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Culture - Cimaises

Le corps comme sculpture : Mona Hatoum chez Rodin

Le Musée Rodin à Paris propose cet hiver une relecture inédite de l'œuvre de Rodin à la lumière de l'art contemporain. Parmi les vidéos sélectionnées pour l'occasion, celles de l'artiste Mona Hatoum sont exposées jusqu'au 26 décembre. Une belle occasion de revenir sur le travail de cette artiste incontournable.

« Road Works », par Mona Hatoum, au Musée Rodin.

Née à Beyrouth dans les années 50 et d'origine palestinienne, artiste mainte fois primée, Mona Hatoum explore, à travers divers médias (vidéos, sculptures, installations...), les thèmes de la souffrance, de la guerre et de l'exil.
L'on se souvient de son exposition en juin dernier au Beirut Art Center intitulée «Witness». Mona Hatoum y traitait de l'instabilité géographique et de la précarité de l'existence avec toujours cette violence affichée, inhérente à son travail (la sculpture miniature de la place des Martyrs criblée de balles fut sans doute la plus marquante de
l'exposition).
C'est à présent au Musée Rodin que l'on peut se replonger dans l'univers de l'artiste. Une pièce du musée lui est consacrée, dans laquelle sont présentées quatre vidéos réalisées dans les années 80
(période de ses performances qui firent sa renommée). C'est le rapport de l'artiste au corps qui est ici en jeu, et le constat glace le visiteur.
Chez Mona Hatoum, le corps est une prison d'où l'on ne peut se libérer, même aux prix des plus grands efforts. En témoigne cette vidéo, Changing Parts, où l'on voit l'artiste, nue et couverte de boue, enfermée dans un caisson transparent, sorte de placenta morbide, qui tente en vain de s'en extirper. Le corps est prisonnier, il se heurte aux parois invisibles, lutte contre lui-même et in fine se recroqueville, à bout de force.
Sur l'écran suivant, une succession d'images de l'artiste se bâillonnant elle-même la bouche et sa voix, en fond sonore, répétant inlassablement: «So much i want to say.» Il est question ici de censure, ou plutôt d'autocensure. Le corps, encore une fois, est une prison puisque la parole, les pensées de l'artiste trouvent une barrière physique, la main même de cette dernière plaquée sur sa bouche. Cette déconstruction de l'identité, cette expérience de l'enfermement posent bien sûr la question plus globale du corps dans l'espace social. Ainsi, le corps de l'artiste est lourd et mal à l'aise dans sa vidéo montrant sa performance «Roadworks». Celle-ci se déplace pieds nus dans les rues de Londres, ses chaussures attachées à ses chevilles. Les passants interloqués rient, l'interpellent, ou bien s'écartent. La jeune femme, en dépit de ces réactions, continue sa longue marche imperturbable, tirant derrière elle ses Doc Marteens comme autant de fardeaux que les autres se plaisent à moquer, incapables d'empathie. Ici, le corps crie sa solitude au sein même de l'espace social. À travers ses vidéos, Mona Hatoum montre un corps en disgrâce, enfermé dans sa propre chair et inadapté à la société avec fougue et violence.
«So much i want to say»... L'artiste, loin d'être bâillonnée, nous en dit long sur notre rapport charnel et spirituel au monde.

Elsa BAGHDASSARIAN
Née à Beyrouth dans les années 50 et d'origine palestinienne, artiste mainte fois primée, Mona Hatoum explore, à travers divers médias (vidéos, sculptures, installations...), les thèmes de la souffrance, de la guerre et de l'exil.L'on se souvient de son exposition en juin dernier au Beirut Art Center intitulée «Witness». Mona Hatoum y traitait de l'instabilité géographique et de la...

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