pourtant. Ma voisine d'en face est arménienne. Elle parle anglais. Je suis une frenchie coucou qui ne sait pas lire l'arabe. Elle a grandi à Alep, cuisine comme une reine et sa famille vit à Boston. J'ai longtemps vécu à Paris, je suis au régime et mes amis vivent à Londres. Elle adore les talk-shows et zappe sans cesse entre Marcel Ghanem et The Doctors. Je suis une fan absolue du Grand Journal et je ne sais même pas que plus de la moitié de la population est accro à un feuilleton turc. Elle a tous les disques de Nancy Ajram, de Waël Kfoury et de Ragheb Alamé. J'écoute à tue-tête Anna Calvi, Jarvis Cocker et Beth Ditto. Elle aime Aznavour, Jean Ferrat et Édith Piaf. Je suis plutôt Gainsbourg, Berger et Bashung. Son fils va à l'IC. Le mien au Lycée. Elle se teint les cheveux en roux. Je suis une fausse blonde. Elle aime les plages du Nord, je préfère celles du Sud. Elle s'éclate, en haut, au SkyBar. Je me plais, derrière, the Green Door. Pourtant, nous sommes toutes les deux libanaises, toutes les deux sur Facebook et toutes les deux sur Blackberry. Un monde nous sépare. Mais pas qu'un. Plusieurs mondes. Et ça ne concerne pas que ma voisine et moi. Même entre English educated, entre ex-expats français, entre gens d'un même bureau, entre frères et sœurs, les strates sont visibles. Suffit d'avoir étudié dans une école/université différente, fait un stage à Dubaï ou à Genève, traîné dans les rues de Hamra ou celles de Rabieh. Suffit d'avoir grandi à Paris dans le 5e plutôt que dans le 16e, préféré l'ATCL au Rimal, passé ses étés à Ajaltoun plutôt qu'à Aley... pour qu'il y ait clivage. Entre deux personnes qui se connaissent depuis tout petits, entre camarades de classe, entre deux cousins et même entre un frère et une sœur. Personne ne se ressemble vraiment. On n'a pas eu la même éducation. On n'a pas la même culture. La même vision. Et quand l'un d'entre nous sort du milieu ou du quartier dans lequel il gravite, il se sent étranger. Il trouve ça exotique. Aussi exotiques un type qui joue à la tawlé en mangeant du termos sur la Corniche qu'une bonne femme qui danse, les seins engoncés dans un top en strass, sur un bar en zinc. Qui est le marginal? L'autre? Moi? Lequel d'entre nous est-il le vrai Libanais? Mais, au fond, existe-t-il un Libanais type? Suis-je moins libanaise qu'un berger de la montagne? Le suis-je plus? Personne ne peut le dire puisque personne ne sait vraiment ce qui définirait le mieux un Libanais. Nous sommes tous des Libanais, chacun à sa façon. C'est ce qui rend notre pays aussi chaotique que séduisant, aussi fragile que solide. Chez les Papous, il y a les Papous à poux et les Papous pas à poux. Chez les Papous à poux, il y a les Papous à poux papas et les Papous à poux pas papas...
CD, DVD - Un peu plus de...
Toi + moi
OLJ / Par Médéa Azouri HABIB, le 05 février 2011 à 23h01
pourtant. Ma voisine d'en face est arménienne. Elle parle anglais. Je suis une frenchie coucou qui ne sait pas lire l'arabe. Elle a grandi à Alep, cuisine comme une reine et sa famille vit à Boston. J'ai longtemps vécu à Paris, je suis au régime et mes amis vivent à Londres. Elle adore les talk-shows et zappe sans cesse entre Marcel Ghanem et The Doctors. Je suis une fan absolue du Grand Journal et je ne sais même pas que plus de la moitié de la population est accro à un feuilleton turc. Elle a tous les disques de Nancy Ajram, de Waël Kfoury et de Ragheb Alamé. J'écoute à tue-tête Anna Calvi, Jarvis Cocker et Beth Ditto. Elle aime Aznavour, Jean Ferrat et Édith Piaf. Je suis plutôt Gainsbourg, Berger et Bashung. Son fils va à l'IC. Le mien au Lycée. Elle se teint les cheveux en roux. Je suis une fausse blonde. Elle aime les plages du Nord, je préfère celles du Sud. Elle s'éclate, en haut, au SkyBar. Je me plais, derrière, the Green Door. Pourtant, nous sommes toutes les deux libanaises, toutes les deux sur Facebook et toutes les deux sur Blackberry. Un monde nous sépare. Mais pas qu'un. Plusieurs mondes. Et ça ne concerne pas que ma voisine et moi. Même entre English educated, entre ex-expats français, entre gens d'un même bureau, entre frères et sœurs, les strates sont visibles. Suffit d'avoir étudié dans une école/université différente, fait un stage à Dubaï ou à Genève, traîné dans les rues de Hamra ou celles de Rabieh. Suffit d'avoir grandi à Paris dans le 5e plutôt que dans le 16e, préféré l'ATCL au Rimal, passé ses étés à Ajaltoun plutôt qu'à Aley... pour qu'il y ait clivage. Entre deux personnes qui se connaissent depuis tout petits, entre camarades de classe, entre deux cousins et même entre un frère et une sœur. Personne ne se ressemble vraiment. On n'a pas eu la même éducation. On n'a pas la même culture. La même vision. Et quand l'un d'entre nous sort du milieu ou du quartier dans lequel il gravite, il se sent étranger. Il trouve ça exotique. Aussi exotiques un type qui joue à la tawlé en mangeant du termos sur la Corniche qu'une bonne femme qui danse, les seins engoncés dans un top en strass, sur un bar en zinc. Qui est le marginal? L'autre? Moi? Lequel d'entre nous est-il le vrai Libanais? Mais, au fond, existe-t-il un Libanais type? Suis-je moins libanaise qu'un berger de la montagne? Le suis-je plus? Personne ne peut le dire puisque personne ne sait vraiment ce qui définirait le mieux un Libanais. Nous sommes tous des Libanais, chacun à sa façon. C'est ce qui rend notre pays aussi chaotique que séduisant, aussi fragile que solide. Chez les Papous, il y a les Papous à poux et les Papous pas à poux. Chez les Papous à poux, il y a les Papous à poux papas et les Papous à poux pas papas...
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