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Moyen Orient et Monde - Le point

Humanitaire à risques

Il y a la Powell Doctrine qui impose d'épuiser tous les moyens politiques, économiques et diplomatiques avant, en tout dernier ressort, de recourir à la guerre. Elle porte le nom de l'ancien chef d'état-major interarmes durant la première guerre du Golfe de 1990-91 mais conserve l'empreinte du « boss » de celui-ci, Caspar Weinberger, alors secrétaire à la Défense. Une fois engagée la bataille contre l'ennemi, soutient le brillant général (et piètre diplomate), tous les moyens doivent être mobilisés pour en assurer le succès. Et puis il y a la Pottery Barn Rule, tellement explicite dans sa briéveté : « You break it, you buy it. » Il faut espérer qu'à l'Élysée et à la Maison- Blanche, il se soit trouvé quelques-uns pour rappeler à Nicolas Sarkozy et à Barack Obama ces deux règles d'or. À condition de leur adjoindre cette pensée de Benjamin Franklin : « Il n'y a jamais eu de mauvaises actions sur la conscience et quelques bonnes intentions dans le cœur. »
On peut croire le président américain lorsqu'il justifie sa décision de lancer son pays dans une « guerre humanitaire » en Libye par son refus de voir les civils de Benghazi « devenir les victimes d'un massacre qui se serait répercuté sur l'ensemble de la région et aurait marqué la conscience du monde ». C'est aussi le souci de la France de mettre un terme à la guerre civile qui explique son intervention en Côte d'Ivoire, aux côtés de l'Onuci, assortie de la promesse de ne pas « s'incruster », ainsi que l'a souligné Alain Juppé. Dès lors, qu'est-ce donc qui justifie à Washington la peur irraisonnée d'une impasse à Tripoli, les accusations à Abidjan mais aussi à Paris d'immixtion dans une curieuse guerre de succession? Deux présidentielles à venir sans doute, le souvenir de l'Irak et de l'Afghanistan, le jeu et l'enjeu politique avec tous les bénéfices qui peuvent en être retirés sans doute aussi. Et puis, s'agissant de Washington, la crainte d'un enlisement dans la Cyrénaïque et la Tripolitaine, pour Paris d'une perte de prestige dans tout le continent noir et d'une remise en cause de cette Françafrique qui ne veut plus dire son nom mais fut chère au cœur de Félix Houphouët-Boigny et surtout du gaulliste Jacques Foccart. Enfin, pour les deux capitales, le traumatisme représenté par le refus d'intervenir jadis au Rwanda.
Le Pentagone s'est dépêché, après trois p'tits tours dans les airs de ses redoutables chasseurs-bombardiers pour neutraliser les mercenaires de Mouammar Kadhafi, de laisser les alliés atlantiques se débrouiller tout seuls. Les militaires de Gérard Longuet, eux, se seraient contentés, selon leurs dires, de soutenir les 12 000 Casques bleus chargés d'arbitrer, muscles à l'appui, la querelle Laurent Gbagbo-Alassane Ouattara alors qu'ils sont accusés d'avoir capturé et conduit manu militari le président-bis à l'hôtel du Golf.
On en est aujourd'hui à se poser la question de savoir à quel moment l'ingérence cesse d'être « un devoir » pour devenir un chef d'accusation - Alain Toussaint, porte-parole du chef de l'État déchu, est allé jusqu'à utiliser le terme de coup d'État. Des journaux parisiens ont même soupçonné le gouvernement Fillon d'avoir dépassé les limites fixées à son mandat, ce qui, insiste le quotidien Libération, ne peut qu'affaiblir l'image de Ouattara aux yeux de son peuple. Gageons que certains ne manqueront pas, demain, de voir dans la promesse d'une aide de 400 millions d'euros une tentative de corruption...
Dans un article paru il y a cinq jours dans les colonnes du Washington Post, Gary J. Bass, professeur de sciences politiques à la Woodrow Wilson School de l'université de Princeton, note que si « toutes les guerres sont autant de jeux terrifiants, celles qui sont justifiées par la morale ou par des soucis humanitaires comportent nombre de risques et de problèmes douloureux ». Il cite à l'appui de cette assertion le défi que représente le fait de vouloir prévenir des catastrophes humaines massives en recourant à des moyens limités. Bob Woodward rappelle à cet égard les propos de Colin Powell, devenu secrétaire d'État, à l'adresse de George W. Bush, durant la seconde guerre du Golfe : « Vous allez être le fier propriétaire de 25 millions d'êtres, de leurs espoirs et de leurs aspirations. Vous aurez tout. » Il aurait pu ajouter : « Vous serez aussi l'objet de leur ressentiment si vous venez à échouer. »
En début de semaine, on apprenait que le coût des opérations militaires US de soutien aux rebelles de l'Est était tombé de 55 millions de dollars par jour à 8,3 millions. Il y a là matière (sonnante et trébuchante) à rassurer le contribuable. Et à inquiéter les malheureux Libyens qui se battent, sans grande protection aérienne, contre des mercenaires surarmés, grassement payés mais, il est vrai, peu motivés.
Il y a la Powell Doctrine qui impose d'épuiser tous les moyens politiques, économiques et diplomatiques avant, en tout dernier ressort, de recourir à la guerre. Elle porte le nom de l'ancien chef d'état-major interarmes durant la première guerre du Golfe de 1990-91 mais conserve l'empreinte du « boss » de celui-ci, Caspar Weinberger, alors secrétaire à la Défense. Une fois...

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