aussi connaître pour des raisons moins glorieuses, notamment en France. Imad Lahoud, Ziad Takieddine et maintenant Robert Bourgi. Trois hommes qui trempent dans des affaires et scandales d’Etat.

 

Dernier arrivé sur la liste, Robert Bourgi, 66 ans, s'est fendu de nouvelles révélations, dans les médias français, sur le financement par des présidents africains de campagnes électorales françaises. Un "secret de Polichinelle", rappelle Le Monde, et une pratique symbole de la Françafrique. Né à Dakar, cet homme de l’ombre, "naviguant dans les eaux troubles de la politique et des affaires", dixit Libération, est un personnage clé du système de la Françafrique. Doté d'un copieux carnet d'adresses, parlant aussi bien français, arabe que wolof, M. Bourgi a "fourni de précieux conseils au gouvernement français sur le Sénégal, le Gabon, et le Congo-Brazzaville", reconnaît un conseiller élyséen cité par l'AFP.

 

Lui assure avoir fait plus que conseiller les présidents de la République. Dans les colonnes du Journal du Dimanche (JDD), M. Bourgi affirme avoir remis à Jacques Chirac et Dominique de Villepin des valises bourrées de billets, offertes par des présidents africains, entre 1995 et 2007. Il explique avoir rapporté d’Afrique plus de 20 millions d’euros en liquide, parfois après des aventures rocambolesques comme un retour du continent noir avec des djembés remplis de petites coupures…

"J’ai participé à plusieurs remises de mallettes à Jacques Chirac, en personne, à la mairie de Paris", explique M. Bourgi au JDD. "'Il y a du lourd ?', demandait Chirac quand j’entrais dans le bureau. Il m’installait sur un des grands fauteuils bleus et me proposait toujours une bière. Moi qui n’aime pas la bière, je m’y suis mis. Il prenait le sac et se dirigeait vers le meuble vitré au fond de son bureau et rangeait lui-même les liasses. Il n’y avait jamais moins de 5 millions de francs. Cela pouvait aller jusqu’à 15 millions. Je me souviens de la première remise de fonds en présence de Villepin. L’argent venait du maréchal Mobutu, président du Zaïre. C’était en 1995. Il m’avait confié 10 millions de francs que Jacques Foccart (ancien un conseiller politique français, personnage central dans la création de la Françafrique, ndlr) est allé remettre à Chirac", a ajouté M. Bourgi qui, après avoir pris ses distances avec Dominique de Villepin, est devenu très proche du président Sarkozy.

 

L'avocat Robert Bourgi à Paris, le 12 septembre. Gonzalo Fuentes/Reuters

 

"M. Bourgi sera l'émissaire officieux du président, l'homme des missions trop sensibles pour être confiées à ces légalistes de diplomates, qui le détestent. Il organise la rencontre entre M. Sarkozy et le président ivoirien, Laurent Gbagbo, à New York fin 2007, et fait intervenir Omar Bongo auprès de Nelson Mandela pour que Carla et Nicolas Sarkozy puissent être pris en photo, en 2008, avec l'icône sud-africaine", indique Le Monde. L’actuel président français voit en lui un des "grands serviteurs" de la France et un "grand connaisseur de l'âme africaine", et lui remet, le 27 septembre 2007, les insignes de la Légion d'honneur. Ces honneurs font grincer les dents de certains hauts fonctionnaires. Selon des documents diplomatiques diffusés via Wikileaks en décembre dernier, des conseilles voyaient en Bourgi "un mercenaire uniquement préoccupé par son bien-être".

 

Ses révélations, pour lesquelles Robert Bourgi reconnaît n’avoir aucune preuve, jettent un pavé dans la mare et ont suscité les hauts cris de la classe politique française et l'intérêt la justice. Mardi soir, le parquet de Paris a annoncé l'ouverture d'une enquête préliminaire pour entendre M. Bourgi qui, outre MM. Chirac et Villepin, a aussi accusé Jean-Marie Le Pen, ancien leader du Front National (extrême-droite), d'avoir reçu des fonds occultes de chefs d'Etat africains.

 

La justice française était déjà bien occupée avec les affaires dans lesquelles sont impliqués les deux autres personnages, Imad Lahoud et Ziad Takieddine.

