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Culture - Sculptures

Les terres debout de Simone Fattal

C'est sa première exposition au Liban depuis 2000. Onze ans plus tard, Simone Fattal revient avec une trentaine de sculptures de taille moyenne réalisées en 2008 et inspirées, une fois de plus, de la Mésopotamie.

« La reine de Tyr ».

«Les gens disent que mon travail est différent mais, pour moi, rien n'a changé», dit l'artiste avec un sourire lumineux. «La Mésopotamie est en moi. Babylone, Ishtar, Gilgamesh, ces personnages sont toujours vivants et je les lis, les poursuis. Le passé est un présent continu.» La protagoniste de cet ensemble est La reine de Tyr, la Phénicienne, qui «porte sa majesté devant elle, mettant ainsi une distance avec celles et ceux qui l'approchent». Non loin d'elle, une Tête de taureau et un glorieux troupeau de Centaure(s). En regardant de plus près, on s'aperçoit que la magnifique souveraine est entourée de deux gardes du corps, un homme et une femme: «C'est une pensée pour les guerrières des temps anciens, plus nombreuses qu'aujourd'hui.»
L'Antiquité, le berceau de l'humanité, une fois de plus. «Il faut récupérer cette histoire», poursuit la sculptrice. «C'est nous, hommes et femmes libres, issus de villes libres nées sur le territoire phénicien, qui sommes partis nous promener en emportant nos mythes, nos connaissances et notre artisanat vers la Grèce et ailleurs, sans jamais bâtir d'empire.» Cet univers artistique est intrinsèquement lié aux guerres d'aujourd'hui, auxquelles l'artiste se réfère et rend hommage dans Gaza, «petit charnier» en forme de récipient ouvert au fond duquel gisent des membres humains. Ou dans Soldat irakien, retour de guerre: «Il est accueilli par sa femme et son chien.» Pas un de ces humains bruts qui ne soit remarquablement debout. «C'est le thème récurrent de mon travail. Je connais peu de sculpteurs qui fassent tenir leurs personnages sans socle.» Ce que Simone Fattal appelle «l'essence archaïque de l'humain» et qu'elle montre à travers huit paires de jambes sur lesquelles le torse et le visage se sont effacés, ne laissant que des têtes en forme de courbes, des organes génitaux parfois.

Osmose
L'essence, elle s'en rapproche avec l'utilisation d'une terre tout à fait particulière, l'ADN de ce corpus en quelque sorte. «La seule chose qui a changé pour moi, c'est que j'ai eu l'occasion de travailler avec Hans Spinner, céramiste de la galerie parisienne Lelong. Celui-ci a vu et aimé ma série Ulysse, réalisée en 2003. En 2006 et 2008, j'ai pu, dans son atelier du sud de la France, faire des pièces plus grandes, dont neuf seront présentées prochainement à la Biennale de Charjah, et les cuire au feu de bois. D'autre part, je créais dans une terre fabriquée par lui, malléable, vivante et mise à ma disposition.» Une matière première et une technique de cuisson «très lente, le feu donnant lui-même la couleur et ses nuances». Ce «côté très brut», qui «simplifie les choses» et va dans «l'esprit» de ce qu'elle produit. «Il y a eu osmose.»
Cette continuité de fond et de forme trouve sa source vers la fin des années 80, quand Simone Fattal, installée depuis peu en Californie, «retourne à l'école» en suivant des cours de sculpture et céramique au Art Institute de San Francisco. «Je voulais avant tout utiliser le studio. Et la première pièce que j'ai produite était en albâtre. J'ai vu tout de suite ce que je pouvais en faire: un buste, trouvé dans le Beyrouth de la fin du XXe siècle. Cette sculpture a imprimé tout ce qui a suivi.»
Aujourd'hui, elle se souvient de la phrase de l'un de ses professeurs: «La terre est vivante, il faut lui conserver cette identité et la respecter comme telle.» Et de ce grès «chamotté», «le plus grossier», ponctué d'«imperfections», de «fissures», s'extrait la volonté de la sculptrice de «tenir la terre debout» et de révéler son aspect «tactile, vivant, fragile et fort».

* À l'Espace Kettaneh-Kunigk jusqu'au 7 avril. Centre Gefinor, bloc E, rez-de-chaussée, Clemenceau, Hamra. Tél. : 01/738706.
«Les gens disent que mon travail est différent mais, pour moi, rien n'a changé», dit l'artiste avec un sourire lumineux. «La Mésopotamie est en moi. Babylone, Ishtar, Gilgamesh, ces personnages sont toujours vivants et je les lis, les poursuis. Le passé est un présent continu.» La protagoniste de cet ensemble est La reine de Tyr, la Phénicienne, qui «porte sa majesté devant elle,...
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