La bataille pour la suprématie des places boursières s’intensifie

La bataille pour la suprématie des échanges financiers s'est intensifiée avec deux annonces coup sur coup de rapprochement entre quatre grandes places boursières mondiales : fusion pour Londres et Toronto, négociations avancées pour NYSE Euronext et Francfort.
En l'espace de quelques heures, le paysage des Bourses mondiales a subi deux énormes changements. D'un côté, le groupe britannique London Stock Exchange et son nouveau partenaire canadien TMX (la Bourse de Toronto), ont conclu un accord de fusion pour régner ensemble sur l'extraction de ressources naturelles et la production d'énergie. De l'autre, le groupe transatlantique NYSE Euronext, qui chapeaute les places de Paris, Amsterdam, Bruxelles et New York notamment, et Deutsche Börse, qui pilote la place de Francfort, ont indiqué être en « négociations avancées ».
Leur rapprochement donnerait naissance à la première Bourse de la planète, particulièrement puissante sur les marchés de produits financiers dérivés.
Signe de l'effervescence qui a touché tout le secteur après ces annonces, les titres des places boursières se sont envolé mercredi à Wall Street. Non seulement les actions de NYSE Euronext ont bondi de 16,82 %, mais le Nasdaq OMX a pris 6,73 %, l'Intercontinental Exchange 4,25 %.
« Les fusions entre plateformes d'échanges sont logiques du point de vue du chiffre d'affaires et des synergies dans les coûts, mais aussi du point de vue du positionnement stratégique », observe Michael Wong, analyste chez Morningstar, soulignant le « prestige » qu'aurait une entité combinée entre NYSE Euronext et Deutsche Börse.
Pour les deux opérateurs, un rapprochement serait synonyme « d'élargissement de la plateforme d'échanges des contrats à terme, de diversification des deux sociétés, et d'un besoin moindre pour NYSE Euronext de construire des chambres de compensation en Europe » car Deutsche Börse en possède, souligne Chris Allen, d'Evercore Partners dans une note.
Le mouvement de consolidation est aussi dicté par la rivalité croissante entre les opérateurs historiques pour séduire les entreprises candidates à la cotation, et par l'apparition de nouveaux acteurs.
« La réalité, c'est que le NYSE perd tous les jours des parts de marché », observe Gregori Volokhine, de Meeschaert Capital Markets.
Aux États-Unis, la plateforme BATS, créée en 2005, revendique 10 % de part de marché sur les échanges d'actions.
Dans l'Union européenne, le phénomène a été encouragé par une directive sur l'ouverture à la concurrence du marché des opérations boursières, et la Bourse alternative Chi-X Europe est devenue en 2010 la deuxième du continent, après Londres.
« Des compétiteurs plus vifs comme BATS et Chi-X sont en train de gagner des parts de marché, renchérit Simon Denham, de Capital Spreads. Chi-X en particulier a des aspirations mondiales. »
Mais la création de mastodontes boursiers pourrait se heurter à des obstacles.
« Le risque le plus flagrant est de savoir si les autorités européennes autoriseraient un accord combinant les deux principales plateformes européennes pour les contrats à terme », Liffe de NYSE Euronext et Eurex de Deutsche Börse, prévient Chris Allen. « Cela pourrait être vu comme la création de facto d'un monopole. »
Certains analystes se montrent déjà alarmistes, comme Jon Ogg, du site 247wallst.com, qui craint l'apparition de « quelques participants trop peu nombreux et trop puissants ».
« Comment ces marchés vont-ils être réglementés et par qui ? Est-ce que cela va augmenter la sûreté et la transparence ? Cela ne simplifie pas la tâche ni au niveau réglementaire ni au niveau technologique », note de son côté Gregori Volokhine.