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Moyen Orient et Monde - Le point

Fin de saison

L'an prochain, la défunte révolution égyptienne aura cinquante ans. Nous parlons bien évidemment du mouvement des officiers libres qui, conduits par Gamal Abdel Nasser, s'emparèrent du pouvoir un certain 23 juillet 1952, chassèrent le roi Farouk, établirent la république, caressèrent longtemps l'idéal complètement fou d'une « oumma » enfin unie « du Golfe à l'océan », avant de se casser le nez au contact des dures réalités du moment. Ces (pas si) doux rêveurs partis, nous eûmes Anouar Sadate puis Hosni Moubarak : onze ans pour le premier, trente ans pour le second avant sa peu glorieuse éviction à la suite d'un raz de marée sans précédent, commencé place al-Tahrir et dont l'onde de choc continue aujourd'hui d'être ressentie aux quatre coins du monde arabe. Un peu plus d'une décennie pour l'un, au cours de laquelle les « fat cats » ne cessèrent d'accumuler les calories-milliards de guinées, bientôt imités par leur descendance trois décennies durant. Adieu la fausse gloriole nassérienne, bienvenue dans le monde impitoyable de la démographie galopante, de l'analphabétisme rampant et du chômage en progression - si l'on peut dire... - constante.
Aujourd'hui, plus de trois mois et demi après la chute du dernier pharaon, l'Égypte s'interroge sur son devenir, imitée par un monde arabe gagné semble-t-il par la contagion de l'aube nouvelle entrevue par Hegel dans la Révolution française. Passe encore s'il n'était question que de lendemains meilleurs! Les interrogations portent désormais sur l'identité, une attitude qui donne à réfléchir s'agissant d'un pays plusieurs fois millénaire et dont les diverses civilisations ont tant donné au monde. C'est que les « baltaguiya » sont toujours là; les Ikhwane, déguisés en brebis, ont repris du service après une longue éclipse au cours de laquelle on avait voulu croire à leur disparition ; enfin, les démons du confessionnalisme viennent de se réveiller comme l'ont prouvé les événements du 7 mai à Imbaba et avant eux les incidents devenus presque quotidiens opposant les deux composantes de la société égyptienne.
D'un bout à l'autre de cette partie du monde, on continue de plancher interminablement sur les moyens de concilier diversité et tolérance, stabilité et sécurité, progrès et identité sans parvenir à trouver des réponses à ces questions existentielles. Maintenant que le règne des hommes forts commence à représenter un phénomène en voie de disparition, il importe d'élaborer une formule susceptible de satisfaire ceux qui excipent de leur droit à la dignité - une revendication dont on trouve l'écho partout où se poursuit le mouvement de revendication.
Les problèmes se multiplient à mesure que craquent les coutures du corset trop longtemps imposé au peuple. Ils sont d'ordre confessionnel en Égypte, où musulmans et coptes s'efforcent de donner malgré tout l'image d'une nation soudée par les slogans de sa révolution. Ils sont sectaires à Bahreïn et en Syrie, claniques en Libye, tribaux au Yémen, religieux au Soudan où se déchirent musulmans d'un côté, chrétiens et animistes de l'autre. Dans tous ces pays, demeure présent le sinistre souvenir d'une désastreuse entreprise de démocratisation, engagée par George W. Bush et qui a porté les fruits pourris que l'on sait.
En Égypte, pays où la haine de l'organisation libanaise est pourtant forte, la leçon du Hezbollah a été retenue. Parlant du nouveau rôle assumé par les Frères musulmans, un villageois évoque une présence efficace de tous les instants dans un témoignage reproduit par le New York Times : « Ils dressent des tentes, dit-il, nous assurent des repas gratuits, des médicaments pour les malades. » Qu'est-ce à dire? Simplement que l'État est absent, cruellement, remplacé par un parti qui se veut proche du peuple. L'appartenance viendra plus tard, quand auront été satisfaits, grâce à cette générosité, les besoins les plus élémentaires.
Barack Obama peut s'égosiller, lui, à promettre les milliards nécessaires à la relance d'une poussive économie arabe. Tout le monde sait qu'il peinera à les trouver au fond des abysses de la dette américaine, qu'il aura besoin de toute sa force de persuasion pour mettre à contribution l'Arabie saoudite et qu'une fois levés, ces crédits seront insuffisants à faire redémarrer la machine arabe.
Pour un peu, on se prendrait à croire que, oui, selon la petite phrase faussement attribuée à André Malraux, « le XXIe siècle sera religieux ou il ne sera pas ». Rien n'est moins vrai, ces jours-ci plus qu'hier, quand cette prophétie, absurde par ailleurs, avait été faite. Par contre, il n'est pas interdit de penser que le philosophe grec Anaxagore avait raison de constater que « rien ne naît ni ne périt, mais les choses déjà existantes se combinent puis se séparent de nouveau ». Traduit dans la pratique, cela signifie qu'en fin de course, le monde arabe va droit à l'effondrement de l'échafaudage né au lendemain de la Première Guerre mondiale. Une perspective qui n'a rien, convenons-en, de réjouissant.
L'an prochain, la défunte révolution égyptienne aura cinquante ans. Nous parlons bien évidemment du mouvement des officiers libres qui, conduits par Gamal Abdel Nasser, s'emparèrent du pouvoir un certain 23 juillet 1952, chassèrent le roi Farouk, établirent la république, caressèrent longtemps l'idéal complètement fou d'une « oumma » enfin unie « du Golfe à...

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