Adonis.
Après une longue période d’exil, les intellectuels ont refait leur entrée sur la scène publique à travers des débats qui sont d’une certaine manière une relecture de toute la période qui s’étend de 1967 à nos jours. Cette période de l’histoire intellectuelle du monde arabe a été le sujet de deux livres récents, qui ont pris comme point de départ la rupture de 1967. Pour Ibrahim Abu-Rabi’, auteur de Contemporary Arab Thought : Studies in Post-1967 Arab Intellectual History (Pluto Press, 2003), et Elizabeth Suzanne Kassab, auteure de Contemporary Arab Thought : Cultural Critique in Comparative Perspective (Columbia University Press, 2009), la pensée arabe a pris une nouvelle orientation après la défaite, donnant la priorité à des thèmes comme la laïcité, la tradition (turath) ou l’histoire. Mais elle va être fortement marquée par la défaite, la déception, et le sentiment que le changement voulu sera long et difficile. Et c’est peut-être dans les écrits d’un Abdallah Laroui, qui s’apparentent plus à une douche froide qu’il balance sur la société arabe et ses intellectuels, qu’on peut ressentir le mieux cette difficulté, cette tâche impossible mais nécessaire qui les attend.
Cette fin d’époque dont les effets politiques ont été désastreux va entraîner une radicalisation de la démarche critique amorcée avec la Nahda. Rejetant les révolutions imposées par le haut, les intellectuels vont se tourner vers l’intérieur pour essayer de trouver les causes de ce « mal-être » arabe. Pour toute une génération qui a vécu avec désarroi la défaite de 1967, le changement politique n’était plus suffisant, il fallait révolutionner la culture arabe dans ses dimensions sociales, religieuses et historiques. Pour reprendre les mots de l’intellectuel syrien Yasin Hafiz, les régimes révolutionnaires ont « fauché » les islamistes politiquement tout en les « semant » culturellement. Et le temps est venu, pour ces intellectuels, de commencer ce travail culturel de reforme des sociétés arabes, vu que les changements politiques n’ont pas été suffisants pour sortir ce monde de son carcan.
Avec la transformation dans le mandat des intellectuels, un changement qui va être favorisé par la descente du monde arabe dans la dictature et la fermeture graduelle de l’espace politique, c’est toute l’orientation politique des intellectuels arabes qui va être bouleversée. Si le problème réside dans la culture arabe, les « masses » arabes ne peuvent plus être les agents du changement. Elles n’ont pas de rôle actif, car elles ne sont plus les « sujets », mais les « objets » du changement à faire. Une certaine prise de distance par rapport aux masses va se mettre en place, annonçant le divorce des intellectuels avec la politique. Cette séparation va s’accentuer à la fin du siècle passé quand le choix se limitera aux dictatures militaires d’un côté et aux mouvements islamistes de l’autre, deux choix qui ne peuvent être endossés par les intellectuels modernistes de cette fin de siècle. Et c’est ce même dilemme politique, d’un État autoritaire et d’une société « dangereuse », qui poussera quelques-uns de ces intellectuels à avaliser l’invasion américaine de l’Irak, comme une solution à ce blocage historique.
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Mais M.Gedeon, vous prétendez qu'il n'y a pas de pensée monolithique occidentale alors que vous en êtes l'Archétype même, du fait de ce que vous proclamez : "Est ce qu'un intellectuel ou plusieurs pourrait me dire ce qu'il entend par " pensée arabe"?" !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
15 h 22, le 12 septembre 2011