Dans une autre affaire qui a défrayé la chronique en Turquie, Ayse Pasali (42 ans) a été poignardée à mort par son ancien mari, en janvier à Ankara. Elle était connue du grand public : les journalistes l'avaient décrite il y a quelques années, dans un tribunal, le visage tuméfié par les coups qu'elle avait reçus. En février, Arzu Yildirim (33 ans) a été criblée de balles par son ancien compagnon, à Istanbul. Dans son sac à main, on a retrouvé la copie d'une plainte pour menaces de mort.
Les responsables d'associations assurent que la violence faite aux femmes en Turquie, pays candidat à l'Union européenne, a atteint des proportions alarmantes et mettent en cause la justice et le parti islamiste modéré au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (AKP). En février et mars, 52 femmes on été tuées par des hommes, selon le site Internet BIAnet, consacré aux droits de l'homme. Le chiffre était de 217 pour l'an dernier et dans 27 % des cas, les victimes ont été tuées seulement parce qu'elles avaient demandé le divorce. De 2002 à 2009, le nombre des femmes assassinées a été multiplié par 14, selon le ministère de la Justice. Les femmes sont depuis longtemps victimes de violences et de meurtres en Turquie, notamment les « crimes d'honneur », perpétrés pour laver la réputation d'une famille quand une femme est jugée fautive ou qu'elle a été violée.
Mais certains affirment que l'AKP et les valeurs conservatrices qu'il défend sont en cause. « Le conservatisme de l'AKP, les valeurs islamistes font de la sexualité et du corps féminins des cibles », affirme Pinar Ilkkaracan, militante pour les droits de l'homme. « Le gouvernement n'a pas la volonté de lutter contre la violence faite aux femmes », dit-elle. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui a un jour qualifié de « marginales » les féministes, a été critiqué l'an dernier lorsqu'il a jugé que « les hommes et les femmes ne peuvent être égaux », mais seulement « complémentaires ». L'AKP, qui est au pouvoir depuis 2002, rejette ces accusations, affirmant que les statistiques ont augmenté car les crimes sont mieux répertoriés. « Nous sommes un parti qui fait évoluer son électorat, qui est plutôt conservateur, dans un sens positif face aux abus », se défend la députée Fatma Sahin, qui dirige la branche féminine de l'AKP. « Les femmes commencent à parler et à se battre contre les violences et les abus sont signalés », ajoute-t-elle. Le mois dernier, Fatma Sahin a défendu un projet de loi pour mieux défendre les femmes, mais le texte n'a pas abouti, le Parlement fermant en prévision des élections de juin. Ankara assure par ailleurs participer activement à la préparation d'une convention du Conseil de l'Europe de lutte contre les violences faites aux femmes.
Mais pour l'avocat de Mme Opuz, le problème tient à l'application des lois. « Les autorités ne prennent pas les menaces de mort au sérieux, et la police et les juges ne font pas leur travail », dit Me Bestas. L'ancien mari de Mme Opuz a ainsi été condamné à 15 ans de prison, et il n'en a fait que six, fait-elle valoir.
© AFP
commentaires (0)
Commenter