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Liban - La situation

Quatre obstacles et une divergence sur le fond entravent la formation du gouvernement

Dans le long (et un peu lassant il faut le reconnaître) feuilleton de la formation du gouvernement, l'épisode de cette semaine pourrait être déterminant. Ce sont surtout les proches du Premier ministre désigné Nagib Mikati qui donnent ce son de cloche et qui affirment que l'annonce du gouvernement serait imminente. Ces mêmes milieux utilisent une formule presque poétique pour qualifier le gouvernement en gestation : il s'agirait d'un « gouvernement équitable envers la nouvelle majorité, mais qui ne plaira pas forcément à toutes ses composantes ». Qu'en termes délicats ces choses-là sont dites... Ces milieux veulent ainsi indiquer que Mikati aurait pris la décision de former un gouvernement sans plus attendre que les derniers obstacles soient levés. Il présenterait ainsi sa mouture au président de la République au cours des prochaines 48 heures qui serait révélée aux Libanais selon les règles constitutionnelles et ensuite advienne que pourra. Mikati dirait alors à ses détracteurs : « J'ai fait de mon mieux. J'ai assumé les responsabilités. La balle est désormais dans le camp du Parlement. » Priés de commenter cette hypothèse, les milieux de la nouvelle majorité estiment qu'un tel scénario est peu probable, assurant que les contacts avec le Premier ministre désigné ne sont pas rompus. Selon eux, le fait de lancer un tel scénario dans les médias s'inscrirait essentiellement dans le jeu des pressions et des contre-pressions avant la conclusion d'un compromis.
Les milieux de la majorité évoquent plusieurs questions encore en suspens : il y aurait ainsi la représentation sunnite au sein du gouvernement, la nouvelle majorité souhaitant que ses alliés sunnites aient au moins un ministre, estimant qu'ils ont le droit d'être présents au gouvernement, d'autant qu'ils ont été au cours des six dernières années les oubliés de tous les compromis, alors qu'ils ont fait preuve d'une grande loyauté en dépit de leurs circonstances souvent difficiles. Mikati serait d'accord avec ce point de vue, mais il ne souhaiterait pas que les personnalités sunnites dans son gouvernement suscitent les susceptibilités de la rue sunnite, qui reste un de ses principaux objectifs. Autre problème, la volonté du général Michel Aoun d'être directement contacté par le Premier ministre. Jusqu'à présent, à part les deux rencontres après la désignation de Mikati, les contacts entre les deux hommes se sont effectués via des émissaires et en particulier via le ministre de l'Énergie et des Ressources hydrauliques Gebran Bassil. Mikati avait même réclamé que Aoun lui transmette les noms de ses candidats, promettant de trouver à chacun d'eux la place qui lui conviendrait. Mais le chef du Bloc du changement et de la réforme aurait refusé cette procédure affirmant que ses candidats sont choisis en fonction des portefeuilles qui leur seront confiés, car chaque maroquin exige des compétences spécifiques. De son côté, le Premier ministre désigné craint de rééditer le scénario qui avait eu lieu avec son prédécesseur, lorsqu'à l'issue de la visite à Rabieh du Premier ministre désigné de l'époque Saad Hariri, le général Michel Aoun avait annoncé les noms de ses ministres ainsi que les portefeuilles qui leur avaient été confiés, court-circuitant pratiquement l'annonce officielle de la formation du gouvernement à partir de Baabda, selon les règles constitutionnelles. Pris pour cible permanente par le Courant du futur qui ne rate pas une occasion de le critiquer, Mikati sait que si un tel scénario se reproduit, il sera aussitôt accusé par ses détracteurs sunnites de brader les droits de la communauté et une campagne féroce sera menée contre lui autour de ce thème. Ce problème peut toutefois être réglé à travers les contacts entre les deux parties et le général Aoun pourrait se rendre à Verdun chez Mikati si cela peut faciliter la naissance du gouvernement. Mais il faudrait encore aussi résoudre le problème posé par le ministère de l'Intérieur. Sollicité comme solution de compromis, le chef des Marada Sleimane Frangié aurait refusé de se charger de ce portefeuille qui continue de constituer une pomme de discorde entre le président Michel Sleiman et le général Michel Aoun. La déclaration dimanche du patriarche Mar Béchara Boutros Raï « adoubant » pratiquement le ministre actuel Ziyad Baroud et prônant son maintien à sa place dans le nouveau gouvernement n'a pas été très bien accueillie par le courant aouniste. Hier, le député Ziad Assouad et l'ancien ministre Mario Aoun ont estimé que la position du patriarche est affective et émotionnelle. « Nous considérons aussi que le ministre Baroud est un nationaliste, mais il a échoué au ministère de l'Intérieur. » Abstraction faite des critiques à peine voilées de ces deux personnalités du CPL adressées au patriarche, ces divergences montrent que le problème du ministère de l'Intérieur demeure aussi entier et s'ajoute aux autres « nœuds » qui bloquent encore la formation du gouvernement. Toutefois, selon une source de la majorité, le vrai problème n'est pas dans ces petites questions. Il porte sur la conception même du gouvernement : Mikati souhaitant depuis le début former une équipe qui lui ressemble, c'est-à-dire formée de technocrates, relativement centristes, et la majorité préférant une équipe plus politique, d'autant que la période actuelle est délicate et les défis nombreux.
Presque deux mois après la désignation de Nagib Mikati pour former le gouvernement, les points de vue restent donc divergents entre la majorité et son candidat, et les informations contradictoires sur la naissance prochaine ou non du gouvernement ressemblent à une douche écossaise. Les tractations pour la formation de ce gouvernement donnent parfois l'impression que le Liban vit dans un îlot, loin des grands bouleversements qui secouent les pays arabes. Inconscience ou sagesse, attente d'un feu vert occidental et arabe, ou encore d'un coup de pouce syrien ? Les théories sont multiples, mais le résultat reste le même : le dossier gouvernemental continue d'être entouré de flou. Du côté des Syriens, les signaux indiquent une volonté d'accélérer le processus de formation du gouvernement, volonté répétée aujourd'hui dans le quotidien al-Watan, mais qui ne s'est visiblement pas encore concrétisée... En attendant, le spectre de troubles sécuritaires plane sur le Liban, qui reste plongé dans une grande paralysie politique.
Dans le long (et un peu lassant il faut le reconnaître) feuilleton de la formation du gouvernement, l'épisode de cette semaine pourrait être déterminant. Ce sont surtout les proches du Premier ministre désigné Nagib Mikati qui donnent ce son de cloche et qui affirment que l'annonce du gouvernement serait imminente. Ces mêmes milieux utilisent une formule presque poétique pour...

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