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Sport - Entrevue avec...

Ghassan Sarkis : Mon rêve serait de gagner le championnat avec Champville

Le « coach » Ghassan Sarkis est l’entraîneur qui a offert au basket libanais ses meilleures heures de gloire et, surtout, ses premiers titres sur les plans arabe, régional ou continental, avec deux Coupes arabes et deux Coupes d’Asie des clubs.

Ghassan Sarkis est assurément un personnage à part dans le paysage sportif libanais, un être qui dérange parfois, qu'on acclame d'autres fois, mais qui ne laisse jamais indifférent.
Réputé pour ne pas garder sa langue dans sa poche, réputé pour être un as de la provocation (personne n'oublie ses gestes triomphateurs à la Luis Fernandez devant le banc adverse), réputé pour son franc-parler sur tout et n'importe quel sujet, du sport à la politique (surtout), Sarkis est surtout réputé pour être l'entraîneur qui possède le palmarès le plus riche et le plus fourni parmi ses homologues libanais :
- Huit titres de champion du Liban (sept avec La Sagesse et un avec le Club sportif)
- Neuf Coupes du Liban. Il est d'ailleurs le seul entraîneur à avoir remporté la Coupe nationale avec trois clubs différents (une avec al-Amal Bickfaya, sept avec La Sagesse et la dernière en date avec Champville)
- Deux Coupes arabes des clubs (Sagesse), à l'époque où les équipes engagées n'avaient droit qu'à un seul étranger sur le terrain, contrairement à maintenant où les formations peuvent en aligner trois, ce qui réduit de beaucoup les difficultés, surtout chez les équipes supposées « riches ».
- Deux titres de champion d'Asie des clubs. À noter qu'il est le seul entraîneur libanais à avoir remporté cette compétition, et La Sagesse reste également à ce jour l'unique formation libanaise à l'avoir gagnée.
- Élu deux fois meilleur entraîneur d'Asie. Il est le seul Libanais à avoir reçu cette distinction.
- Une participation à la Coupe du monde des clubs.
Pourtant, rien ne prédestinait le « coach » (comme tout le monde l'appelle), à devenir entraîneur. Apres l'obtention de son baccalauréat, Sarkis est allé en Écosse poursuivre des études pour devenir pilote civil, mais, obligé de revenir en 1978 au Liban en raison de la guerre qui sévissait alors, il effectua pendant deux ans des études de gestion avant d'arrêter pour les mêmes causes. Il commença par entraîner les jeunes dans le club de son cœur, al-Amal Bickfaya, avant d'entamer la grande aventure avec La Sagesse en 1992.

L'Orient-Le Jour : Après avoir connu la gloire et le succès avec les différents clubs que vous avez entraînés, êtes-vous toujours aussi motivé pour continuer sur cette voie ?
Ghassan Sarkis : Le basket représente toute ma vie (avec ma famille, bien sûr), c'est une passion débordante, qui continue à me prendre presque tout mon temps et je n'envisage pas un instant de travailler dans un autre domaine. Je fais le métier que j'aime et c'est très rare de nos jours.
Même si j'ai à peu près tout connu sur le plan sportif, surtout avec La Sagesse, entraîner des équipes continue à être mon plus grand plaisir, car j'aime relever les challenges. Bâtir une équipe, commencer avec des jeunes et ensuite la mener vers les sommets constituent ma principale source de motivation, chose que je suis en train de vivre actuellement avec Champville. Nous avons commencé de trois fois rien, un budget restreint, des joueurs jeunes et méconnus, et on a été finalistes du championnat ces deux dernières années, avec, en prime, une victoire en Coupe du Liban la saison passée. J'en profite pour dire que cette compétition est plus dure à gagner que le championnat, car les équipes jouent sans les étrangers. Mais, malheureusement, cette saison, la fédération a décidé de faire l'impasse sur la Coupe, pour des raisons que j'ignore.

