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À La Une - Web culture

JR, photographe « artiviste », veut mettre le monde à l’envers

Il s’est fait connaître par ses immenses portraits grimaçants en noir et blanc, mystérieusement signés JR, qu’il expose sur les murs des villes du monde entier, contre l’injustice et les préjugés. Titulaire du TED Prize 2011, l’artiste de rue frenchie propose aujourd’hui aux internautes de prendre part à son dernier projet, « Inside Out ».

JR, artiste semi-anonyme.

Il n’a pas trente ans, mais il possède la plus grande galerie d’art au monde. Non, il ne s’agit pas d’un nouveau milliardaire/philanthrope russe, mais d’un artiste français bien culotté, mi-photographe, mi-affichiste. Connu sous les mystérieuses initiales de JR, il s’est approprié les murs des villes en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient. Il y expose librement, crânement ses portraits XXL, attirant l’attention des gens qui ne sont pas les visiteurs habituels des musées. Car celui qui se présente comme un « artiviste » (concentré d’artiste et d’activiste) a un but bien précis : amener l’art dans la rue. Depuis 2001, il est l’auteur de plusieurs expositions « sauvages » qui consistent à coller ses photos sur les murs sous la forme d’affiches géantes. Son travail mélange ainsi l’art et l’action. Il parle d’engagement, de liberté, d’identité et de limite.
Pour JR, tout a commencé le fameux jour où il a trouvé, dans le métro, un appareil photo sans doute oublié par des touristes. Tagueur à ses heures perdues, il s’adonne alors à sa nouvelle passion : shooter les graffiteurs en action sur les toits et dans les tunnels de Paris. Il photocopiait les tirages et collait les surplus sur les palissades, les pubs... Il découvre alors qu’il peut s’offrir la plus grande galerie du monde : la rue. « C’est libre, c’est gratuit, ça touche tous les publics et il n’y a aucune interprétation imposée. »
Parce qu’il croit dur comme fer que l’art peut « renouveler le regard que les hommes portent sur eux-mêmes », JR entame son périple artistique avec les jeunes des banlieues parisiennes. Puis il immortalise Palestiniens et Israéliens des deux côtés du mur de séparation, avant de partir en Afrique, au Brésil, au Cambodge à la rencontre des « héroïques anonymes » : des femmes qui, malgré les violences, la misère, sont les piliers de leur communauté, loin des clichés d’éternelles victimes. Ce projet, intitulé « Women are Heroes », a également fait l’objet d’un documentaire sélectionné à la Semaine de la critique au Festival de Cannes.
Depuis, JR a ouvert une nouvelle série de travaux, « The Wrinkles of the City », et donne du relief à la mémoire des villes à travers leurs habitants les plus âgés, dépositaires de l’histoire des lieux.
On l’aura compris, JR est un artiste qui, sans poser de jugement, imprime le quotidien des gens d’une manière à la fois artistique, poétique, sociale et surtout humaine. Son anonymat et l’absence d’explications accompagnant ses immenses portraits lui permettent de laisser un espace de liberté d’interprétation, ce qui constitue l’essence de son œuvre.
Pas étonnant donc qu’on lui décerne le prestigieux TED Prize (pour technology, entertainment, design), délivré par la fondation du même nom, succédant à des célébrités comme Bill Clinton, Bono ou le biologiste E.O. Wilson. Il s’est vu offrir un chèque de 100 000 dollars US délivré par l’institution à un « individu exceptionnel ». Il a été également invité à émettre un « vœu pour changer le monde » que la fondation TED se charge de réaliser. À cela, JR a répondu simplement : « Changer la façon dont vous voyez les choses change déjà le monde. » Autofinançant habituellement ses collages à grande échelle dans la rue par la vente de ses œuvres d’art, JR a réfléchi à comment faire du TED Prize une opportunité pour ce qu’il défend. Il a montré dans son discours, lors du cycle très couru de conférences du TED, devant 1 500 personnes (la vidéo est postée sur Youtube), comment maintenant les idées qu’il propage peuvent être retransmises par des milliers de personnes. « Je veux que chacun prenne position et défende ses opinions et son histoire. Ensemble, en participant à ce projet artistique d’envergure, nous mettrons le monde sens dessus dessous. »
Aujourd’hui, il demande donc aux internautes de proposer leurs photos en noir et blanc pour faire découvrir, révéler et partager leurs histoires cachées et les images des gens partout dans le monde. Intitulé « Inside Out », ce projet artistique, participatif et à grande échelle vise à « transformer les messages sur l’identité personnelle des gens en une œuvre artistique ». Comment ? Simple. Il suffit de se rendre sur le site www.insideoutproject.net et d’y suivre les instructions. Il est demandé aux éventuels intéressés de se faire tirer l’autoportrait sur un fond uni. « N’hésitez pas à nous en dire plus sur votre histoire et ne vous limitez pas », ajoute le site. Il faut ensuite envoyer le portrait et les commentaires par e-mail évidemment.
Les images digitales des participants, mises sur le site de Inside Out, seront imprimées en format poster et envoyées à leurs propriétaires pour qu’ils les collent et les exposent dans leur propre communauté. « Les images peuvent être placées n’importe où, d’une image isolée à la fenêtre de votre bureau jusqu’au mur rempli de portraits dans un bâtiment abandonné ou un stade. Ces expositions seront documentées, archivées et « visionnables » en ligne. Tout le monde peut participer.
Alors à la question : « L’art pourrait-il changer le monde ? » JR répond : « L’art n’est pas destiné à changer le monde, mais il le peut. L’art peut changer les perceptions qui, finalement, vous permettent de changer le monde. »
JR, artiste atypique, a ainsi fait le vœu d’un projet global d’art pour mettre le monde à l’envers, soutenu par l’impulsion du célèbre TED Prize. « Plus on est des fous, plus on rit, plus le groupe est grand, mieux c’est, l’idée étant d’avoir votre message, ou celui du groupe que vous soutenez, là-bas. »

 

Liens

Le site de la fondation TED (en anglais)
Le blog de JR
Le site « Women are Heroes »

Il n’a pas trente ans, mais il possède la plus grande galerie d’art au monde. Non, il ne s’agit pas d’un nouveau milliardaire/philanthrope russe, mais d’un artiste français bien culotté, mi-photographe, mi-affichiste. Connu sous les mystérieuses initiales de JR, il s’est approprié les murs des villes en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient. Il y expose librement, crânement ses...

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