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Couverture spéciale de la révolte en Libye

La rébellion libyenne ou le risque de se contenter de la moitié de la Libye

Projet de Constitution, nomination d'"ambassadeurs": la rébellion s'organise en rêvant d'une Libye débarrassée du colonel Kadhafi. Avec un risque: devenir un gouvernement provisoire s'installant dans la durée et dans la seule moitié du pays.
Plus de trois mois après le début de l'insurrection contre le régime de Mouammar Kadhafi, la rébellion, symbolisée et dirigée par le Conseil national de transition (CNT), s'interroge: et si la situation actuelle perdurait des mois, voire des années ?
"Il est normal qu'on travaille à l'avenir du pays, qu'on imagine un système. Mais il est vrai que plus le temps passe, plus on prend le risque de mettre en place un système qui ne conviendra pas à l'ouest du pays, qu'on aura du mal à vendre aux Libyens de Tripoli", résume un membre du CNT sous couvert de l'anonymat.
Dirigé par Moustapha Abdeljalil, un homme qui a gagné le respect des opposants en critiquant le colonel Kadhafi quand il était ministre de la Justice, le CNT est désormais le seul interlocuteur des Occidentaux, Français, Britanniques et Américains en tête. Mais aucun de ses 31 membres n'a été élu, et il en est de même pour son "bureau exécutif", cabinet réglant les affaires courantes.
"Abdeljalil ne nommera pas de gouvernement provisoire tant que Kadhafi n'aura pas été tué ou qu'il n'aura pas quitté le pays", explique un diplomate européen à Benghazi.
"Un gouvernement sans représentation de toutes les régions, notamment Tripoli, c'est la partition du pays. Et donc la victoire de Kadhafi", ajoute le diplomate.
En attendant, comme résume Salwa Al-Daghili, membre du CNT chargée des réformes politiques, les rebelles concoctent "l'ébauche d'un brouillon de projet de Constitution".
Cette professeur de droit constitutionnel, passée par la Sorbonne à Paris, fait partie des responsables qui travaillent à la "feuille de route": Assemblée constituante, rédaction d'une Constitution, loi électorale et élections législatives.
L'ensemble de ce processus pourrait durer de "un à deux ans", selon Abdelhafiz Ghoga, le numéro 2 du CNT.
"Nous souhaitons élargir la représentation du CNT à toute la Libye", assure M. Ghoga. Des représentants de l'ouest ont été récemment intégrés, d'autres régions du centre et du sud du pays devraient également rejoindre le CNT.
Depuis plusieurs semaines, de nouveaux visages sont apparus dans les couloirs du CNT, ou dans les hôtels de Benghazi, où responsables libyens et diplomates occidentaux se rencontrent.
Des hommes d'affaires, des intellectuels, parfois rentrés de l'étranger, côtoient les anciens hauts fonctionnaire du régime passés dans l'opposition. Les révolutionnaires de la première heure - du "Conseil du 17 février", qui ne dispose que de 5 des 31 sièges au CNT - commencent à faire entendre leur mécontentement.
Certaines personnalités ont pris du recul en attendant la vraie bataille des premières élections législatives, le consensus étant que les membres de l'équipe actuelle, Moustapha Abdeljalil inclus, ne pourront pas se présenter à l'avenir.
Mais avec la mise en place d'un embryon d'administration, les luttes de pouvoir se sont exacerbées. Les postes de représentants de la rébellion à l'étranger, notamment à Paris et à Washington, sont très disputés.
Certains, comme Abdelkader Kadura, professeur de droit constitutionnel influent auprès du CNT, déplorent la "surreprésentation" de certains groupes, notamment ceux de Misrata, la 2e ville du pays, et prônent le fédéralisme, "seul antidote à la partition".
Autre problème, l'organigramme du pouvoir rebelle n'est pas toujours très clair. L'exemple du portefeuille de la Défense en est la parfaite illustration. Jusque là, Abdel Fatah Younès, ancien ministre de l'Intérieur, faisait figure de chef militaire de la rébellion, malgré la présence d'un "ministre" de la Défense. Mais la nomination à ce poste de Jalal Al-Digheli, un ancien militaire et diplomate de 76 ans, a brouillé un peu plus les pistes.
Plus de trois mois après le début de l'insurrection contre le régime de Mouammar Kadhafi, la rébellion, symbolisée et dirigée par le Conseil national de transition (CNT), s'interroge: et si la situation actuelle perdurait des mois, voire des années ?"Il est normal qu'on travaille à l'avenir du pays, qu'on imagine un système. Mais il est vrai que plus le temps passe, plus...