Et c'est justement sur deux de ces aspects que nous voulons porter notre attention, soit donc cette brusque revendication (confessionnelle ?) d'abolition du système confessionnel libanais et également le dosage politique dévolu à ce petit peuple grouillant d'idées, de paroles bonnes ou mauvaises, bien facile à manipuler et, malheureusement, chair à canon pour beaucoup au cours des trente-cinq dernières années.
Pourquoi dire cela ?
Parce que des politiques locaux ont cru saisir l'opportunité des changements intérieurs opérés avec la chute des régimes Moubarak/Ben Ali pour tenter de transposer cette chute sur une revendication d'abolition du système confessionnel au Liban, sans plus de précision, alors que ce dernier est un système politique, social et culturel éprouvé, résultat de plus de cinq cents ans de tissage social et humain n'ayant rien à voir avec les personnes exerçant la politique dans ce pays. Contrairement donc à ce qui s'est passé en Égypte, en Tunisie et peut-être ailleurs demain, le système confessionnel au Liban ne tombe pas comme tombent ailleurs les systèmes politiques liés à des personnes placées à des postes publics.
Pourquoi encore ?
Parce que le système confessionnel au Liban est la résultante concrète, forgée instinctivement et naturellement au cours du temps entre les membres de communautés humaines et religieuses disparates qui, en s'accordant sur le fait de vivre, de produire et d'exister sur ce sol, ont reconnu à chacun et à tous, en dépit des vicissitudes naturelles de l'histoire, une exacte proportion de responsabilité dans la gestion des choses et pour éviter que l'unicité ne soit la prépondérance, l'abus et la dictature d'une personne et d'une communauté.
Quel mal y a-t-il sur le plan de la civilisation et de la culture politique à s'accorder naturellement, d'une manière de facto et avant l'établissement des institutions publiques que nous avons, sur la tolérance et la compréhension des traditions, des cultures et des us et coutumes de chacun ?
Aucun à notre avis si ce n'est le comportement politique en mal d'opter, dans le cadre du respect des contraintes confessionnelles - qui ne sont somme toute que des contraintes humaines et morales - à faire accéder au service de l'État et des citoyens des personnes jouissant d'une surface morale, éthique et professionnelle adéquate.
Car ce n'est pas le confessionnalisme qui est le mal à abattre mais bien la corruption morale et matérielle qu'un choix maladroit ou peu avisé des serviteurs de l'État peut générer et qui en s'installant dans ses rouages finit par faire désespérer les malheureux Libanais dévoués, productifs et loyaux sur tous les plans. Le redressement passe par cette détermination à reconnaître que la bonne ou mauvaise qualité des personnes choisies pour exercer les fonctions régaliennes et administratives relèvent ou rabaissent le service de l'État, et donc exaspèrent une société qui, sensible et ouverte à tous les aléas, exige changement et réforme.
(à suivre)
Hyam MALLAT
Avocat et professeur. Ancien président du conseil
d'administration de la Caisse nationale de la Sécurité sociale et des Archives nationales
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