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Culture

Ali Chahrour : « Mon corps, ma mémoire »

Le corps constitue, à l’évidence, le matériel de base d’un danseur. Et la danse, art éphémère, se nourrit de mémoire. En affirmant travailler sur une hypothèse du corps, de ses diverses manifestations et de son rapport avec la mémoire et les objets, Ali Chahrour entre donc dans la danse par la grande porte.

Émilie Thomas et Ali Chahrour dans «On The Lips, Snow».

Vaste, immense sujet, pensé et repensé par des artistes, philosophes, écrivains ou autres depuis la nuit des temps. Que pourrait y ajouter un jeune fraîchement débarqué des bancs, des planches théâtrales de l’UL? pourrait-on alors se demander. À juste titre, d’ailleurs. Ses propres émotions, son vécu, sa propre mémoire? «Je voudrais vivre dans mon congélateur. Avec ma mémoire et quelques-unes de ses bribes. Des restes que je voudrais collecter, emballer, momifier. Mais ces restes sont indomptables. Ils reviennent quand je m’y attends le moins. Et ils s’enracinent encore plus profondément dans cette mémoire qui jamais ne s’efface», affirme le jeune artiste dans sa note d’intention.
Une mémoire incurable donc, comme la mémoire du corps qui ne peut s’effacer que par la destruction du corps lui-même. C’est pour interroger ces hypothèses et peut-être surtout pour l’inquiéter que Ali Chahrour offre au spectateur ce spectacle de danse-théâtre intitulé On the Lips, Snow. L’espace habillé de noir, à l’instar des deux danseurs, est habité de vieux objets. Un lustre en cristal trône au centre. Des vêtements, une radio ancestrale, des bricoles sont entassés pêle-mêle dans un coin. Un transistor émet en boucle une sourate du Coran, comme dans les condoléances. Debout, immobile, la tête penchée, Ali Chahrour balance un bol de chips d’un coup brutal. Et entame une série de mouvements mécaniques des mains et de la tête, faisant virevolter des nuages de poussière à chaque geste brusque. Pendant ce temps, sa compagne reste figée, assise sur un siège plié sous le poids du temps. S’ils semblaient, au début, ne pas se voir ni se croiser dans cet espace confiné, les deux protagonistes entament ensuite une danse d’attraction/répulsion mouvementée. Il l’attrape, la traîne au sol, la balance dans tous les sens. Elle le serre, le caresse, s’offre à lui puis tente de s’en échapper, aller le voir ailleurs, du côté des spectateurs. Parfois, leurs corps ne font qu’un. Avant de se déchirer à nouveau.
Ce spectacle, présenté au Arab Dance Plateform, Bipod 2011 voudrait, pour en revenir à la note du chorégraphe, «mettre en scène la trilogie corps/mémoire/objets, et les relations entre actions et effets, rejet et attirance, jusqu’à la production d’une nouvelle trilogie corps/esprit/nouveau corps. Comment ce nouveau corps pourra accepter ses propres rejets à la recherche d’une neutralité impossible».
Le spectateur, confondu, s’interroge sur le sens réel de ce spectacle. Loin de toute tentative d’intellectualisation, il faudrait sans doute y voir deux jeunes talents créatifs composer une danse expérimentale qui a le mérite d’interroger le spectateur.
Même si les thèmes de la vieillesse et des souvenirs ne collent pas trop avec la jeunesse des performers.
Ali Chahrour a participé à de nombreux ateliers de théâtre et de danse, dont celui donné à Berlin, en mars 2011, par Sasha Waltz et ses invités. Il fait partie du collectif Takween.
Émilie Thomas est une danseuse française, ingénieure de formation et journaliste depuis qu’elle s’est installée à Beyrouth où elle a également rédigé un ouvrage intitulé Noir Beyrouth, où elle explorait les relations au corps, à la ville et à la violence quotidienne.

 

Fiche technique

– Chorégraphie et mise en scène: Ali Chahrour
– Danseurs/performers: Emily Thomas, Ali Chahrour
– Scénographie: Ali Chahrour
– Stage manager: Umama Hamido
– Produit par Maqamat Dance House.

Vaste, immense sujet, pensé et repensé par des artistes, philosophes, écrivains ou autres depuis la nuit des temps. Que pourrait y ajouter un jeune fraîchement débarqué des bancs, des planches théâtrales de l’UL? pourrait-on alors se demander. À juste titre, d’ailleurs. Ses propres émotions, son vécu, sa propre mémoire? «Je voudrais vivre dans mon congélateur. Avec ma...

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