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Nos Lecteurs ont la Parole

De mythes en mites

Par Nahi LAHOUD
Les mythes sont-ils le produit de l'inconscient collectif des peuples ? Quelle est leur fonction et quel est leur impact sur l'opinion ? Est-il possible donc de recenser et de transmettre tous les mythes inscrits dans la mémoire des Libanais ? Plutôt essayer de dénombrer les étoiles...
L'art et la politique étant les foyers les plus naturels du récit mythique, j'en ai choisi certains des plus connus. Au Liban, nous avons donc de grands chanteurs comme Feyrouz, Wadih el-Safi. Nous avions de grands artistes qui, hélas, nous ont quittés, comme Philémon Wehbé, Nour el-Hoda, Zaki Nassif. Au Liban, nous avons encore de grands compositeurs : Roméo Lahoud, Boghos Gélalian, Walid Gholmieh. Nous avons de grands hommes de théâtre, comme Raymond Gebara, Jalal Khoury, Alain Plisson. Je ne veux pas oublier non plus Betty Tewtel qui vient de signer une pièce géniale. Au Liban, nous avons de grands spécialistes de la télévision, comme Pierre Daher, Jean-Claude Boulos. Au Liban, on peut rencontrer de grands poètes, comme Saïd Akl, Ounsi el-Hajj. De grandes dames de la télé, comme Raymonde Anghélopoulo, May Ménassa. De grands humoristes, comme Sami Khayat, Dudul. De grands chorégraphes, comme Caracalla, Georgette Gébara. De grands stylistes, à l'image de Papou Lahoud, Élie Saab. Nous avons de grands Libanais d'outre-mer, comme Carlos Slim, Carlos Ghosn. Nous avions comme politiciens (que dire, des titans), Raymond Eddé, Camille Chamoun, Saëb Salam, Rachid Karamé. Regardez aujourd'hui leurs héritiers : ils se sont fait mitonner à la sauce acarienne. Nous avions d'éminents dignitaires religieux, comme le mufti Khaled, l'imam Chamseddine et le patriarche Méouchi. Des saints, comme Charbel ou Rafka. Nous avons la montagne de Sannine toujours enneigée, mais bientôt dissoute dans de l'epsomite, la grotte pittoresque de Jeïta et ses stalagmites, la vallée sanctifiée de la Qadisha avec ses ermites, les forêts de Akkar, ravagées par la calamite, l'alphabet de Byblos dévoré par les termites, les six colonnes de Baalbeck rongées par la dolomite, la banlieue sud et ses barbus antisémites, l'accueil des Libanais chaleureux et sans limites, la cuisine libanaise avec ses mezzos-mezzés gastrono...mites. Le tout bien mijoté dans une grande marmite.
Nous avons plein de choses, mais ce que nous n'avons jamais eu ; c'est la hourrié, la siyédé et l'istiklal, pour être vraiment dans le ton du « Koullouna Lil Watan ». Ce que nous n'avons plus, ce sont les bonnes mœurs, la discipline, l'éthique, le savoir-vivre. Mais savoir tuer et mourir, ça on l'a dans le... sang. En somme, nous avions des mythes, à présent nous sommes envahis par des mites parsemées ça et là dans nos traditions, notre culture, notre existence. Des mites qui nous rongent (jusqu'aux os), le peu de génie qui nous reste, au point où un jour nous allons obligeamment jouer les mite-thomanes pour nous convaincre que le Liban d'antan continue d'exister et que nous ne vivons pas en pleine mite...thologie préhistorique. Ah ! J'oubliais, nous avons aussi notre sulfureuse Haïfa. Elle, c'est pas du chiqué, c'est de la dyna...mite ! Et ceux qui ont l'occasion de la croiser sont aussitôt atteints de dermite(urticatoire).
Mais au fond, pourquoi accabler les politicards de service, les intrus de la culture et les nouveaux riches du chaud-bizz ? Là je suis bien sceptique, sinon perplexe, car je ne peux opérer de synthèse entre mythes et mites (seule la phonétique les rapproche). Alors, pourquoi comparer ces individus à des mites ? Au contraire, remis en question à intervalles réguliers, ils font déjà partie du patrimoine de la dérision et, dans quelques décennies, ils seront consacrés comme mythes dévalués au Panthéon de la médiocrité. Georges Sorel disait que « l'histoire de la démocratie nous offre une combinaison bien remarquable d'utopies et de mythes ». Moi j'ajouterais (modestement) une combinaison de tapis et de mites.
Les mythes sont-ils le produit de l'inconscient collectif des peuples ? Quelle est leur fonction et quel est leur impact sur l'opinion ? Est-il possible donc de recenser et de transmettre tous les mythes inscrits dans la mémoire des Libanais ? Plutôt essayer de dénombrer les étoiles...L'art et la politique étant les foyers les plus naturels du récit mythique, j'en ai choisi...

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