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Lifestyle - Nostalgie

Et vogue La Gondole...

Pâtisserie célèbre, lieu de rencontre au temps béni des années 50, puis carrefour à éviter au temps maudit de la guerre, aujourd’hui adresse toujours gourmande parfumée de souvenirs, La Gondole fête ses 55 ans de fidélité à une certaine idée du Liban.

Nabih Maroun, un vrai gentleman.

Comme un résistant qui refuse de déposer les armes, La Gondole est restée, contre mauvais vents et marées, fièrement ancrée à cette même adresse, la rue Mazraa.
Dans son bureau situé au-dessus du restaurant, d’où se dégage la douce saveur des années noir et blanc, Nabih Maroun est installé derrière une grande table des années 70, résistant à sa manière, attentif à tout ce qui bouge. 85 ans au compteur, avec l’énergie des hommes qui se sont faits eux-mêmes et pour qui la retraite est l’antichambre de la mort, enrobé de l’élégance de ces gentlemen d’antan, il reçoit ses invités avec de précieux égards, hélas en voie de disparition.
Monsieur Maroun, en costume cravate, a un charme irrésistible. « Tant de choses se sont passées dans ces bureaux, dit-il. Des réunions informelles, des réunions politiques et des prises de décisions, pas uniquement gastronomiques ! »
Fier de comptabiliser 45 années de mariage heureux – « le 5 est mon chiffre magique ! », dit-il –, il a tenu à célébrer en catimini le 55e anniversaire de cette entreprise, l’œuvre de sa vie. Un peu pour lui, beaucoup pour ses enfants, Milia, designer plus connue sous le nom de Milia M, Nabih, qui travaille dans les finances, et Samer et Mazen, dans la restauration. « Pour marquer la continuité... »
Derrière les coulisses se fait entendre la voix de sa femme Hoda, complice de tous les instants. Le duo est parfait. Il est la tête, elle les jambes de l’établissement qu’ils continuent de gérer avec la même persévérance. Il est la tête qui réfléchit, plongé dans ses papiers, ses rendez-vous et ses Mémoires dont il achève la rédaction. Elle bouge, intervient, traverse la ville, à mobylette s’il le faut, derrière un de ses employés, impatiente de finaliser un travail. Et joue les seconds rôles, quelques petites minutes, dans le film Caramel de Nadine Labaki. De son époux elle dira : « Il est la moitié de mon âme. »

Autodidacte
« J’ai obtenu mon brevet, puis je me suis envolé de mes propres ailes », raconte l’homme aux cheveux blancs, né à Sahel Alma. Trois ans à balayer les locaux de la pépinière d’un cousin, le jeune garçon décide alors de « s’enrôler » dans l’administration. Il devient responsable de la comptabilité auprès du ministère des PTT. En 1956, l’homme d’affaires en devenir achète des parts dans l’enseigne d’une pâtisserie baptisée « La Gondole », située en face de la caserne Hélou. Il quitte son emploi en 1957, assuré d’encaisser de consistants arriérés. « Mon salaire ne me permettait pas d’acheter une cravate », avouera-t-il. Avec ce petit pécule, il achète sa première cravate et s’attelle à gérer et développer son commerce. Lorsque les Américains débarquent, raconte-t-il, ils découvrent cette pâtisserie de quartier qui devient leur fournisseur préféré en pains au lait, glace « à la française » et autres chocolats. En 1959, c’est la consécration. La pâtisserie ouvre ses portes à Broummana, qui était le haut lieu de villégiature de la bourgeoisie libanaise, et plus précisément à l’hôtel Printania. « Le théâtre de 10 heures venait tous les soirs déguster nos gâteaux, nous en fabriquions 50 par jour ! » Elle s’agrandit au gré du succès. Et c’est justement le succès... au chocolat, puis la forêt noire qui seront ses « chevaux de bataille ». « J’étais le seul à les faire au Liban », souligne-t-il fièrement. En 1965, il décide de déménager un peu plus loin, sur une avenue où, lui assure-t-on, un nouveau Beyrouth se construit. À quelques minutes de la corniche et de Hamra, dans ce quartier qui verra s’installer de nombreuses ambassades et chancelleries. À partir de 1972, devenant le seul actionnaire dans l’affaire, Maroun la décline en café-restaurant, puis catering. Le menu comportera, un peu plus tard, des plats du jour, avec deux best-sellers, la moughrabiyé et la siyadiyé. Ses clients sont des politiciens, des avocats, des médecins, des journalistes et des hommes d’affaires. Il ne citera pas de noms, Nabih Maroun est trop discret, trop humble. Mais il se souvient de chacun.

Fin du monde
Lorsque les évènements de 1975 éclatent, c’est tout le charme de Mazraa et de Beyrouth qui part en fumée. On construit des murs en pierre pour protéger la façade des balles et autres éclats d’obus. Et l’on prie sainte Rita et tous les dieux. Devant cette vitrine qui ne s’est jamais brisée vont défiler des manifestants, des combattants de tous bords et des armées d’occupation. « Mais nous n’avons jamais fermé ! » Le visage de la ville et du quartier change. La clientèle aussi. Les quelques habitués restent, fidèles à une qualité qui, elle, n’a pas changé.
Depuis, les Maroun se battent pour perpétuer une exigence, une manière et une mémoire. « Pour rien au monde, s’écrient-ils, nous ne quitterons Mazraa ! » Alors, pour ne jamais refermer les pages des moments heureux, Nabih Maroun a décidé de célébrer cette belle histoire à sa façon discrète. Pour, aussi, « remercier les gens qui m’ont aimé, tout simplement... » Et ils sont nombreux...
Comme un résistant qui refuse de déposer les armes, La Gondole est restée, contre mauvais vents et marées, fièrement ancrée à cette même adresse, la rue Mazraa. Dans son bureau situé au-dessus du restaurant, d’où se dégage la douce saveur des années noir et blanc, Nabih Maroun est installé derrière une grande table des années 70, résistant à sa manière, attentif à...

commentaires (3)

Saison après saison, je ne rate jamais leurs succulentes moules marinières ...

Marc Nader

14 h 30, le 29 août 2011

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Commentaires (3)

  • Saison après saison, je ne rate jamais leurs succulentes moules marinières ...

    Marc Nader

    14 h 30, le 29 août 2011

  • Notre mot de ralliement en 70, du temps de nos années d'études universitaires : "La Fôret-Noire de La Gondole j'en raffole." Nabil Hobeïka

    Hobeïka Nabil

    11 h 04, le 29 août 2011

  • nous avons habites plus de 50 ans a moussaitbe, la gondole restera toujours la place de reunions dans notre coeur,sans parler de la succulente moghrabiyeh, monsieur marouun est le vrai visage de notr beyrouth bien-aime. amicalement philiptchenko michel abou-nicolas

    philiptchenko michel

    20 h 33, le 28 août 2011

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