Tripoli exporte en temps normal 1,49 million de barils par jour (mbj), en immense majorité (85 %) vers l'Europe, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Or les derniers événements auraient réduit d'au moins 500 000 barils par jour les exportations libyennes, d'après l'AIE, ou les auraient même complètement arrêtées, selon certains analystes. « Les pétroliers actuellement en train de charger seront peut-être en mesure de quitter les ports » mais, pour la suite, « le flux d'exportations devrait cesser ou être sévèrement réduit » en raison des problèmes de sécurité et d'assurance, estiment les analystes de Barclays dans une note. « À court terme, le marché peut faire face à cette crise », estime cependant David Fyfe, responsable de la division industrie et marché pétroliers de l'AIE.
Le pétrole libyen, qui représente moins de 2 % des approvisionnements mondiaux, peut être remplacé par une hausse de la production en mer du Nord ou en Afrique de l'Ouest, qui produisent une qualité de brut similaire. Et l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a les moyens d'augmenter sa production de plus de 5 mbj si elle le décide. Cependant, si l'équilibre offre-demande est assuré, cela se fera au prix d'une forte hausse des cours de l'or noir. BNP Paribas estime ainsi que ceux-ci devraient s'établir à 112 dollars le baril en moyenne cette année pour le Brent.
Un niveau qui inquiète l'AIE, l'organisation jugeant que les dépenses pétrolières seraient alors « équivalentes à 5 % du produit intérieur brut (PIB) » mondial. Or, « quand nous avons atteint ou dépassé ce niveau dans le passé, cela a coïncidé avec un ralentissement de l'activité économique », prévient M. Fyfe. L'envolée des prix du pétrole constitue une « menace grave » pour la croissance économique dans le monde, a ainsi mis en garde jeudi le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, La hausse des prix du pétrole depuis le début de l'année pourrait entamer la croissance économique des États-Unis de 0,3 point en 2011, calcule de son côté Nigel Gault, économiste chez IHS Global Insight.
Et l'impact pourrait être bien pire en cas de propagation des contestations à de gros producteurs tels que l'Algérie ou l'Arabie saoudite. « Même la lointaine éventualité d'une rupture d'approvisionnement chez l'un des plus gros producteurs du monde aura de sérieuses conséquences », estime Tamas Varga, analyste chez le courtier PVM, en rappelant qu'aucun « expert du Moyen-Orient n'avait prévu les événements actuels ». « Si ces craintes se matérialisaient, les records atteints en 2008 (147 dollars le baril, NDLR) auront l'air de prix bon marché », estime-t-il. Et une augmentation des prix « au-dessus de ces sommets historiques fera tôt ou tard plonger le monde dans une récession », prédit l'analyste.
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