 

Mercredi, la cour d'appel de Paris a confirmé la peine de 3 ans de prison, dont 18 mois ferme, et de 40.000 euros d’amende pour le mathématicien. Ancien trader, il s’était reconverti, sans grand succès, dans les affaires et avait finalement trouvé un poste dans l’entreprise de défense EADS. Imad Lahoud, 44 ans, a été jugé coupable d’avoir élaboré de faux listing dans l’affaire Clearstream, afin de faire croire que certaines personnalités, dont Nicolas Sarkozy, détenaient des comptes occultes à l'étranger. Une affaire qui avait fait beaucoup de bruit avant les élections présidentielles de 2007.

 

Imad Lahoud à la sortie de l'audience en

appel, le 15 septembre. Patrick Kovari/AFP

 

Quant à Ziad Takieddine, 61 ans, il est décrit par le quotidien Libération comme un personnage "indispensable dans la plupart des contrats négociés entre la France et le Proche ou Moyen-Orient". A l’origine simple traducteur du représentant à Paris du roi d’Arabie Saoudite, Ali bin Mussalam, il le remplace après sa mort.

Ces dernières années, il aurait activement participé à la signature de plusieurs contrats juteux, notamment la vente de frégates à l’Arabie Saoudite et celle de sous-marins au Pakistan, se rémunérant au passage sur les commissions occultes en marge des contrats. L’homme d’affaires libanais réfute catégoriquement ces allégations, se décrivant non pas comme un "intermédiaire bénéficiant de commissions, mais [comme] un conseiller rémunéré par des honoraires".

 

Cet été, Médiapart a pourtant publié une série de documents compromettant sur l’homme d’affaires. Le site d’information online rapporte notamment les dernières révélations d’un témoin entendu le 8 septembre par la police. Un témoin qui aurait affirmé que M. Takieddine s'est rendu à plusieurs reprises dans le milieu des années 1990 en Suisse pour y retirer des fonds remis ensuite à Paris à Nicolas Bazire, qui fut directeur de la campagne d'Edouard Balladur en 1995, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole. Ces fonds proviendraient des commissions obtenues sur le contrat d’armement signé avec le Pakistan. Or si ces commissions étaient à l’époque légale (elles seront interdites en 2000), leur utilisation pour financer des campagnes politiques ne l’était pas.

 

 

Ziad Takieddine à la sortie de son audition

par le juge Van Ruymbeke. Thomas Samson/AFP

 

C'est l'attentat perpétré le 8 mai 2002 à Karachi (Pakistan) contre des salariés français de la Direction des constructions navales (14 morts dont 11 Français) qui a fait sortir M. Takieddine de l'ombre. Suite à cet attentat, dont certains estiment qu'il pourrait être une réponse pakistanaise à l'arrêt du versement de commissions dans le dossier de la vente de sous-marins, la justice a commencé à s'intéresser de près au Franco-libanais. Entendu ce mercredi pendant six heures par le juge Renaud Van Ruymbeke, qui s’occupe du volet financier de l’affaire Karachi, l’intermédiaire franco-libanais a été mis en examen pour des malversations présumées. Selon l'avocat des familles de victimes de l'attentat de Karachi, Me Olivier Morice, la mise en examen de cet homme clé est un "tournant" dans l'enquête qui pourrait déboucher sur la mise en cause de politiques.

 

 

Sur les 10 à 12 millions de Libanais de la diaspora, l’immense majorité ne fait pas parler d'elle.
Certains Libanais installés hors des frontières portent haut les couleurs de leur pays d’origine dans des domaines très variés : science, musique, industrie... La revue Arabian Business faisait ainsi figurer 83 Libanais sur la liste 2011 des 500 personnalités arabes les plus influentes...

commentaires (1)

Jouer les intermediaires entre poles de pouvoir est notre sport national. Pas besoin de beaucoup de talent ni de beaucoup d'effort. Tout ce qu'il faut c'est etre au bon endroit au bon moment et etre completement denue de scrupules. Nous sommes presque genetiquement programmes pour toucher une commission sur affaires illegales. Dans le sang de tout Libanais, les globules rouges demandent un droit de passage aux globules blancs :)

HADDAD Jacques

16 h 41, le 15 septembre 2011

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Commentaires (1)

  • Jouer les intermediaires entre poles de pouvoir est notre sport national. Pas besoin de beaucoup de talent ni de beaucoup d'effort. Tout ce qu'il faut c'est etre au bon endroit au bon moment et etre completement denue de scrupules. Nous sommes presque genetiquement programmes pour toucher une commission sur affaires illegales. Dans le sang de tout Libanais, les globules rouges demandent un droit de passage aux globules blancs :)

    HADDAD Jacques

    16 h 41, le 15 septembre 2011

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