Lors de sa première à l'opéra de Houston, il y a 24 ans, le public avait trouvé Nixon en Chine provocant, audacieux et dérangeant. Aujourd'hui, il l'aborde comme un classique et l'applaudit. Il le voit comme une allégorie de l'aliénation, de la difficulté de communiquer puis d'enclencher un dialogue. L'action tourne autour de six personnes réelles : Richard Nixon (interprété par le baryton James Maddalena), son épouse Pat (Janis Kelly, soprano), Mao Zedong (Robert Brubaker, ténor), son épouse Jiang Qing (Kathleen Kim, soprano), et les conseillers des deus parties Henry Kissinger (Paul Fink, baryton), et Zhou Enlai (Russel Braun, baryton).
L'effet grand spectacle
Le rideau s'ouvre sur l'image de l'avion présidentiel, Air Force One se posant sur le tarmac de l'aéroport de Pékin. Un pont vient de s'établir entre deux mondes isolés chacun dans sa culture, sa langue et son système politique. Le nœud du drame est bien là. Ici, cette notion est atténuée par la vision des créateurs (le compositeur et le metteur en scène) qui mélangent savamment respect, ironie et scepticisme pour peindre un rituel diplomatique fait d'un entremêlement de cultures radicalement opposées. Il n'y a ni complots dramatiques ni dénouement tragique. Mais parce qu'il a fait date dans l'histoire et la mémoire des Américains, le périple de Nixon reste porteur de l'élément grand opéra contemporain. Vue sa proximité de réflexion, on a évité la distanciation tout en enrichissant l'effet grand spectacle : musique variée (du minimalisme au fox trot et aux crescendos propagandistes), livret aux accents poétiques laissant aussi pointer l'humour tout au long des trois actes, enrichis par une dynamique chorégraphique signée Mark Morris. Ce dernier a notamment revisité une œuvre créée par Mme Mao pour l'opéra de Pékin et intitulée Le détachement des femmes de l'Armée rouge, que l'on voit, fusil au poing, sauver héroïquement des paysans d'une île de la coupe du tyran. Le rideau tombera sur un image optimiste : les deux illustres leaders du monde se remettent en question.
Président des États-Unis jusqu'en 1974 et décédé en 1994, Richard Nixon n'avait jamais répondu à l'invitation de voir cet opéra. Néanmoins, on a vu, cette fois, sa fille Patricia, son époux Edward Cox et leur fils à la première du Met.
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