Entraîner la sélection nationale ne vous tente pas ?
J'ai fait un bref passage à la tête de la sélection nationale durant l'été 2003, et nous avons réussi à atteindre la finale des championnats arabes avec les réservistes et non l'équipe première ; nous ne nous sommes inclinés qu'en finale, lors du dernier match face à l'Égypte, sur un écart de deux petits points. Nous avons également disputé le tournoi d'Asie où nous avons perdu en demi-finale face à la Corée, toujours avec les réservistes. Nous avons déjoué tous les pronostics, alors que dans les deux compétitions, tout le monde nous voyait aller faire de la figuration.
Mais le travail avec la sélection ne m'a pas trop attiré car la Fédération libanaise n'a pas de plan bien défini sur le long terme, ni de politique axée sur les jeunes et basée sur les prochaines années à venir. Elle travaille malheureusement au jour le jour.

Pourquoi Champville ne parvient pas à battre le Club sportif et a échoué pour la deuxième fois de suite en finale du championnat ? Que manque-t-il à cette équipe ?
Sur le plan sportif, Joe Vogel. Et sur le plan administratif, une impartialité plus prononcée des arbitres et de la fédération.
Sur le plan sportif, Joe Vogel, après sa naturalisation, a obtenu le statut de joueur libanais, et le Club sportif l'utilise en tant que tel, avec à ses côtés deux autres étrangers. Le Riyadi joue donc avec trois étrangers, ce qui constitue pratiquement 60 % de l'équipe sur le terrain (!), alors que toutes les autres formations n'en ont droit qu'à deux. C'est un énorme avantage car Vogel est un joueur extrêmement important dans n'importe quel dispositif. Il joue au centre, et rares sont les bons joueurs libanais à ce poste, il est grand de taille, il tourne à une moyenne de quinze points par match, sans oublier les tirs lointains, qui sont une de ses spécialités, et les rebonds qu'il effectue, pratiquement plus d'une dizaine par match. Pour rétablir l'équilibre, la fédération doit autoriser dans ce cas chaque équipe à naturaliser un joueur. On nous rétorque que Champville possède Khatib qui est assurément le meilleur joueur libanais actuel, mais le cas Khatib est complètement différent : il est libanais de pure souche, on ne nous l'a pas naturalisé pour nous octroyer un avantage sur les autres équipes, et, surtout, Khatib a joué avec La Sagesse, le Club sportif, les Blue Stars avant de signer à Champville. Donc plein de clubs en ont profité, alors que Vogel est une exclusivité pour le Club sportif, ce qui crée un déséquilibre certain. Sans Vogel, le Club sportif n'aurait jamais gagné tous ces titres. Preuve en est, Champville a remporté la Coupe du Liban en 2010, une compétition réservée aux joueurs libanais, qui montre la valeur intrinsèque des joueurs libanais de l'équipe, et de son centre de formation. Et sur ce plan, Champville n'a pas d'égal au Liban.

Et sur le plan « administratif », comme vous disiez ?
On a l'impression qu'il est interdit de gagner face au Club sportif. Ce qui s'est passé lors du deuxième match de la série en finale est inadmissible. Je ne veux pas revenir là-dessus, mais Champville a été volé, l'équipe méritait la victoire, de l'avis de tous les experts, et même les arbitres ayant officié ce jour ont avoué avoir commis des erreurs. Malheureusement, ça ne sert plus à rien maintenant. C'est comme si le Club sportif devait à tout prix gagner le championnat, toutes les saisons. Je ne sais pas pourquoi, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne... Mais, un jour, et j'espère dès la saison prochaine, Champville sera champion du Liban, c'est mon rêve le plus cher.

