La pharmacienne de Saïda et le "vandale" baassiste

C'est d'une voix sereine qu'elle raconte son histoire à L'Orient-Le Jour. Pourtant Lina Bachacha a vécu une expérience choquante, digne d’un pays régi par la loi de la jungle.

L'incident a eu lieu le 3 juillet, à Saïda. Moustapha el-Kawwas, accompagné de quatre hommes, entre dans la pharmacie de Mme Bachacha, insulte les employés et saccage les lieux. Qui est M. el-Kawwas ? Un membre du parti Baas et un candidat aux législatives de 2009 à Saïda.

"Tout a commencé lorsqu’un jeune garçon, le neveu de Moustapha el-Kawwas, est venu acheter un médicament à la pharmacie. Le médicament coûte 11 000 livres et l’enfant n’avait que 10 000 livres sur lui. Il dépose donc l’argent à la caisse et repart pour aller chercher le reste. Peu de temps après, je reçois un coup de fil d'un certain Moustapha el-Kawwas en colère, me demandant pourquoi je n'ai pas donné le médicament au petit avant d'ajouter, en criant, qu'il n’apprécie pas que le prix du produit ait augmenté. J’essaie de lui expliquer que le syndicat ne permet pas les escomptes sur les prix des médicaments et que je suis obligée de respecter cette décision. Mais, ne voulant rien entendre, il me raccroche au nez", raconte Lina Bachacha, contactée par téléphone.

Mme Bachacha croyait que l'histoire allait en rester là. Il n’en fût rien. "Peu de temps après son coup de fil, Moustapha el-Kawwas et quatre de ses hommes armés de pistolets entrent dans la pharmacie. Ils se mettent à nous hurler dessus et à nous insulter, mon mari et moi, avant de nous menacer de mort", raconte la pharmacienne. Un témoignage que vient conforter une vidéo circulant aujourd’hui sur internet. Des images enregistrées par la caméra de surveillance de la pharmacie et données par la pharmacienne aux FSI et à l'armée. Des images dont Mme Bachacha dit être ravie qu’elles circulent sur internet et que tout le monde puisse les voir.

"Moi, même le plus grand juge, je l’emm….e", profère, entre autres insultes, M. el-Kawwas. "Tu peux appeler la police, même le Premier ministre, moi je n’ai peur de personne", déclare, également, l’homme se présentant comme le "leader du Baas".

"Un homme qui blasphème et qui s'attaque au Premier ministre et à la justice doit être sévèrement puni", dit la pharmacienne. Moustapha el-Kawwas a été arrêté et il est en prison, en attendant d’être jugé. "Quoi qu'il en soit, cet homme sera puni par Dieu et je suis confiante qu'il le sera aussi par les autorités car leur dignité a également été touchée", ajoute Mme Bachacha.

Ce n’est pas la première fois que le responsable baassiste terrorise les gens. À Saïda, les citoyens ont peur de lui. Certains ont été victimes de ses actes agressifs mais ne pouvaient rien faire. "Grâce aux médias et à Internet, l'incident est devenu public et je pense que Moustapha el-Kawass n'est pas près d'être libéré", estime, confiante, Mme Bachacha.

Craint-elle d’éventuelles représailles ? Pour l’instant, révèle Lina Bachacha, des membres de la famille de Moustapha el-Kawwas sont entrés en contact avec elle, non pour la menacer, mais pour condamner l'incident et la prier de retirer sa plainte contre le neveu de M. el-Kawwas, lui aussi emprisonné car il était présent sur les lieux de l’incident. "J'ai bien retiré ma plainte contre le petit garçon puisqu'il est mineur, mais la famille ne m'a rien demandé au sujet de Moustapha", précise la pharmacienne.

Mme Bachacha ne cache pas, toutefois, être inquiète pour l’après-libération de M. el-Kawwas. "Oui j'ai eu peur ce jour-là, et j'ai toujours peur de ce qui peut arriver. Mais il faut absolument mettre fin à l’impunité au Liban, que ce soit pour les membres du parti Baas ou pour toute personne qui se croit au-dessus de la loi".