Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

Remparts contre l’oubli

« Image in the Aftermath », littéralement « Image dans la foulée », présente au Beirut Art Center jusqu'au 16 juillet une réflexion sur la production, l'utilisation et la diffusion des images. Boris Groys, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Hassan Khan, Masao Okabe et Chihiro Minato, Walid Raad, Sophie Ristelhueber, Jalal Toufic, The Nakba Archive et Sahara Occidental, Con Poche Immagini : neuf façons (leçons ?) de voir.

Capture d’image de l’installation DVD sur trois écrans de Boris Groys, «Thinking in Loop : Three Videos on Iconoclasm, Ritual and Immortality », 2008.

Si Marguerite Yourcenar a écrit Le Temps, ce grand sculpteur, ces artistes rassemblés montreraient, entre autres lectures possibles, plutôt le temps comme un grand destructeur. Et l'image, à plusieurs et différents niveaux, est ici un rempart contre l'oubli. Car c'est bien ce que déclare, à mi-voix en pays étranger, l'un des Sahariotes en exil qui a photographié sa terre trois fois envahie - par Franco, puis par la Mauritanie et le Maroc. Le collectif The Nakba Archive ne dit pas autre chose: les heures de témoignages de Palestiniens ont été recueillies pour être archivées et consultables comme autant de luttes contre l'absorption par la propagande. Et l'un des visages de l'infamie pourrait bien correspondre aux deux forces réunies du temps destructeur et de l'image mensongère diffusée à large échelle: propagande que celle dénoncée par Jalal Toufic dans This is not to say, this is not the case, dénonciation grinçante de la «décalcomanie», des tours de passe-passe pervers dont les images sont infiniment capables, comme pouvaient en témoigner les scènes de liesse proches de la rage qui encadraient les bains de foule orchestrés et filmés de Saddam Hussein...
Les images électrochocs de Boris Groys secouent le cerveau mangeur de visuels sans aucun discernement et se moquent ouvertement de l'incapacité, dans un premier temps, à saisir combien texte et image n'ont rien à raconter et ternisssent le discernement. Où est l'image juste? Le mot juste?

Pare-feu et ensevelissement
Deux questions qui peuvent servir de portes d'entrée aux œuvres de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, et de Hassan Khan. À quoi sert l'image quand le passé a emporté un être cher ou le souvenir heureux de l'enfance? 4500 photogrammes de 4 centimètres sur 6 rassemblés en une fresque gigantesque suffiront-ils à couvrir l'interminable panorama de l'absence? Des extraits de livres d'aventures pour garçon en arabe sont, comme une longue rêverie, un condensé d'un temps heureux aujourd'hui révolu. Pour lutter contre l'oubli, Walid Raad crée de toutes pièces un passé au passé. L'image remonte faussement le temps et se présente comme une archive authentique, servant de pare-feu à ce que Jalal Toufic appelle le «retrait de la tradition».
Guerre encore, guerre toujours, est celle que dénoncent Sophie Ristelhueber, d'une part, Masao Okabe et Chihiro Minato, d'autre part. Avec Eleven Blowups, l'artiste a réalisé des collages à partir de centaines d'heures filmées de rushes d'explosions au Turkmenistan, en Syrie, en Irak et dans la bande de Gaza, «autant de cratères, explique-t-elle, qui ressemblaient à des tombes». Par le collage, les bombardements montrent, si c'était nécessaire, leur don aveugle d'ubiquité et de reproduction à l'infini dans le temps. Masao Okabe et Chihiro Minato résistent à l'inexorable travail d'ensevelissement par le temps de la catastrophe d'Hiroshima, en revenant sur les lieux de l'impact atomique pour questionner leurs témoins minéraux: ils montrent ici 400 feuilles de papier portant les empreintes de pierres frottées au crayon mine et relevées en 2002 puis en 2011.
«Image in the Aftermath» a le mérite de mettre en exergue le regard aigu, conscient, constamment en alerte, de l'art sur le réel. Un art qui peut aller jusqu'à brouiller la fréquence de cette réalité.
Si Marguerite Yourcenar a écrit Le Temps, ce grand sculpteur, ces artistes rassemblés montreraient, entre autres lectures possibles, plutôt le temps comme un grand destructeur. Et l'image, à plusieurs et différents niveaux, est ici un rempart contre l'oubli. Car c'est bien ce que déclare, à mi-voix en pays étranger, l'un des Sahariotes en exil qui a photographié sa terre trois...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut