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Culture - Vient de paraître

« Acte de naissance » de Akl Awit, ou le texte ouvert pour une remontée aux origines

Dans une prose serrée comme des mailles, la poésie a les rênes du pouvoir. Comment en serait-il autrement avec Akl Awit, lui qui ne perçoit la vie qu’à travers les frémissements du verbe et des sentiments ? « Wasikat Wilada »* (Acte de naissance, 318 pages, Dar al-Saki), tout pétri, empreint et imbibé de poésie, dans une langue arabe altière et ciselée, est son dixième ouvrage pour une remontée aux origines. À travers l’écriture d’un récit poétique, voilà les multiples (re)naissances d’un être à la sensibilité vive.

Akl Awit, une poésie ardente et un jet d’images. (Michel Sayegh)

Dixième ouvrage de l’auteur du virulent billet «Lettre à Dieu», paru en première page du an-Nahar à la veille de la guerre américano-irakienne et qui lui valut des démêlés avec la justice. Dixième ouvrage d’un poète qui ne s’est jamais départi de ses muses tout en conciliant critique littéraire et enseignement universitaire.
Wasikat Wilada est un livre aux confins de l’autobiographique, mais en piste et marge brouillées grâce à l’omniprésence d’un imaginaire débridé qui emprunte au Parnasse, en toute largesse et impunité, son lyrisme, ses images, la finesse des sentiments qui n’ont peur ni de l’ombre ni de la lumière, l’intensité et la portée des émotions qui soulèvent, et les causes qui chavirent, marquent et élèvent une vie.
Une poésie ardente qui ne renie jamais toutes les stridences modernes, tout en accordant, à travers un verbe coulé entre marbre et cristal, des effusions qui n’ont rien à envier aux envolées d’un romantisme parfois ombrageux et enfiévré, mais pesé à la virgule près...
Tout remonte au premier cri de cet enfant qui vient à la vie. De cette chair qui se sépare du cordon ombilical. Akl ibn Daoud, ibn Akl, ibn Daoud...
Revisiter sa propre naissance, et comme un regard porté en arrière, entre certitude et prémonition, et tout reconstituer à travers le dédale et sous l’emprise de l’imaginaire, tel est le dessein de ce livre dont la gestation et l’écriture ont duré trois ans.
Pour mieux se décanter, pour mieux unifier prose et poésie, pour mieux (dés)encercler les étapes d’un parcours humain. L’auteur imagine comment écrire ce livre dès qu’il sort du ventre de sa mère.
Et de cette zone du néant, de ce no man’s land, en dehors de l’espace et du temps, il accroche, s’accroche, grappille dans tout ce qui sera la tessiture de sa vie.
Dès ce matin du 6 mars 1952 s’enclenche le cycle de la vie. Le flot des jours confronte l’enfant, l’adulte et l’homme d’âge mûr aux découvertes successives de l’existence. Naissances nouvelles et
renouvelées.
Pas un don de voyance pour ces renaissances à l’instant du premier cri, mais un flash-back intemporel, sur une cadence syncopée où l’imaginaire se lance à bride abattue dans l’écheveau des événements à venir, survenus.
D’abord cette radieuse enfance à Bziza, au sein d’une famille de huit enfants. Déjà le doux et l’amer. Le doux d’un cadre fabuleux dans un «rif» paradisiaque du Liban-Nord et amer de la mort d’un frère dont la tête, à la naissance, est serrée de trop près par la sage-femme. Expérience douloureuse de la mort qui se répétera avec sa sœur, inspiratrice d’un recueil de poésie (Maquam A- Sarouat), où même les cyprès, dans leur tristesse à tête haute, se courbent et versent silencieusement des larmes.
Et il y a les rencontres essentielles, les événements marquants, capitaux. D’abord Beyrouth, ensuite l’université, puis l’amour à travers la femme, nommée ici Manaï, la guerre, son tintamarre et son cortège d’absurde. C’est tout cela qu’Akl Awit revoit à travers un jet d’images. Des images qui, avoue l’écrivain, le dépassent et dont il n’a aucun contrôle.
Un livre ambitieux et difficile que ce Wasikat Wilada où, du chaos de l’instant de la naissance, un poète reconstruit le monde, son monde. Et Akl Awit de dire: «Ceci n’est pas un roman au sens conventionnel du terme. Je le considère, à travers sa prose particulière – et c’est un virage dans le parcours de mon écriture –, comme un long poème. Je propose une langue nouvelle que je n’ai jamais écrite auparavant. Car ce qu’il y a d’essentiel là, ce ne sont pas les faits prosaïques, ni le puzzle d’une existence – et je n’ai rien à cacher pour tous ceux qui voudraient une histoire linéaire – dont tous les détails ou presque sont perceptibles mais mélangés, mais la langue. Ou plus exactement l’utilisation de la langue. Car après tout, la poésie c’est surtout comment utiliser le mot...»

* Ouvrage en vente à la librairie el-Bourj.
Dixième ouvrage de l’auteur du virulent billet «Lettre à Dieu», paru en première page du an-Nahar à la veille de la guerre américano-irakienne et qui lui valut des démêlés avec la justice. Dixième ouvrage d’un poète qui ne s’est jamais départi de ses muses tout en conciliant critique littéraire et enseignement universitaire. Wasikat Wilada est un livre aux confins...

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