Pourquoi votre comportement dérange-t-il ?
Peut-être parce que je suis franc, je dis tout haut ce que les autres pensent tout bas, et que j'affiche ouvertement mes choix. L'année dernière, au lendemain de notre victoire en Coupe du Liban, tout le monde est tombé sur moi à bras raccourcis parce que j'ai visité le général Michel Aoun en compagnie de Fady el-Khatib et lui avons offert symboliquement la Coupe. Or personne n'a trouvé à redire quand le président du Club sportif Hicham Jaroudi a dédié son titre en championnat à Saad Hariri... Pourquoi y a-t-il deux poids et deux mesures ?
Pourtant, c'était de notre devoir de rendre visite au général Aoun car c'est lui qui a trouvé des investisseurs lorsque le club était au bord de la faillite financière. Et j'en profite ici pour adresser mes remerciements à MM. Élias Abou Saab, Wadih Absi, Charbel Habib et Joseph Ghossoub, qui ont injecté de l'argent dans le club sans aucune contrepartie. Sans cet argent, on aurait mis la clé sous la porte et on n'aurait pas pu disputer le championnat du Liban cette saison et réaliser ce qu'on est en train de faire.

Une dernière question : on dit que Sarkis gagne parce qu'il a les meilleurs joueurs à chaque fois dans son équipe, son rôle est secondaire et n'importe quel coach à sa place aurait obtenu les mêmes résultats...
C'est complètement faux (grand sourire)... J'ai commencé en 1992 avec La Sagesse alors que l'équipe végétait encore en deuxième division, et nous avons réussi à remporter cette même année la Coupe nationale. Ensuite, nous avons continué avec des joueurs méconnus, et, bien sûr, le club a engagé à leurs cotés des joueurs de renom. Une chose que tout le monde ignore, j'exigeais à chaque fin de cycle du président Choueiry, Dieu ait son âme, de remplacer les joueurs-clés par des jeunes pour préserver l'avenir du club. Et le club a effectivement remercié, suivant mes conseils, Élie Nasr, Ghazi Boustany, Walid Doumiaty, Michel Sfeir, Joe Kehdo, Roger Nasr, et après eux, Élie Fawaz, Boulos Béchara, Abdo Chidiac, etc... alors qu'ils étaient au pic de leur forme et qu'ils ne demandaient pas mieux que de rester au club.
Sans fausse modestie, c'est également moi qui ai découvert les talents de Fady el-Khatib et exigé son transfert à La Sagesse alors que personne ne voyait en lui la future star du basket libanais. Idem pour Bassem Balaa et Roy Samaha. De tout temps, j'aime plus travailler avec les jeunes, les motiver, les former et en faire des vedettes.
Une double anecdote sur ce sujet pour terminer : j'entraînais en 2005 l'équipe d'al-Ittihad en Syrie, et nous étions avant la fin de la saison loin en tête du classement avec un ratio de 21 victoires contre une défaite. J'ai été sommé de quitter le club pour des raisons politiques (j'avais le pin de feu Rafic Hariri épinglé sur le revers de mon veston depuis son assassinat, alors que j'étais en Syrie...). Le club a dès lors dégringolé au classement et n'a pas fini champion alors que nous avions plusieurs longueurs d'avance sur nos poursuivants. Cela démontre deux choses : primo, Ittihad a perdu le titre, donc cela contredit le fait que n'importe quel entraîneur peut obtenir les mêmes résultats avec les mêmes joueurs et, secundo, cela contredit également ceux qui pensent que je suis contre certains politiciens. Je ne suis pas pour un côté déterminé, je suis patriote jusqu'au bout des ongles, j'aime le Liban, et tous ceux qui défendent sa cause.
Ghassan Sarkis est assurément un personnage à part dans le paysage sportif libanais, un être qui dérange parfois, qu'on acclame d'autres fois, mais qui ne laisse jamais indifférent.Réputé pour ne pas garder sa langue dans sa poche, réputé pour être un as de la provocation (personne n'oublie ses gestes triomphateurs à la Luis Fernandez devant le banc adverse), réputé pour son...

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